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                 Selon d’aucuns, Kit était protégé par un charme.   fleuves et des lacs, dans les forêts, à 1 000 ou
              Mais ce qu’il y avait de vraiment merveilleux       I  500 kilomètres des derniers postes militaires,
              chez lui, c’était sa connaissance des pistes utilisées   risquant cent fois leur vie au milieu des Pieds
              par les Indiens. Une fois qu’il aidait à traquer   Noirs et des Apaches, les plus farouches tribus
              quelques Jicarillas assassins d’un fermier, il dit   indiennes de l’Ouest.
              à son chef, le major Carleton :                       Après dix ans de ce métier, Kit connaissait les
                 — Si j’en juge d’après ces empreintes et quel­   Rocheuses comme sa poche. Il était devenu un
              ques autres indices, nous devons tomber sur eux     remarquable cavalier et un grand chasseur de
              à deux heures de l’après-midi.                     buffles, savait construire des canoës et traquer le
                — Je vous parie un bonnet de castor que vous     gibier. Il avait appris le Français avec des trap­
              vous trompez ! répliqua le major.                  peurs canadiens et l’espagnol avec des Mexicains.
                 Mais, quand ses éclaireurs l’avertirent que      II  connaissait le dialecte des Arapahos, des
              l’ennemi était en vue, le major regarda sa montre   Comanches et des Utes, ainsi que cet étonnant
              et constata qu’il était exactement deux heures !   langage par signes que tous les Peaux-Rouges
              Quelques semaines plus tard, Kit recevait le bon­  comprenaient.
              net promis, avec cette inscription à l’intérieur :    Bientôt Kit eut son affaire à lui. Il s’attacha les
               « Deux heures pile ! De la part du major          services de plusieurs trappeurs, choisis parmi les
              Carleton. »                                        meilleurs, que l’on appelait les « Gars de Carson »
                                                                 et qui étaient réputés pour leur courage et leur
                         Kit se fait trappeur                    honnêteté. Maintes fois, ils firent régner l’ordre
                                                                 dans des contrées infestées de bandits. Un jour,
                  it Carson fut le plus grand de tous les éclai­  avec ses hommes, Kit mit en fuite 200 Pieds
              K     reurs américains. Il vécut à cette époque    Noirs révoltés, ce qui lui valut d’être surnommé

                  exaltante et dangereuse où le Far West était  « Petit Chef » par les Peaux-Rouges.
              encore sauvage. Plus tard seulement on y vit
              diligences et convois de chercheurs d’or ; c’était         “ Murmure des Prairies ”
              Kit qui leur avait frayé la voie.
                 Il était né en 1809 dans l’Etat de Kentucky. Il     ar un beau matin de printemps, Petit Chef
              n’avait pas dix ans quand son père fut tué par la   P   descendait des montagnes du Wyoming
              chute d’un arbre. A quatorze ans, on le mit en         lorsqu’il aperçut une jeune Indienne nommée
              apprentissage chez un sellier mais il s’enfuit pour   Waa-Nibe — « Murmure des Prairies » — qui
              rejoindre un groupe de trappeurs. Au début, ces    exécutait une danse rituelle au milieu de sa tribu.
              rudes montagnards considérèrent avec amusement     Elle avait vingt ans, la douceur et la bonté se
              ce petit jeune homme au visage couvert de taches   lisaient dans ses grands yeux noirs. Kit tomba
              de rousseur, à la tête surmontée d’un toupet de    amoureux d’elle. Il lui parla dans le langage des
              cheveux filasse et armé d’un vieux fusil rouillé   Arapahos et le même soir il alla s’asseoir auprès
              plus grand que lui. Pendant plus d’un an, Kit      d’elle devant son wigwam. Alors le père de Waa-
              suivit avec les trappeurs la piste de Santa Fe,    Nibe s’approcha et, cérémonieusement, posa sa
              puis, franchissant les montagnes, il parvint en    couverture sur les épaules de sa fille et de Petit
              Californie.                                        Chef pour consacrer leur union.
                 Quand il revint au pays natal, vêtu de la veste    Kit appela sa femme Alice et il la traita comme
              de cuir à boutons de cuivre et à col de fourrure,   jamais femme indienne n’avait été traitée. Il la
              il avait tout l’air d’un montagnard cossu. Des     combla de présents et l’emmena partout avec lui.
              pièces d’argent tintaient dans ses poches. Mais il   Elle lui donna une fille qu’il prénomma Adaline,
              ne resta riche qu’une semaine. Après avoir dû      c’est-à-dire « la douce ». En 1839, comme il
              vendre sa mule, sa selle et ses éperons d’argent   revenait d’une grande chasse au buffle, il trouva
              pour payer des dettes de jeu, il rejoignit les trap­  Alice gravement malade. Les sorciers battirent le
              peurs dans les montagnes Rocheuses.                grand tambour en peau de buffle pour chasser sa
                 C’était une grande époque pour les chasseurs    fièvre, mais quelques heures plus tard elle expirait
              de fourrures, car tous les gens élégants portaient   dans les bras de son mari.
              alors des bonnets de castor. Les trappeurs s’enfon­   « Murmure des Prairies » n’avait pas vécu en
              çaient dans des contrées sauvages, le long des     vain. Grâce à elle, Kit avait appris à respecter les
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