Page 636 - Merveilles Industrie Tome 4
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               couronnées de succès, car on les voyait  et des marins anglais. Mais cette nation,
               revenir chaque année avec des chargements   persévérante et active, redoubla d’efforts,
               complets. C’est alors que fut établi et régu­  pour en assurer le succès. En 1732, elle
               larisé le procédé classique de pêche que   accorda des primes élevées à tous les bâti­
               nous décrirons plus loin.                  ments de pêche, et doubla même ces primes
                 Dès l’année 1372, les fiasques arrivèrent   en 1749. D ès lors , cette branche d’indus­
               au grand banc de Terre-Neuve, d’où ils  trie maritime prit, en Angleterre, un rapide
               poussèrent leurs excursions jusqu’au golfe   essor.
               Saint-Laurent et aux côtes de Labrador. Au   Poursuivies dans leurs parages naturels
               quatorzième siècle, des armateurs de Bor­  par une guerre sans merci, les baleines s’é­
               deaux équipèrent, pour la mer Glaciale,    loignèrent peu à peu, et de plus en plus vers le
               des navires pêcheurs, qui pénétrèrent dans  nord. Jusqu’au quatorzième ou au quinzième
               le Groenland et même jusqu’au Spitzberg.   siècle, la pêche s’était faite, avons-nous
                 Les succès des Basques excitèrent la jalou­  dit, sur les côtes françaises de l’Océan, c’est-
               sie et la convoitise des autres nations. Comme  à-dire dans le golfe de Gascogne, et elle était
               les Basques n’étaient protégés par aucun   alors le privilège des Basques. Mais à partir
               pav illon national, on les inquiéta, et l’on finit  du seizième siècle, les baleines devenues plus
               même par les exclure des parages de pêche,   craintives s’étaient réfugiées dans les mers
               soit par la force, soit par des contributions  du Groënland et du Spitzberg. Elles étaient
               onéreuses. Aussi, dès le commencement du   alors très-nombreuses près des côtes et dans
               dix-septième siècle, les Basques commen­   les anses. Les pêcheurs y complétaient
               cèrent-ils à voir décliner leur industrie.   promptement leurs chargements en restant
               Elle fut définitivement perdue pour eux et  près de terre. Des troupes de baleines na­
               pour la France, lorsque, en 1636, les Espa­  geaient avec confiance le long des côtes et
               gnols s’emparèrent de quatorze grands na­  des baies les plus voisines du Groënland et
               vires montés par des Basques, et qui arri­  du Spitzberg. Elles ne fuyaient pas les na­
               vaient des mers du Groënland, richement  vires, et se livraient sans défense à l’avidité
               chargés de lard et de fanons.              des pêcheurs. Les Hollandais avaient même
                 Les pêcheurs basques se décidèrent alors  bâti dans File d’Amsterdam un village
               à accepter un rôle secondaire. Ils se virent  qu’ils avaient appelé le village de la Graisse
               réduits à servir de guides à leurs puissants  (Smeerembourg'). Ils y avaient créé des entre­
               rivaux : ils enseignèrent l’art de la pèche   pôts et des approvisionnements de mar­
               baleinière aux Hollandais, et même aux  chandises diverses. Pour accompagner leurs
               Anglais.                                   escadres de pêcheurs, ils expédiaient des
                 La pêche des Hollandais prit rapidement  navires chargés de vins, d’eau-de-vie, dè
               une grande extension. Soutenue par de ri­  tabac et de comestibles. Dans le village
               ches compagnies, l'industrie nouvelle devint  de la Graisse on fondait la graisse des
               une source de prospérité pour la Hollande,  baleines que l’on y amenait mortes, et
               jusqu’au commencement du dix-huitième  on transportait ensuite l’huile en Europe.
               siècle. A cette époque, la pêche se trouva  Mais bientôt les baleines devinrent crain­
               paralysée par la guerre maritime, et, après la  tives et tout à fait farouches. Elles émigrè­
               paix, elle ne put parvenir à se reconstituer.  rent peu à peu et lentement, comme si elles
                 Tandis que la pêche de la baleine donnait  quittaient avec regret les côtes et les baies
               aux Hollandais de si beaux résultats, elle ne  où elles étaient nées, où elles avaient vécu
               prospérait pas entre les mains des armateurs  et multiplié libres et heureuses.
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