Page 650 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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L’ASPHALTE ET LE BITUME. 651
Les bourgeois de Paris firent tous les frais Dans le premier essai de pavage qui fut
de ce travail. On a retrouvé des restes du entrepris avec le bitume, on fil usage d’un
pavé de Paris, du temps de Philippe-Au bitume factice, c’est-à-dire du goudron que
guste, le 10 février 1832, en creusant l’é- fournit la distillation de la houille, pen
goût de la rue Saint-Denis. Ces restes con dant la préparation du gaz de l’éclairage.
sistaient en larges blocs de pierre (grès et Cet essai eut lieu aux Champs-Elysées, en
autres) ayant à peu près 1 m,l7 de longueur 1837 ; mais le résultat de cette tentative
et de largeur, sur O'",17 d’épaisseur. A un ne fut pas heureux.
niveau un peu plus bas s’étendait un cail- Le béton bitumineux, qui fut ensuite es
loutis qui faisait partie de la chaussée con sayé par M. Polonceau sur le quai de Passy
struite du temps des empereurs romains. (route de Versailles), et par M. Darcy, sur le
La première de ces deux voies appartenait quai de Billy, ne se comporta pas mieux.
à ce que l’on appelait la croisée de Paris, La masse manquait de consistance, le froid
c’est-à-dire à deux rues qui se croisaient la rendait cassante ; aussi se détériorait-
au centre de la ville et dont l’une allait du elle facilement pendant l’hiver, sous l’in
nord au sud, l’autre de l’est à l’ouest. fluence combinée de la température et de
Les progrès qu’a faits le pavage de Paris la circulation. Les pierres du béton repa
depuis Philippe-Auguste jusqu’au commen raissaient libres, et le bitume desséché s’é
cement de notre siècle, ne furent ni aussi miettait. 11 fallut abandonner cette seconde
importants ni aussi rapides que l’on pour tentative.
rait se l’imaginer. Au commencement de Pendant ce temps, de Coulaine, ingénieur
notre siècle on n’avait pas encore songé à des ponts et chaussées, essayait à Saumur
ménager sur le bord des chaussées ces trot de paver les rues avec du mastic d'asphalte
toirs qui, faisant saillie au-dessus du ni et de l’asphalte comprimé appliqué à froid.
veau de la rue, sont le domaine privilégié En 1850, Darcy, inspecteur des ponts et
du piéton, etle protègent contre les voitures. chaussées, avait été envoyé à Londres, avec
Les trottoirs ne datent que de 1815 envi mission d’y étudier les procédés d’établis
ron. sement des chaussées macadamisées. A son
Aujourd’hui encore, certaines villes persé retour, il fit recouvrir d’asphalte comprimé
vèrent dans l’emploi des anciens matériaux à froid, une superficie des Champs-Elysées,
de pavage. Les briques pavent encore une qui n’avait pas moins de 2,000 mètres carrés.
partie de Marseille; les petits pavés de grès Pendant la même année, Dupuit, direc
persistent à Bordeaux ; Toulouse et les villes teur du service municipal de Paris, fai
du Midi ont toujours les cailloux pointus sait exécuter par Devarannes, gérant de
des bords du Rhône et de la Garonne. la Société des bitumes de Seyssel, sous la
La découverte du bitume et de l’asphalte, direction de MM. Mahyer et de Coulaine,
faite en 1710, par le docteur Eirini d’Ey un nouvel essai d’application d’asphalte à
rinys, devait révolutionner toute l’économie froid. La rue de la Barillerie, qui disparut
des anciens systèmes de voirie. 11 fallut ce lors de l’ouverture du boulevard du Palais-
pendant des essais longs et répétés et de de-Justice, avait été choisie pour cette ex
nombreux tâtonnements, pour arriver aux périence. Ou mélangeait la poudre d’as
procédés actuels, qui promettent une solu phalte avec de l’huile de résine, et on la
tion définitive au problème, si longtemps comprimait par le passage d’un rouleau.
étudié, de l’entretien des voies publiques Les ouvriers, montés sur l’appareil, diri-
dans les villes. I geaient le rouleau. En faisant usage d’un