Page 647 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 647
648 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE
ciment d’asphalte est fait exactement, il résiste de conserver les murs mitoyens placés à l’égout de
également au chaud et au froid : la plus grande deux toits en enduisant le dessus de ces murs de
ardeur du soleil, ni la gelée la plus forte n’y peuvent bon ciment de l'épaisseur d’un tiers de pouce, en y
faire aucun dommage. Je crois avoir trouvé la chose laissant assez de concavité pour recevoir l’eau de la
du monde la plus avantageuse pour le public, prin plus forte pluye et assez de pente pour la fuite ; on
cipalement pour Paris, où l’eau des puits n’est pas épargnerait le plomb et le mur ; et les toits seraient
supportable par la communication qu’ils ont avec si bien joints qu’il ne filtrerait pas une goutte d’eau
les latrines. 11 seroit à souhaiter que l’on fît asphal au travers du mur, comme il arrive tous les jours
ter non-seulement les caveaux que l’on a faits à neuf malgré les goutieres de plomb.
pour cet usage, mais même que l’on n’en fît raccom « On peut aisément avec le ciment d’asphalte faire
moder aucun, sans y faire un enduit de ce ciment : une terrasse sur toute la superficie d’une maison
on verra par la description que je vais faire des sans beaucoup de dépense ; et voici comme je m’y
Mathamores ou greniers en terre, qui sont en usage prendrais, si je faisois bâtir. Je ferais mon dernier
dans quelques endroits de l’Asie, que ces sortes plancher un peu plus solide que les autres : j’y ferais
d’enduits se feront très-facilement et sans beaucoup une bonne aire de ciment ordinaire, ou seulement
de frais. Si ce secret avoit été connu de nos pères, de chaux et de sable : quand mon aire seroit bien
il n’y auroit pas une place de guerre, ni même une sèche, ou j’y ferais un enduit d’un demi-pouce de
ville où l’on n’eût fait un nombre de ces souter ciment d’asphalte auquel je donnerais une pente in-
rains, soit pour y conserver les grains, soit pour y en i sensible pour la fuite de l’eau, et je le sablerais
fermer les poudres. Il est incontestable que les bleds | légèrement de sable bien fin ; ou je la ferais carreler
ne germent et ne pourrissent dans les greniers avec des carreaux ordinaires, ou en compartiment,
que par la trop grande chaleur ou par l’humidité. mettant du ciment d’asphalte en place de mortier;
Outre ces deux inconvéniens, qui causent tous les je puis assurer qu’il n’y pénélreroit jamais une
ans une perte infinie de grains, quelle destruction goutte d’eau : dans ce cas là je ferais mon ciment
n’en font pas les rats, les souris, les charen- avec la dixième partie de poix ; s’il arrivoit quelques
çons etc. ? et pas un de ces animaux ne pour- fentes par la foiblesse ou le travail des bois, elles
roit pénétrer des remparts d’asplialte. Je ne cite pas seraient aisées à réparer en y mettant un peu de ci
seulement sa dureté, mais encore sa qualité qui leur ment dans l’ouverture, et l’unissant avec le fer rouge,
est absolument contraire : un chacun le peut ou simplement en y passant une loupe de plombier.
éprouver à peu de frais. « Le ciment qui se vend dans Paris tout préparé
« Je dirai dans ce petit mémoire toutes lespexpé- s’est trouvé trop grossier pour les marbriers, parce
riences que j’ai faites à ce sujet, afin de ne rien qu’il n’a été fait que dans l’intention de réünir les
laisser ignorer de ce qui peut servir à de nouvelles pierres, et d’empêcher l’eau de passer, mais je suis
découvertes avantageuses au public. Ce ciment pré persuadé que s’ils mêloient une partie de poix de
paré de la manière que je viens de le dire avec la Bourgogne avec neuf parties de mine toute pure
sixième partie de poix est merveilleux sur le bois : bien pilée et tamisée, ils en auraient toute la satis
et voici les occasions où il sera le plus utile : en en faction possible, et feraient leurs joints aussi fins
duisant les bouts des poutres et solives, on les ga qu’ils voudraient. La première épreuve que j’ai faite
rantira de la pourriture, et on les empêchera de sur le marbre chez M. Darlet, marbrier du roi, quoi
s’échauffer dans la muraille, ce qui arrive toujours qu’elle n’ait pas réussi parfaitement, ne m’a pas fait
quand elles sont posées sur la chaux ou sur le plâtre. perdre toute espérance : car les marbres quej’avois
« Des palissades enduites de cette façon seraient fait réunir avec mon ciment grossier ne se sont pas
incorruptibles : il faudroit seulement observer de désunis, quoique l’on ait retaillé et coupé jusqu’au
faire les trous avant que de les planter : on les rem joint : ce n’a été qu’à force de frapper et de les jeter
plirait avec de la terre après les avoir placées dans même par plusieurs fois sur le pavé qu’on les a
leur à-plomb, car si on les frappoit pour les faire séparés, non pas toutefois sans emporter quelques
entrer de force, le ciment se casserait ou s’userait morceaux de marbre.
par l’effort et par le frottement ; je crois même qu’il « Il est aisé à tout le monde de faire une expérience
suffirait d’enduire le bout destiné à être fiché dans très-curieuse avec l’asphalte : il faut le bien broyer
terre, et d’un demi-pied au-dessus, qui est l’endroit et tamiser comme nous venons de le dire, y mettre
où le bois pourrit ordinairement, se trouvant très- la dixième partie de poix blanche, fondre l’un et
souvent mouillé et couvert de boue par le jaillisse l’autre dans une chaudière de fer, et ensuite en
ment de l’eau et de la pluye, et exposé à la sécheresse former un vase de telle grandeur qu’on voudra : il
qui survient après. est facile de le faire, parce que l’asphalte est ma
« L’on épargnerait considérablement si l’on faisoit niable tant qu’il sent de la chaleur : on pourrait
à tous les bâtiments des goutieres et faîtieres de bois même le mouler dans un moule de fer ou d’airain,
godronées de la sorte, les faîtes et les murs en se sans craindre que l’asphalte y restât attaché, pourvu
raient moins chargés. 11 sera facile présentement que le moule se pût ouvrir en trois parties égales