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L’ALCOOL ET LA DISTILLATION. 503
de manière à transformer le sucre en alcool. davantage leurs procédés de vinification, et
Cette dernière idée a donné naissance vendu leurs vins au commerce, au lieu de
aux distilleries agricoles. Un savant agri les livrer aux brûleurs.
culteur du département du Nord,M. Chain- Ainsi, l’industrie des trois-six de bette
ponnois, eut le premier l’idée de créer une raves a eu des conséquences bien fécondes.
industrie agricole qui a rapidement pros Les distilleries agricoles, c’est-à-dire les
péré, et qui donne aujourd’hui une vitalité établissements pour la fabrication de l’al
puissante à l’agriculture de nos départe cool, annexés aux fermes étaux exploitations
ments du nord. agricoles, l’emportent, tant au point de vue
On appelle donc distilleries agricoles des chimique, qu’au point de vue économique,
établissements annexés aux propriétés agri sur les fabriques de sucre. En d’autres ter
coles, et dans lesquels on fait fermenter les mes, il est plus avantageux de tirer parti du
jus de betteraves, pour les distiller et en jus de la betterave, en retirant l’alcool qu’en
retirer de l’alcool. en fabriquant du sucre. En effet, quand on
La production de l’alcool dans les exploi distille le liquide sucré provenant du jus
tations agricoles, seconde activement l’é de betteraves fermenté, on n'a pas à s’in
levage du bétail et la fumure des terres, quiéter des altérations auxquelles le sucre
par les résidus abondants qu’elle laisse au est exposé, on n’a pas à craindre sa trans
sol arable, puisqu’elle n’enlève, pour tout formation en acide lactique, ou en su
produit, que l’alcool provenant du sucre cre incristallisable, altérations qui, dans
contenu dans la racine. Elle contribue di les sucreries, sont la cause des plus gran
rectement à la conservation des céréales, des pertes. Les fabriques de sucre consom
en ménageant la grande quantité de grains ment des quantités énormes de combustible
qui étaient autrefois consacrés à la fabri pour la concentration des jus et emploient
cation des eaux-de-vie. Elle a eu pour des agents chimiques de toutes sortes. Rien de
conséquence de réduire considérablement semblable n’existe dans les distilleries de bet
la distillation des vins dans le midi de la teraves, qui ne consomment pas le dixième
France, et de réserver cette abondante et du combustible nécessaire aux sucreries,
précieuse boisson pour la consommation et ne demandent qu’une main-d’œuvre très-
en nature. Pendant la première moitié de ordinaire, à laquelle l’ouvrier des champs
notre siècle, la presque totalité de nos ré est aussi apte que l’ouvrier des fabriques.
coltes de vins dans le midi de la France,
était brûlée, c’est-à-dire distillée, pour en Les distilleries agricoles mettent en œu
retirer l’alcool. Par une opération vraiment vre, pour retirer l’alcool du jus de bette
barbare, on ne demandait au vin que son raves, deux procédés fort distincts : 1° la
alcool, et l’on rejetait les autres produits, simple expression des racines de betteraves,
à l’état d’infecte et inutile vinasse. Mais, à au moyen de puissantes presses, et la fer
partir de la deuxième moitié de notre siècle, mentation de ce jus; 2° la macération des
par suite de la création de l’industrie du racines de betteraves dans l’eau ou dans les
trois-six de betteraves, jointe à celle des vinasses de betteraves, suivie de la fermen
eaux-de-vie de grains, le commerce ayant tation de ces infusions aqueuses.
disposé d’abondantes quantités d’alcool, le Jusqu’à l’année 1867 environ, on n’a fait
prix de ces liquides s’est abaissé à tel point, usage dans le nord de la France que du
que nos départements du Midi ont dû re dernier de ces procédés, c’est-à-dire de la
noncer à brûler leurs vins. Ils ont soigné macération des tranches de racines de