Page 210 - Merveilles Industrie Tome 4
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204                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                 a café ordinaire, au prix de 10 à 13 centi­  A une époque qu’il est impossible de fixer
                 mes, ou bien dans de légers paillassons de  il arriva un de ces accidents qui, tout extra­
                jonc, de 15 à 20 centimètres sur 20 à 25 cen­  ordinaires qu’ils sont, ne sont pas sans
                 timètres ; ce qui fait donner à ce fromage le  exemples. En effet, le 26 novembre 1875, un
                 nom de jonchées.                          fait de ce genre arriva à l’île Bourbon (île
                   Un agriculteur de la Charente essaya, en  de la Réunion). Une montagne tout en­
                 1836, de vendre ce fromage à Paris; mais  tière, le piton du Grand-Sable (district de
                cette tentative demeura sans succès.       Salazie) au pied du Gros-Morne, s’éboula
                                                           en un instant, et couvrit de ses débris une
                                                           étendue de plusieurs kilomètres.
                                                             C’est un éboulement de ce genre qui se
                           CHAPITRE XVIII                  produisit dans la montagne du Cambalou,
                                                           à une époque indéterminée. Les assises ar­
                LES FROMAGES DE BREBIS DE PATE FERME. — LE ROQUE­
                                                           gileuses sur lesquelles reposait la montagne
                  FORT. — IMPORTANCE DU COMMERCE DU FROMAGE DE
                  ROQUEFORT. — PROCÉDÉ POUR LA PRÉPARATION DU   du Cambalou, glissèrent sur les flancs du
                  FROMAGE DE ROQUEFORT. — CAVES. — LA FERMENTA­
                                                           coteau, détrempés probablement par suite
                  TION DU FROMAGE DE ROQUEFORT. — LE FROMAGE DE
                                                           de longues pluies. Une partie du rocher, la
                  SASSENAGE ET LE FROMAGE FAÇON ROQUEFORT.
                                                           moitié peut-être suivit ce mouvement. Les
                   Nous arrivons aux fromages de lait de  strates, ainsi déplacées, renversées les unes
                brebis affinés, c’est-à-dire dans lesquels le  sur les autres en immenses blocs, formèrent
                 caillé a subi la fermentation qui le trans­  un nouveau sol irrégulier, laissant entre eux
                 forme en fromage proprement dit, à l’odeur  des fissures nombreuses. L’air, en pénétrant
                 forte, au goût savoureux et piquant.      dans plusieurs sens à travers les fissures du
                   De tous les fromages de brebis affinés, ou  sol, y forma des courants, en même temps
                 pour mieux dire de tous les fromages connus,   que les eaux pluviales, par leur infiltra­
                 le plus célèbre est le fromage de Roquefort,  tion, les remplissaient d’humidité.
                 que l’on a appelé, à juste titre, le roi des fro­  C’est sur ce nouveau sol que fut bâti plus
                 mages.                                    tard le village de Roquefort.
                   Une Notice publiée par le directeur de la   Les grottes naturelles formées par les
                 Société des caves réunies de Roquefort ren­  interstices des roches bouleversées, sont ra­
                 ferme des détails intéressants sur l’his   fraîchies par l’air qui les traverse d’une ex­
                 toire de l’industrie fromagère de l’Aveyron,   trémité à l’autre. Quand on eut reconnu
                 et la description des procédés suivis pour  cette particularité, on utilisa ces grottes pour
                 la préparation de ce fromage et sa conser­  la préparation des fromages provenant du
                 vation. Nous rapporterons ici de longs ex­  lait des brebis de la contrée. Plus tard, on
                 traits de cette Notice, qui renseigneront  construisit des locaux plus vastes, qui sont
                 complètement le lecteur sur cette question.  les caves actuelles.
                   Sur le revers septentrional du plateau du   La température de ces caves varie entre
                 Larzac, entre Saint-Affrique et Saint-Rome  -j— 4 et —|— 8 degrés d’un jour à l’autre,
                 (Aveyron), s’avance, de l’est à l’ouest, une  d’une cave et d’une partie de cave à l’autre.
                 sorte de contre-fort, dont le sommet est    L’air amené par les fissures du sol est
                 borné du côté du nord par un escarpement  chargé d’humidité, dont la moyenne est de
                 abrupt, hérissé de rochers coupés à pic et  60° à l’hygromètre.
                 d’une hauteur de plus de 100 mètres. C’est la   La température des caves est la plus fa­
                 montagne du Cambalou.                     vorable aux effets que l’on se propose d’obte-
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