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INDUSTRIE DE L’EAU.                                 87


         que l’on peut plonger impunément la main   la forme globulaire quand on le fait tomber
         dans du plomb fondu, dans du cuivre ou de   sur de l’eau bouillante. Partant de ce fait,
         la fonte en fusion, pourvu que l’on ne fasse   M. Legal a pensé qu’en mouillant la main
         durer ce contact que quelques secondes. 11   avec de l’éther sulfurique, on pourrait im­
         cst également certain que l’on peut soulever   punément la tremper dans l’eau bouillante.
         un fer rouge avec la main sans se brûler,   L’expérience a confirmé ces prévisions. Si
         passer la langue sur une pelle rouge de feu,   l’on mouille ses mains avec de l’éther, on
         manier sous l’eau une masse de verre en   peut les plonger dans l’eau bouillante sans
         fusion. Tout cela est possible, et tout cela   éprouver la moindre brûlure.
         était connu depuis longtemps. Seulement
         on n’y croyait pas, en général. Boutigny, en   Dissociation de l'eau. — Nous arrivons au
         répétant courageusement ces expériences   dernier terme de l’action de la chaleur sur
         lui-même; en coupant avec sa main un jet   l’eau. Si l’on expose de l’eau à une tempé­
         de fonte qui coulait de la gueule d’un haut­  rature au-dessus du rouge, mais en opérant
         fourneau; en maniant une barre de fer    dans des vases fermés, au lieu d’exposer l’eau
         rouge; en léchant avec sa langue une tige   sur une surface rouge en présence de l’air,
         de platine rougie ; en posant son pied nu   il se produit un phénomène qui n’a été dé­
         sur du cuivre en fusion, a montré la réalité   couvert que dans ces derniers temps, par
        de ces phénomènes, et en a, en même temps,   les expériences de M. Charles Sainte-Claire
        donné l’explication.                      Deville, et qui constitue, comme on va
          Cette explication se trouve dans l’état sphé­  le voir, une sorte de contradiction chi­
         roïdal de l’eau. La surface de la peau est   mique.
        toujours humide, et il y a toujours, par suite   Vers 2,000° l’eau est décomposée en ses
        de l’appréhension inévitable que l’on res­  éléments, oxygène et hydrogène, sans l’in­
        sent au moment d’une telle expérience, une   tervention d’aucun agent chimique, et par le
        augmentation de cette humidité naturelle,   seul fait de l’excessive élévation de tempéra­
        c’est-à-dire de la sueur. L’eau de la sueur   ture. Si l’on considère que dans une foule
        prend, au voisinage du métal fondu, l’état   de circonstances l’eau se forme, sous l’in­
        sphéroïdal, et réfléchissant, ou repoussant,   fluence de la chaleur, par la combinaison
        comme le voulait Boutigny, le calorique du   de l’oxygène et de l’hydrogène, on trouvera
        métal fondu, empêche, quelle que soit la   étrange que la chaleur suffise à dissocier, à
        théorie qu’on en donne, le contact entre   séparer l’oxygène et l’hydrogène qui cons­
        la peau et le corps chaud, et préserve la   tituent l’eau. On ne peut expliquer ce fait
        peau de l’action de la chaleur et de ses effets   qu’en admettant que la combinaison des
        destructifs.                              deux gaz qui composent l’eau se fait à une
          Comme la sueur sur laquelle on compte   certaine température, à 1,000’ par exemple,
        pourrait faire défaut, il vaut mieux, avant   et qu’une température plus élevée, celle de
        de faire l’expérience, se mouiller les mains   2,000°, peut produire la dissociation, la sé­
        avec de l’eau ou de l’éther. Il est évident,   paration des mêmes éléments.
        toutefois, qu’il faut opérer très-rapidement;   Quoi qu’il en soit, M. Sainte-Claire De­
        sans cela la mince couche d’eau à l’état   ville a mis hors de doute le phénomène
        sphéroïdal qui préserve la peau, finirait par   de la décomposition de l’eau par la chaleur
        se vaporiser, et l’on serait victime de l’ex­  seule, à une température que l’on atteint fa­
        périence.                                 cilement dans les laboratoires. L’expérience
           On a reconnu que l'éther.sulfurique prend   se fait de la manière suivante. On prend
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