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650                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                  qui se tire de la pierre d’asplialte tue les punaises et   un sable rougeâtre, qui, chauffé pendant dix
                  leurs graines, quand on en frotte les fentes et les
                                                             à douze heures, donna une huile noire
                  trous où elles se retirent, mais même la fumée qui
                                                             liquide. On renouvelait l’air dans les ga­
                  sort de cette pierre, quand on la fait calciner sur le
                  feu dans une cuillère de fer, suffit pour les détruire.   leries à l’aide d’un grand soufflet dont la
                  N’ayant point envie de me rien réserver de la con­  base communiquait avec un tuyau de fer-
                  naissance que j’ai des vertus de l’asphalte, je me
                  fais un plaisir de donner au public un petit mémoire   blanc qui n’avait pas moins de 200 pieds de
                  exact de ta manière dont il se faut servir du baume   long.
                  d’asphalte dans les différentes plaies ou maladies des
                  hommes et des bêtes : je ne diroi rien que ce que
                  j’ai vu et éprouvé moi-même, et dont plusieurs per­
                  sonnes dignes de foi peuvent rendre témoignage. Je
                  commenceroi par mettre ici tout au long l’attestation   CHAPITRE IV
                  de MM. Morand père et fils, chirurgiens majors de
                  l’Hôtel Royal des Invalides, que M. Le Blanc, minis­  SUITE DE L’HISTOIRE DU BITUME ET DE L’ASPHALTE. __
                  tre de la guerre, a bien voulu autoriser de son certi­  L’INVENTION DU PAVAGE. — COUP d’œil RÉTROSPECTIF
                  ficat. »                                    SUR LE VIEUX PARIS. — DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE PA­
                                                              VAGE EN USAGE DANS LES TEMPS MODERNES. — L'AS­
                                                              PHALTE ET LE BITUME APPLIQUÉS AU PAVAGE. —
                    Nous ne suivrons pas le docteur Eirini
                                                              ASPHALTE COMPRIMÉ A FROID. — ASPHALTE COMPRIMÉ
                  d’Eyrinys dans l’énumération de toutes les   A CHAUD.
                  maladies dont « l’huile d’asphalte » est,
                  selon lui, le spécifique. Nous ne pouvons    Le pavage des villes, depuis le Moyen-Age,
                  cependant nous empêcher de rapporter un   jusqu’au commencement de notre siècle,
                  fait qui semblerait légitimer une partie de   n’avait subi que des modifications de peu
                  ses vues Enthousiastes. Le choléra qui sévit   d’importance, lorsque l’idée vint d’appli­
                  à Paris en 1849, n’atteignit pas un seul des   quer le bitume à paver les bords des rues.
                  ouvriers occupés aux travaux d’asphaltage   Cette application, d’abord imparfaite, ne
                  de la ville.                              tarda pas à se perfectionner, et le pavage
                    Le docteur Eirini d’Eyrynis céda le béné­  des villes éprouva une véritable révolution
                  fice de sa découverte à un certain M. de la   par l’emploi de ce système nouveau.
                  Sablonnière, ancien trésorier des cantons   Le pavage des villes n’est pas, d’ailleurs,
                  suisses. Un arrêt du conseil d’Etat de 1720   de date fort ancienne. Pour ne citer que Pa­
                  fait foi de cette cession, et assure à M. de la   ris, ce n’est que depuis Philippe-Auguste
                  Sablonnière le privilège de l’exploitation   que ses rues furent recouvertes d’un pavé
                  de l’asphalte.                            en pierre. D’après les anciens chroniqueurs,
                    Ce même M. de la Sablonnière exploita   l’idée de faire paver la bonne ville de Pa­
                 également, dès l’année 1740, le gisement de   ris vint au roi Philippe-Auguste dans les
                 Bechelbronn, dont l’existence avait été si­  circonstances suivantes :
                 gnalée par les eaux d’un puits qui amenaient
                                                              « En ce temps-là (c’est-à-dire en 1183), dit Ri-
                 de temps en temps du bitume à la surface
                                                            gord, le roi, occupé de grandes affaires et se prome­
                 du sol. On avait creusé ce puits dans l’espé­  nant dans son palais royal (aujourd’hui le Palais-de-
                 rance de trouver une mine de cuivre ou     Justice), s’approcha des fenêtres pour se distraire
                                                            par la vue de la Seine. Des voitures traînées par des
                 d’argent. A 160 toises au nord de cette fon­
                                                            chevaux traversaient alors la cité en remuant la
                 taine, disent les écrivains contemporains,
                                                            boue,et en faisaient exhaler une odeur insupportable.
                 M. de la Sablonnière fit forer un second   Le roi ne put y tenir et conçut dès lors un projet
                 puits qui fut revêtu de boiseries de chcne.   très-difficile, mais très-nécessaire; il convoqua les
                                                            bourgeois et le prévôt de la ville et, de par son au­
                 Sur les parois de ce puits on trouva plusieurs
                                                            torité royale, leur ordonna de paver, avec de forles
                 veines d’asphalte, et à la partie inférieure,   et dures pierres, toutes les rues et voies de la cité. »
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