Page 710 - Merveilles Industrie Tome 4
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704                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


               se développent dans cette graine, quand elle   Cultivé à la Martinique, ce même arbrisseau
               a été soumise à une température un peu éle­  devint la souche de toutes les plantations
               vée, c’est-à-dire à une torréfaction légère et  qui s’établirent et se développèrent bientôt
               graduée. Cet arôme a pour propriété de     dans les Antilles.
               stimuler, d’éveiller le cerveau ; il soutient les   C’est dans la province d'Vémen, en Ara­
               forces des hommes soumis à de rudes tra­   bie, que l’on cultive le mieux le caféier.
               vaux ou à des fatigues : c’est un excitant.  La plante est cultivée à mi-côte, pour don­
                 L’usage habituel du café paraît avoir    ner les meilleurs produits, les sommets
               existé en Perse, dès le neuvième siècle.   des montagnes étant trop froids et leur base
               11 était déjà très-répandu à Constantinople  trop chaude. Comme cet arbuste a besoin
               en 1550. Avant le dix-septième siècle, on ne le  pour ses racines d'un sol humide, on amène
               connaissait en France que de nom. En 1660,  de l’eau au pied des caféiers. Le terrain doit
               Soliman Aga, ambassadeur de la Sublime-  être spécialement préparé pour recevoir les
               Porte près du roi Louis XIV, l’importa dans  semences.
               notre capitale, et le mit à la mode à la cour.  C’est, en effet, par des semis de graines que
                 Quelques années après, un Arménien,      l’on fait naître le caféier. L’arbuste est en
               nommé Pascal, débitait des tasses de café,   plein rapport dans la troisième ou quatrième
               dans une petite boutique à la foire de Saint-   année, et il donne des fruits pendant trente
               Germain. Ce fut le premier café ouvert en  ou quarante ans. Comme la floraison et la
               France. Deux autres s’établirent bientôt à  fructification se succèdent rapidement, la
               Paris, l’un rue de Buci, l’autre rue Maza-  récolte du café se fait presque sans interrup­
               rine, mais dans des conditions défavorables :   tion dans la province d’Yémen.
               la divine liqueur y était de mauvaise qua­   L’Arabie est assurément le pays qui four­
               lité, et d’ailleurs mal servie. Ce fut un Si­  nit le meilleur café. Mais cet arbuste est
               cilien, nommé Procope, qui ouvrit, dans la  cultivé aujourd’hui dans presque tous les
               rue des Fossés-Saint-Germain, un café élé­  pays chauds, c’est-à-dire dans ceux dont la
               gant et peu différent de ceux que nous pos­  température est comprise entre + 10° et
               sédons aujourd’hui. La fortune de Procope     25° à 30°. Cette culture est surtout très-
               amena d’autres industriels à ouvrir de nou­  prospère dans l’Inde méridionale, à Java,
               veaux établissements sur le même modèle.   au Brésil et aux Antilles.
               Sous Louis XIV, il y avait déjà à Paris 600 ca­  Ce sont les Hollandais qui apportèrent,
               fés; il en existe aujourd’hui plus dé 3,000.  vers 1680, le caféier à Batavia. De là la cul­
                  Un souvenir touchant se rattache à l’in­  ture de cet arbre s’étendit à tout l’archipel
               troduction du café dans nos colonies. En 1720,   indien, à Java, à Ceylan, et plus tard dans
               Antoine-Laurent de Jussieu, professeur de   l’Inde méridionale.
               botanique au Jardin du roi, remit trois pieds   A l’île Saint-Domingue, on cultive beau­
               du caféier au capitaine Desclieux pour les   coup de caféiers.
               transporter à la Martinique et les soumettre   A l’île de Cuba, la culture du café a de
               à la culture, sous le favorable climat des  l’importance, bien qu’elle ait été un
               Antilles. Pendant la traversée l’eau vint à  peu négligée pour celle de la canne à
               manquer, et deux des caféiers moururent.   sucre.
               Desclieux n’hésita pas alors à partager sa   Au Brésil, cette culture occupe de très-
               ration d’eau avec le troisième plant de café,  grandes étendues de terres.
               et il parvint ainsi à sauver la plante pré­  Les procédés de culture en usage dans
               cieuse qui lui avait été confiée par Jussieu.   ces divers pays sont, d’ailleurs , les
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