Page 509 - Merveilles Industrie Tome 4
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L’ALCOOL ET LA DISTILLATION.                             503

         de manière à transformer le sucre en alcool.  davantage leurs procédés de vinification, et
           Cette dernière idée a donné naissance  vendu leurs vins au commerce, au lieu de
         aux distilleries agricoles. Un savant agri­  les livrer aux brûleurs.
         culteur du département du Nord,M. Chain-    Ainsi, l’industrie des trois-six de bette­
         ponnois, eut le premier l’idée de créer une  raves a eu des conséquences bien fécondes.
         industrie agricole qui a rapidement pros­   Les distilleries agricoles, c’est-à-dire les
         péré, et qui donne aujourd’hui une vitalité  établissements pour la fabrication de l’al­
         puissante à l’agriculture de nos départe­  cool, annexés aux fermes étaux exploitations
         ments du nord.                            agricoles, l’emportent, tant au point de vue
           On appelle donc distilleries agricoles des  chimique, qu’au point de vue économique,
         établissements annexés aux propriétés agri­  sur les fabriques de sucre. En d’autres ter­
         coles, et dans lesquels on fait fermenter les  mes, il est plus avantageux de tirer parti du
         jus de betteraves, pour les distiller et en  jus de la betterave, en retirant l’alcool qu’en
         retirer de l’alcool.                      en fabriquant du sucre. En effet, quand on
           La production de l’alcool dans les exploi­  distille le liquide sucré provenant du jus
         tations agricoles, seconde activement l’é­  de betteraves fermenté, on n'a pas à s’in­
         levage du bétail et la fumure des terres,  quiéter des altérations auxquelles le sucre
         par les résidus abondants qu’elle laisse au  est exposé, on n’a pas à craindre sa trans­
         sol arable, puisqu’elle n’enlève, pour tout  formation en acide lactique, ou en su­
         produit, que l’alcool provenant du sucre  cre incristallisable, altérations qui, dans
         contenu dans la racine. Elle contribue di­  les sucreries, sont la cause des plus gran­
         rectement à la conservation des céréales,  des pertes. Les fabriques de sucre consom­
         en ménageant la grande quantité de grains  ment des quantités énormes de combustible
         qui étaient autrefois consacrés à la fabri­  pour la concentration des jus et emploient
         cation des eaux-de-vie. Elle a eu pour  des agents chimiques de toutes sortes. Rien de
         conséquence de réduire considérablement  semblable n’existe dans les distilleries de bet­
         la distillation des vins dans le midi de la  teraves, qui ne consomment pas le dixième
         France, et de réserver cette abondante et  du combustible nécessaire aux sucreries,
         précieuse boisson pour la consommation  et ne demandent qu’une main-d’œuvre très-
         en nature. Pendant la première moitié de  ordinaire, à laquelle l’ouvrier des champs
         notre siècle, la presque totalité de nos ré­  est aussi apte que l’ouvrier des fabriques.
         coltes de vins dans le midi de la France,
         était brûlée, c’est-à-dire distillée, pour en   Les distilleries agricoles mettent en œu­
         retirer l’alcool. Par une opération vraiment  vre, pour retirer l’alcool du jus de bette­
         barbare, on ne demandait au vin que son  raves, deux procédés fort distincts : 1° la
         alcool, et l’on rejetait les autres produits,  simple expression des racines de betteraves,
         à l’état d’infecte et inutile vinasse. Mais, à  au moyen de puissantes presses, et la fer­
         partir de la deuxième moitié de notre siècle,   mentation de ce jus; 2° la macération des
         par suite de la création de l’industrie du  racines de betteraves dans l’eau ou dans les
         trois-six de betteraves, jointe à celle des  vinasses de betteraves, suivie de la fermen­
         eaux-de-vie de grains, le commerce ayant  tation de ces infusions aqueuses.
         disposé d’abondantes quantités d’alcool, le   Jusqu’à l’année 1867 environ, on n’a fait
         prix de ces liquides s’est abaissé à tel point,  usage dans le nord de la France que du
         que nos départements du Midi ont dû re­   dernier de ces procédés, c’est-à-dire de la
         noncer à brûler leurs vins. Ils ont soigné  macération des tranches de racines de
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