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                ciment d’asphalte est fait exactement, il résiste   de conserver les murs mitoyens placés à l’égout de
                également au chaud et au froid : la plus grande   deux toits en enduisant le dessus de ces murs de
                ardeur du soleil, ni la gelée la plus forte n’y peuvent   bon ciment de l'épaisseur d’un tiers de pouce, en y
               faire aucun dommage. Je crois avoir trouvé la chose   laissant assez de concavité pour recevoir l’eau de la
               du monde la plus avantageuse pour le public, prin­  plus forte pluye et assez de pente pour la fuite ; on
               cipalement pour Paris, où l’eau des puits n’est pas   épargnerait le plomb et le mur ; et les toits seraient
               supportable par la communication qu’ils ont avec   si bien joints qu’il ne filtrerait pas une goutte d’eau
               les latrines. 11 seroit à souhaiter que l’on fît asphal­  au travers du mur, comme il arrive tous les jours
               ter non-seulement les caveaux que l’on a faits à neuf   malgré les goutieres de plomb.
               pour cet usage, mais même que l’on n’en fît raccom­  « On peut aisément avec le ciment d’asphalte faire
               moder aucun, sans y faire un enduit de ce ciment :   une terrasse sur toute la superficie d’une maison
               on verra par la description que je vais faire des   sans beaucoup de dépense ; et voici comme je m’y
               Mathamores ou greniers en terre, qui sont en usage   prendrais, si je faisois bâtir. Je ferais mon dernier
               dans quelques endroits de l’Asie, que ces sortes   plancher un peu plus solide que les autres : j’y ferais
               d’enduits se feront très-facilement et sans beaucoup   une bonne aire de ciment ordinaire, ou seulement
               de frais. Si ce secret avoit été connu de nos pères,   de chaux et de sable : quand mon aire seroit bien
               il n’y auroit pas une place de guerre, ni même une   sèche, ou j’y ferais un enduit d’un demi-pouce de
               ville où l’on n’eût fait un nombre de ces souter­  ciment d’asphalte auquel je donnerais une pente in-
               rains, soit pour y conserver les grains, soit pour y en­ i sensible pour la fuite de l’eau, et je le sablerais
               fermer les poudres. Il est incontestable que les bleds  | légèrement de sable bien fin ; ou je la ferais carreler
               ne germent et ne pourrissent dans les greniers   avec des carreaux ordinaires, ou en compartiment,
               que par la trop grande chaleur ou par l’humidité.   mettant du ciment d’asphalte en place de mortier;
               Outre ces deux inconvéniens, qui causent tous les   je puis assurer qu’il n’y pénélreroit jamais une
               ans une perte infinie de grains, quelle destruction   goutte d’eau : dans ce cas là je ferais mon ciment
               n’en font pas les rats, les souris, les charen-   avec la dixième partie de poix ; s’il arrivoit quelques
               çons etc. ? et pas un de ces animaux ne pour-   fentes par la foiblesse ou le travail des bois, elles
               roit pénétrer des remparts d’asplialte. Je ne cite pas   seraient aisées à réparer en y mettant un peu de ci­
               seulement sa dureté, mais encore sa qualité qui leur   ment dans l’ouverture, et l’unissant avec le fer rouge,
               est absolument contraire : un chacun le peut   ou simplement en y passant une loupe de plombier.
               éprouver à peu de frais.                    « Le ciment qui se vend dans Paris tout préparé
                 « Je dirai dans ce petit mémoire toutes lespexpé-   s’est trouvé trop grossier pour les marbriers, parce
               riences que j’ai faites à ce sujet, afin de ne rien   qu’il n’a été fait que dans l’intention de réünir les
               laisser ignorer de ce qui peut servir à de nouvelles   pierres, et d’empêcher l’eau de passer, mais je suis
               découvertes avantageuses au public. Ce ciment pré­  persuadé que s’ils mêloient une partie de poix de
               paré de la manière que je viens de le dire avec la   Bourgogne avec neuf parties de mine toute pure
               sixième partie de poix est merveilleux sur le bois :   bien pilée et tamisée, ils en auraient toute la satis­
               et voici les occasions où il sera le plus utile : en en­  faction possible, et feraient leurs joints aussi fins
               duisant les bouts des poutres et solives, on les ga­  qu’ils voudraient. La première épreuve que j’ai faite
               rantira de la pourriture, et on les empêchera de   sur le marbre chez M. Darlet, marbrier du roi, quoi­
               s’échauffer dans la muraille, ce qui arrive toujours   qu’elle n’ait pas réussi parfaitement, ne m’a pas fait
               quand elles sont posées sur la chaux ou sur le plâtre.  perdre toute espérance : car les marbres quej’avois
                 « Des palissades enduites de cette façon seraient   fait réunir avec mon ciment grossier ne se sont pas
               incorruptibles : il faudroit seulement observer de   désunis, quoique l’on ait retaillé et coupé jusqu’au
               faire les trous avant que de les planter : on les rem­  joint : ce n’a été qu’à force de frapper et de les jeter
               plirait avec de la terre après les avoir placées dans   même par plusieurs fois sur le pavé qu’on les a
               leur à-plomb, car si on les frappoit pour les faire   séparés, non pas toutefois sans emporter quelques
               entrer de force, le ciment se casserait ou s’userait   morceaux de marbre.
               par l’effort et par le frottement ; je crois même qu’il   « Il est aisé à tout le monde de faire une expérience
               suffirait d’enduire le bout destiné à être fiché dans   très-curieuse avec l’asphalte : il faut le bien broyer
               terre, et d’un demi-pied au-dessus, qui est l’endroit   et tamiser comme nous venons de le dire, y mettre
               où le bois pourrit ordinairement, se trouvant très-   la dixième partie de poix blanche, fondre l’un et
               souvent mouillé et couvert de boue par le jaillisse­  l’autre dans une chaudière de fer, et ensuite en
               ment de l’eau et de la pluye, et exposé à la sécheresse   former un vase de telle grandeur qu’on voudra : il
               qui survient après.                       est facile de le faire, parce que l’asphalte est ma­
                 « L’on épargnerait considérablement si l’on faisoit   niable tant qu’il sent de la chaleur : on pourrait
               à tous les bâtiments des goutieres et faîtieres de bois   même le mouler dans un moule de fer ou d’airain,
               godronées de la sorte, les faîtes et les murs en se­  sans craindre que l’asphalte y restât attaché, pourvu
               raient moins chargés. 11 sera facile présentement  que le moule se pût ouvrir en trois parties égales
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