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98 KIT CARSON
Selon d’aucuns, Kit était protégé par un charme. fleuves et des lacs, dans les forêts, à 1 000 ou
Mais ce qu’il y avait de vraiment merveilleux I 500 kilomètres des derniers postes militaires,
chez lui, c’était sa connaissance des pistes utilisées risquant cent fois leur vie au milieu des Pieds
par les Indiens. Une fois qu’il aidait à traquer Noirs et des Apaches, les plus farouches tribus
quelques Jicarillas assassins d’un fermier, il dit indiennes de l’Ouest.
à son chef, le major Carleton : Après dix ans de ce métier, Kit connaissait les
— Si j’en juge d’après ces empreintes et quel Rocheuses comme sa poche. Il était devenu un
ques autres indices, nous devons tomber sur eux remarquable cavalier et un grand chasseur de
à deux heures de l’après-midi. buffles, savait construire des canoës et traquer le
— Je vous parie un bonnet de castor que vous gibier. Il avait appris le Français avec des trap
vous trompez ! répliqua le major. peurs canadiens et l’espagnol avec des Mexicains.
Mais, quand ses éclaireurs l’avertirent que II connaissait le dialecte des Arapahos, des
l’ennemi était en vue, le major regarda sa montre Comanches et des Utes, ainsi que cet étonnant
et constata qu’il était exactement deux heures ! langage par signes que tous les Peaux-Rouges
Quelques semaines plus tard, Kit recevait le bon comprenaient.
net promis, avec cette inscription à l’intérieur : Bientôt Kit eut son affaire à lui. Il s’attacha les
« Deux heures pile ! De la part du major services de plusieurs trappeurs, choisis parmi les
Carleton. » meilleurs, que l’on appelait les « Gars de Carson »
et qui étaient réputés pour leur courage et leur
Kit se fait trappeur honnêteté. Maintes fois, ils firent régner l’ordre
dans des contrées infestées de bandits. Un jour,
it Carson fut le plus grand de tous les éclai avec ses hommes, Kit mit en fuite 200 Pieds
K reurs américains. Il vécut à cette époque Noirs révoltés, ce qui lui valut d’être surnommé
exaltante et dangereuse où le Far West était « Petit Chef » par les Peaux-Rouges.
encore sauvage. Plus tard seulement on y vit
diligences et convois de chercheurs d’or ; c’était “ Murmure des Prairies ”
Kit qui leur avait frayé la voie.
Il était né en 1809 dans l’Etat de Kentucky. Il ar un beau matin de printemps, Petit Chef
n’avait pas dix ans quand son père fut tué par la P descendait des montagnes du Wyoming
chute d’un arbre. A quatorze ans, on le mit en lorsqu’il aperçut une jeune Indienne nommée
apprentissage chez un sellier mais il s’enfuit pour Waa-Nibe — « Murmure des Prairies » — qui
rejoindre un groupe de trappeurs. Au début, ces exécutait une danse rituelle au milieu de sa tribu.
rudes montagnards considérèrent avec amusement Elle avait vingt ans, la douceur et la bonté se
ce petit jeune homme au visage couvert de taches lisaient dans ses grands yeux noirs. Kit tomba
de rousseur, à la tête surmontée d’un toupet de amoureux d’elle. Il lui parla dans le langage des
cheveux filasse et armé d’un vieux fusil rouillé Arapahos et le même soir il alla s’asseoir auprès
plus grand que lui. Pendant plus d’un an, Kit d’elle devant son wigwam. Alors le père de Waa-
suivit avec les trappeurs la piste de Santa Fe, Nibe s’approcha et, cérémonieusement, posa sa
puis, franchissant les montagnes, il parvint en couverture sur les épaules de sa fille et de Petit
Californie. Chef pour consacrer leur union.
Quand il revint au pays natal, vêtu de la veste Kit appela sa femme Alice et il la traita comme
de cuir à boutons de cuivre et à col de fourrure, jamais femme indienne n’avait été traitée. Il la
il avait tout l’air d’un montagnard cossu. Des combla de présents et l’emmena partout avec lui.
pièces d’argent tintaient dans ses poches. Mais il Elle lui donna une fille qu’il prénomma Adaline,
ne resta riche qu’une semaine. Après avoir dû c’est-à-dire « la douce ». En 1839, comme il
vendre sa mule, sa selle et ses éperons d’argent revenait d’une grande chasse au buffle, il trouva
pour payer des dettes de jeu, il rejoignit les trap Alice gravement malade. Les sorciers battirent le
peurs dans les montagnes Rocheuses. grand tambour en peau de buffle pour chasser sa
C’était une grande époque pour les chasseurs fièvre, mais quelques heures plus tard elle expirait
de fourrures, car tous les gens élégants portaient dans les bras de son mari.
alors des bonnets de castor. Les trappeurs s’enfon « Murmure des Prairies » n’avait pas vécu en
çaient dans des contrées sauvages, le long des vain. Grâce à elle, Kit avait appris à respecter les