Page 195 - Merveilles Industrie Tome 4
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188  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.  LE LAIT ET SES PRODUITS.                            189

 On appelle fromage de Bergues un fro­  commencer les sections; ensuite une plan­
 mage de Hollande à pâte maigre, car il est  che ronde percée de trous est passée au bout
 fait généralement avec du lait écrémé. On   d’un bâton pour brasser le caillé.
 le prépare dans la partie des Flandres dési­  A Salers, on agite le caillé avec force ; à
 gnée sous le nom de Watteringues.  Aurillac on le remue lentement et avec légè­
 Fromage du Cantal. — Les montagnes du  reté. Dans ce dernier cas on obtient un tiers
 département du Cantal, couvertes de neiges   de produit de plus que dans le second, mais
 pendant une partie de l'année, fournissent,   aux dépens de la qualité. Quand le caillé est
 dans la belle saison, d’excellents pâturages,  parfaitement séparé du sérum, on décante
 où paissent, pendant cinq mois, de grands  ce liquide avec un seau de bois porté au bout
 troupeaux de vaches. C’est avec ce lait que  d’un manche. Ce petit-lait est consommé par
 l’on fabrique le fromage du Cantal, l’ali­  les paysans, après qu’on en a retiré, par le
 ment principal des habitants du pays.  repos, un peu de crème, qui sert à obtenir,
 Le meilleur de ces fromages se fait dans  par le barattage, un beurre, que l’on appelle
 les trois vallées qui se réunissent devant l’an­  beurre de montagne.
 cienne petite ville de Salers, principalement   Le caillé étant ainsi séparé du sérum, on
 dans la vallée de Fontanges, que la Maronne  le retire du baquet et on le met dans un vase
 traverse au milieu de riches prairies et d’al­  plat en bois, nommé faisselle, percé de trous
 lées de saules et de peupliers. Après le fro­  à sa partie inférieure et posé sur la table à
 mage de Salers, vient celui qui se fabrique  fromage ou (chèvre). Alors le vacher monte
 sur les hauteurs du Cantal. Ce dernier se  sur la table ; il comprime la pâte enfermée
 conserve près de neuf mois. Vient enfin celui   dans le baquet, avec ses bras et ses genoux, en
 des montagnes basses qui, pour conserver  agissant sur la masse à exprimer, tantôt par
 ses qualités durant sept à huit mois, a besoin   les bras, tantôt par les genoux (fig. 135).   Fig. 135. — Travail de la tomme par un fromager d’Auvergne.
 d’être tenu enfermé dans les caves de la ville   Cette opération dure une heure et demie. On
 de Murat, et qui les perdrait, si on le portait   est convaincu, en Auvergne, qu’elle ne se   la conservation que l’on veut lui assurer. 11  trir le caillé, et il achève de remplir ainsi le
 dans les caves d’Aurillac.  ferait pas avec le même avantage par une   faut 1 kilogramme de sel pour 35 kilogram­  moule de tomme salée, pétrie et comprimée.
 Voici comment on procède à la fabrication   presse, et qu’il faut nécessairement, pour pé­  mes de pâte, si l’on veut faire des fromages
 du fromage du Cantal, d’après un article de   trir cette pâte, le travail des bras et des ge­  doux, et jusqu’à 2 kilogrammes de sel pour
 M. Duffourc, publié dans le Journal d’agri­  noux .  les fromages dits salés, avec la même pro­
 culture pratique (1).  On appelle en Auvergne, tomme, ou   portion de pâte.
 Dans les pâturages de l’Auvergne, on  fourme, la pâte ainsi exprimée.  Pour mouler la tomme, on prend une lame
 trait les vaches deux fois par jour. Les va­  Amenée à cet état, la tomme est mise à   de bois de hêtre, de 20 à 22 centimètres de
 chers transportent le lait dans des baquets,   fermenter pendant trois à quatre jours, en   hauteur, qui prend la forme cylindrique
 ou gerles, portés par des hommes. Nous   l’approchant du feu si le temps est froid.   quand on approche ses deux extrémités
 avons déjà représenté la forme de ces ba­  Les éléments contenus dans la pâte en­  (fig. 136) et que l’on enserre le cylindre ainsi
 quets dans la figure 83 (page 139). Arrivé à  trent en fermentation. La tomme devient   formé dans un cercle (fig. 137). L’ouvrier
 la fromagerie, le lait est passé à travers un  alors spongieuse, et se remplit de gaz,   prend ce cylindre de bois et le passe sur la
 tamis de crin et traité par la présure. Au   comme la pâte de froment fermentée se   faisselle, c’est-à-dire sur une auge d’un dia­
 bout d’une heure, le caillé s’est formé. On   remplit de bulles ou de cavités. On dit alors   mètre un peu plus grand que le cylindre, et
 le rompt, à l’aide d’instruments qui varient  que la tomme est soufflée. Pour la transfor­  il y foule la tomme, après l’avoir divisée,   Fig. 136-137. — Feuille et cercle pour le moule du
 suivant les localités. En général, on se sert  mer en fromage, il reste à la saler, à la   pétrie et mélangée de sel. A mesure qu’il   fromage d'Auvergne.
 d’un sabre de bois (mésadou) qui sert à  mouler et à lui faire subir une dernière fer­  remplit ce moule, le fromager, monté sur
 mentation.  la table, comprime la masse avec ses bras   Pour achever la compression de la pâte,
 (1) Tome II, page 185.   La quantité de sel varie selon la durée de  et ses genoux, comme il l’avait fait pour pé­  on place le moule plein de tomme, sous une
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