Page 456 - Merveilles Industrie Tome 4
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               son propre génie, qui venait de résoudre   fera, plus l’esprit sera fort de titre. Chaque chambre
               un problème d’une portée économique im­    est séparée par une platine diagonalement placée,
                                                          ayant deux ouvertures ; colle qui est à la partie supé­
               mense et qui, depuis un siècle, occupait les
                                                          rieure est deux fois plus grande que celle qui est à
               plus éminents industriels ou savants. Il lui   la partie inférieure.
               avait fallu treize ans de recherches, de tâ­  « Les deux robinets adaptés à l’appareil de rectifi­
                                                          cation sont faits à trois eaux, mot de mon invention,
               tonnements, de dépenses ; il avait dû s’en­
                                                          de manière que, lorsqu’on établit la communication
               velopper, pendant ce long intervalle, du   avec un tuyau, il la ferme à l’autre.
               secret le plus rigoureux ; il venait de jouer   « Le bras du chapiteau de la chaudière commu­
               sa vie dans une expérience sans précédent,   nique avec le tube M, au bout duquel estun robinet G
                                                         où est adapté le tuyau II, I communiquant avec les
               mais le brillant résultat qu’il avait obtenu,   deux cylindres.
               dans cette nuit mémorable, le récompen­     « Le tuyau M s’adapte au serpentin N. Il y a aussi
               sait largement de ses fatigues.           le tuyau L, qui correspond au tuyau M, duquel on
                                                         dira l’utilité ci-après.
                 L’appareil d’Édouard Adam était un véri­
                                                           « La chaudière étant remplie de vin, le fourneau
               table monument, dont la construction ab­  étant allumé et le distillateur voulant faire de l’eau-
               sorbait des sommes énormes, car le pre­   de-vie preuve de Hollande, tourne le robinet C, de
               mier modèle, le grand appareil ne coûtait   manière à intercepter la communication avec le cy­
                                                         lindre E. La vapeur passe immédiatement dans le
               pas moins, comme nous l’avons dit, de     tuyau M, dans le serpentin N, S, et tombe en preuve de
               trente mille francs. A ce point de vue,   Hollande dans le récipient R qui est au bas et devant
               Edouard Adam avait mis un véritable mo­   le réfrigérant. Mais lorsque l’eau-de-vie commence à
                                                         s’affaiblir, c’est-à-dire lorsqu’on n’obtient que ce
               nopole aux mains des sociétés financières
                                                         qu’en distillation on appelle vulgairement repasse,
               qui pouvaient seules exploiter la fabrica­  le distillateur tourne le robinet C, pour établir la
               tion des trois-six. L’appareil d’Isaac Bérard,   communication par le tuyau I), avec le cylindre E, la
                                                         vapeur entre dans la première ehatnbre et communique
               d’une simplicité qui tenait du prodige, ne
               devait pas coûter plus de 350 francs, et s’a­
               dapter à toute chaudière. 11 devait, par le
               fait, renverser le monopole créé à son profit
               par la compagnie d’Edouard Adam, et,
               comme nous le dirions aujourd’hui, démo­
               cratiser l’industrie des alcools.
                 C’est, en effet, ce qui ne manqua pas d’ar­
               river. Isaac Bérard ayant fait breveter son
               appareil en 1805, la plupart des fabricants
                                                           Fig. 249. — Détail du cylindre à platines métalliques
               d’eaux-de-vie s’empressèrent d’adopter sa                d’Isaac Bérard.
               colonne analyseuse, et les appareils d’É­
                                                         successivement aux autres par le trou supérieur de
               douard Adam reçurent un coup terrible de   chaque platine.
               cette découverte imprévue.                  « La platine de séparation des deux chambres où
                                                         est la lettre G n’ayant point d’ouverture supérieure,
                 Il est indispensable, avant d aller plus
                                                         ce n’est que par le robinet G, que la communication
               loin, de décrire l’appareil d’Isaac Bérard,   entre les deux cylindres s’établit par le tuyau H I,
               en l’accompagnant (fig. 250) du dessin de   dont on se sert pour mieux rectifier la repasse. I.t»
               l’appareil. Voici le texte du brevet pris par   partie la plus grossière de l’appareil, qu’on appelle
                                                         phlegme, tombe au fond de chaque chambre etvient
               l’inventeur :                             communiquer au tuyau O. On dira ci après l’utilité
                                                         de ce tuyau et ce que devient le phlegme.
                 « L’appareil, en forme oblongue, est composé de   « La vapeur arrivée à la dernière chambre du
               deux gros cylindres placés parallèlement, dont cha­  cylindre J entre dans le tuyau L, puis dans le
               cun est divisé intérieurement en six pièces ou cham­  tuyau M, passe au serpentin N, et tombe en preuve
               bres : on peut en faire plus ou moins. Plus on en   de Hollande. C’est dans cette seule opération de
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