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VERSAILLES, GLOIRE DE LA FRANCE                                   95


        jamais ; l’usage voulait que l’on grattât à la porte   Mais, avec l’âge, Louis XIV finit par se fatiguer
        avec l’ongle du petit doigt de la main gauche.)    des plaisirs de Versailles. Le monarque vieillis­
                                                           sant devint un homme d’intérieur. Après la mort
        V ersailles fut avant tout l’œuvre de trois        de la reine, l’infante Marie-Thérèse d’Espagne, il
        hommes : le roi Louis XIV, l’architecte Mansart    épousa Mme de Maintenon, qui avait été gou­
        et le dessinateur de jardins Le Nôtre. Le noyau    vernante de ses enfants. Dès lors il passa la plus
        central du palais demeura le petit château bâti    grande partie de son temps dans le charmant
        par Louis XIII. Il est en pierres blanches et      palais du Grand Trianon, qu’il avait fait cons­
        briques roses aux tons chauds, avec un toit de     truire dans le parc.
        plomb bleu-gris, des balcons en fer forgé doré et    Puis vinrent les catastrophes. Coup sur coup,
        une cour pavée de marbre. Louis XIV y ajouta aux   le vieux roi perdit un petit-fils, une petite-fille et
        deux bouts des pavillons et deux longues ailes     un arrière-petit-fils. Une sombre tristesse envahit
        en pierre claire qui s’avancent vers les grandes   le palais, et le 1er septembre 1715 le grand roi
        grilles de la cour pavée.                          mourut à son tour, après soixante-douze années
          Par-derrière, du côté du parc, le regard         de règne.
        embrasse un des tableaux les plus émouvants que
        l’art du jardinier ait jamais conçus. Au pied de   P endant sept ans, les volets des fenêtres du
        la longue façade du palais s’étagent des terrasses   palais restèrent clos. Sur les terrasses désertes les
        en gradins, garnies de parterres fleuris, de statues   feuilles mortes tourbillonnaient, emportées par le
        et de miroirs d’eau. Ces terrasses descendent      vent. Le nouveau roi, un enfant de cinq ans,
        jusqu’à une vaste pelouse, le Tapis Vert, au-delà   sans parents, ni frère ni sœur, était élevé à
        de laquelle on aperçoit l’immense bassin d’Apol­   Paris. Il ne vint habiter Versailles qu’à l’âge de
        lon, puis plus loin le Grand Canal, 1,5 km d’eau   treize ans. C’était alors un adolescent timide, fier
        miroitante qui va se perdre dans des lointains     et secret.
        bleutés où se dessinent quelques peupliers.          Mais, avec le temps, Louis XV se révéla un
          Dans tout le parc, des allées tracées suivant    homme et un roi bien différent de son arrière-
        un plan géométrique invitent à la promenade sous   grand-père. Il s’était fait aménager dans le palais
        leurs hautes futaies de marronniers, de tilleuls et   un petit appartement privé aux pièces délicieuse­
        d’ormes. A chaque détour le promeneur découvre     ment décorées. C’était le nouveau style qu’aimait
        une sereine déesse de pierre, une colonnade, une   la belle marquise de Pompadour.
        rocaille ou un pavillon.                             Comme le roi, elle avait la passion de cons­
          Mais ces calmes jardins peuvent s’animer tout    truire, d’aménager des jardins, de procéder à des
        à coup. Malgré l’absence de toute eau vive à       transformations, témoin ce palais en miniature
        l’emplacement où ils furent construits, ne
        comptaient-ils pas 1 400 fontaines du temps du
        Roi-Soleil ? Louis XIV consacra des années et des
        sommes énormes à cette orgueilleuse réalisation.
        Il y -employa le talent des ingénieurs les plus
        hardis et transforma pour la circonstance
        30 000 soldats en forçats. Finalement, par tout
        un réseau de réservoirs, de canaux et de conduites
        souterraines qui captaient des sources situées à
        des kilomètres de là, l’eau ruissela partout.
          Louis XIV organisa à Versailles d’éblouissantes
        fêtes nocturnes. Par les nuits d’été, l’ombre était
        constellée de milliers de lampions accrochés entre
        les arbres, et les jets d’eau des bassins lançaient
        des paillettes d’argent. De brillants spectacles mon­
        tés par Molière, Lulli et autres grands artistes
        étaient suivis de festins et de feux d’artifice si
        grandioses que le ciel semblait retomber en cas­
        cades lumineuses sur les spectateurs émerveillés.
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