Page 212 - Merveilles Industrie Tome 4
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                 sur lesquelles les fromages sont déposés.  ! tre s’élargissent, et, comme elle doit rendre au lait
                                                            presque l’équivalent de ce qu’elle consomme, il
                 Au-dessus de la cave est le poids. On donne
                                                            reste trop peu pour que les autres parties du corps
                 ce nom à l’entrepôt où les fromages sont   se développent en proportion.
                 reçus lorsqu’ils arrivent à l’établissement,   « La taille, le volume et le produit de la brebis du
                 et le saloir, dont le nom indique l’usage.   Larzac varient selon la fertilité des lieux où elle est
                                                            nourrie : de là deux sous-races, qu’on a voulu dis­
                 Ce dernier local est d’autant meilleur qu’il
                                                            tinguer mal à propos : celle des vallons et celle des
                 participe davantage delà fraîcheur des caves.  plateaux. Les agneaux nés sur les plateaux et con­
                    Parlons maintenant de la race particu­  duits jeunes dans les vallons environnants, où l’herbe
                                                            est meilleure, y prennent plus de développement et
                 lière des brebis qui fournissent le lait dans
                                                            ne diffèrent pas de ceux qui sont nés sur les sols
                 les montagnes du Larzac.                   fertiles. Le rendement en fromage a pu être excep­
                   Sur le plateau du Larzac, dont l’altitude   tionnellement porté jusqu’à 25 kilogrammes par
                 est de 900 mètres, le sol est aride et dénudé.   brebis, mais la moyenne du rendement est de 14
                                                            kilogrammes.
                 Çà et là, au milieu des vastes étendues de   « Le poids moyen des toisons est, sur les pla­
                 pâturages, quelques champs cultivés s’abri­  teaux, de kilog. 2 ; dans les vallons de kilog. 2,50 ;
                 tent dans des plis de terrain. L’herbe y est   elle est très-chargée et ne rend pas au lavage au
                                                            delà de 33 à 35 p. 100. La race, même dans les val­
                 peu abondante, mais salubre. Toutefois, ce
                                                            lons, est très- petite.
                 ne sont plus ces herbes naturelles qui ser­  « Le bélier du Larzac communique les qualités
                 vent aujourd’hui à nourrir les troupeaux   laitières de la race aux brebis communes. Le rayon
                                                            dans lequel est produit le fromage de Roquefort
                 qui fournissent le lait destiné au fromage de
                                                            s’étend tous les jours ; les nouveaux fermiers qui
                 Roquefort. Elles ne suffiraient plus aux be­  adoptent cette industrie ne changent pas leurs
                 soins de ces troupeaux ; des champs de trèfle,   troupeaux ; ils se bornent à donner à leurs brebis
                 de luzerne et de sainfoin, les ont remplacés.  communes des béliers du Larzac. Au bout de peu
                                                            de générations, 1 identité est complète. »
                   Les brebis du Larzac sont d’une race toute
                 particulière. Dans un ouvrage intitulé la    Vers la fin du premier Empire, on intro­
                 Bergerie, M. Jules Ronhomme fait connaître   duisit dans le Larzac les mérinos d’Espagne,
                 cette race en ces termes :                 qui se mêlèrent à la race locale. Ce fut une
                                                            faute : car la race mérinos est de toutes la
                   « Vers les premières années du siècle, c’est-à-
                 dire au moment où l’on commença à cultiver les   plus mauvaise laitière. Mais les laines fines
                 prairies artificielles dans le midi de l’Aveyron, la   avaient alors une grande valeur, qu’elles
                 brebis du Larzac différait àpeine des races communes.   n’ont plus aujourd’hui.
                 Dès qu’elle fut mieux nourrie, on vit augmenter con­
                 sidérablement la sécrétion du lait, produit important   Les demandes toujours croissantes du fro­
                 dans la contrée, et employé à faire le fromage de Ro­  mage de Roquefort, à mesure que les voies
                 quefort. Dès lors les fermiers apportèrent plus de   de communication devenaient plus faciles ,
                 soin à conserver, pour la reproduction, les agneaux   ont excité les cultivateurs à en augmenter
                 nés des meilleures brebis. En même temps que le lait
                 augmentait, la toison augmenta aussi de poids et de   la production. De là l’extension que, depuis
                 finesse, à mesure que les troupeaux furent mieux   le commencement du siècle, ont prise,
                 nourris ; mais on se préoccupa peu des formes du   dans la contrée, les prairies artificielles, soit
                 corps, qui sont restées défectueuses.
                   « On retrouve chez la brebis du Larzac les traits   trèfle, soit sainfoin, soit luzerne, selon la
                 observés sur plusieurs races de vaches réputées   qualité du sol. A ces fourrages il faut ajouter
                 bonnes laitières : une poitrine étroite et sans pro­  aussi la fenasse, mélange de graminées, qui
                 fondeur, un flanc large, un gros ventre, des épaules
                 et des cuisses minces, et, en même temps, le pis   sert souvent de pâturage artificiel pour les
                 très-développé, la peau souple et fine. L’agneau,   troupeaux. La conséquence de ces cultures a
                 comme le veau dans les races laitières, est sevré   été d’augmenter le nombre des troupeaux
                 trop tôt, et mal alimenté dans sa première jeunesse :
                 la charpente se fait mal. La brebis, comme la vache   de brebis et le rendement de chacune.
                 laitière, est nourrie à outrance, sa panse et son ven-   Marcorelles, le premier auteur qui ait
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