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MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                         L'appareil que nous venons de décrire   d’Alexandrie que les Arabes empruntèrent
                      est l'alambic perfectionné, tel qu’on l’em­  l’appareil distillatoire qu’ils baptisèrent du
                      ploie aujourd’hui, et dont toutes les parties   nom d’al-ambic. On sait que, du Xe au xme
                      sont parfaitement calculées en vue du but   siècle, les Arabes eurent seuls le privilège
                      à atteindre. Mais ce même appareil a eu   des connaissances scientifiques. A cette épo­
                      pendant longtemps des formes très-défec­  que, en Afrique et en Espagne, les écoles
                      tueuses. Au Moyen âge et à la Renaissance,   des Arabes brillaient d’un vif éclat, et la
                      époque à laquelle la distillation était déjà   chimie était la science qu’ils cultivaient
                      fort employée, les chimistes, les pharma­  avec le plus de succès. VI al-ambic fut un
                      ciens et les parfumeurs, pour préparer    des plus précieux appareils dont ils enri­
                      l’alcool, les eaux de senteur et les huiles   chirent l’Europe savante.
                      volatiles végétales, faisaient usage d’alam­  Les chimistes du Moyen âge qui reçurent
                      bics aux formes les plus bizarres. Tout le   Val-ambic des Arabes, n’y ajoutèrent rien
                      monde connaît ces athanors, ces cornues et   de sérieux. Ce ne fut qu’à la fin du xvme siècle
                      ces récipients fantastiques, à la large panse   que les chimistes et les industriels, à la
                      et au serpentin capricieux, qui ornaient les   tête desquels il faut placer Édouard Adam,
                      laboratoires des alchimistes des xv° et xvie   Baume, l’abbé Molines, Duportal et Chaptal,
                      siècles. On s’amusait à faire parcourir à la   perfectionnèrent ce précieux appareil.
                      vapeur d’eau les chemins les plus sinueux,   Nous venons de faire connaître l’alambic
                      avant de la conduire dans le vase de con­  qui sert dans les laboratoires et dans l’in­
                      densation.                                dustrie à distiller l’eau. Quand il s’agit de se
                        Le mot alambic est d’une origine arabe.   procurer de petites quantités d’eau, on se sert
                      Il dérive du mot grec àpêtS, qui signifie cou­  d’un appareil plus simple et mieux à la por­
                      vercle, ou récipient. L’an 200 après Jésus-   tée : on distille l’eau à la cornue.
                      Christ, Alexandre, d’Aphrodisia, ville de   La figure 31 représente l’appareil employé
                      Cilicie, écrivait : « On rend l’eau de mer   dans les laboratoires, pour la distillation de
                      potable en la mettant dans des vases placés   l’eau. La cornue est en verre et se compose
                      sur le feu et en recevant sa vapeur sur des   de la panse, A, et du col, B ; D, est un ballon
                      couvercles («pêtÇ). » Le même écrivain ajoute   servant de récipient dans lequel on reçoit
                      qu’on peut traiter par ce moyen le vin et   l’eau distillée. Afin de refroidir la vapeur
                      d’autres liquides.                        avant son entrée dans le récipient D, on in­
                        Du mot grec à'u.6t? les savants de l’École   terpose, entre le col de la cornue et le réci­
                      d’Alexandrie firent ambic. En y ajoutant   pient, un large conduit en verre, C, nommé
                      leur particule «Z, qui signifie par excellence,   allonge. Pour que le ballon soit toujours
                      les Arabes en firent le mot al-ambic, qui   refroidi, on le maintient dans une terrine
                      devint, en Europe, alambic.               pleine d’eau, que l’on renouvelle souvent.
                        C’est dans un ouvrage d’un philosophe
                      de l’école d’Alexandrie, Zozime le Panopo-   Pour s’assurer que l’eau distillée, obtenue
                      litain, qui écrivait au ive siècle après Jésus-   soit à l’alambic, soit à la cornue, est bien
                      Christ, que l’on trouve la première descrip­  pure, il faut réunir plusieurs moyens :
                      tion exacte et détaillée de l’appareil pour   l’évaporer, pour s’assurer qu’elle ne laisse
                      la distillation de l’eau. Au ve siècle, un   aucun résidu, et la traiter par plusieurs
                      autre philosophe, Synésius, de Byzance,   réactifs, qui ne doivent point la troubler.
                      donna le dessin d’un vase distillatoire en   Le premier essai se fait rapidement, en.
                      verre. C'est donc aux savants de l’Ecole   plaçant quelques gouttes de l’eau à exa-
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