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                 appareil automoteur, on évitait l’action   matière à l’industrie moderne, devait aussi
                 destructive des pieds des chevaux sur la   lui apprendre le moyen d’en tirer le meil­
                 couche de bitume récemment posée.          leur parti.
                   Malgré les soins apportés à la construc­   C’est un ingénieur suisse, M. Mérian, qui
                 tion de cette chaussée, il fallut la réparer   eut l’idée et qui fit, en 849, le premier essai
                 dès l’hiver de la môme année, et, au prin­  de ce mode d’emploi du bitume dans la pe­
                 temps suivant, il devint nécessaire de la   tite ville de Travers.
                 refaire complètement. Au mois de janvier,    Le procédé consiste à pulvériser la roche
                 on dut procéder à une nouvelle réparation.   d’asphalte, puis à réchauffer la poudre, et à
                 A cette occasion, M. Mahyer écrivait, en   la comprimer par les chocs d’outils de fer
                 parlant de cette chaussée :                chauffés. Sous la doubleinfluence de lacofn-
                                                            pression et de la chaleur, la poudre fond et
                   « Elle est composée de diverses couches d’asphalte
                                                            se soude avec elle-même. Il se forme ainsi
                 graissé avec un mélange d’huile de résine et de
                 goudron. I.a couche supérieure seule est saturée de   un bloc unique, qui reconstitue la roche as­
                 ce mélange et peut être regardée comme imperméa­  phaltique naturelle, et dont toutes les par­
                 ble à l’humidité. Quand elle est usée, les couches   ties, adhérant solidement ensemble, consti­
                 inférieures, qui sont loin d’être saturées, sontpromp-   tuent un excellent pavage.
                 tement pénétrées par l’eau et s’usent dès lors à peu
                 près comme un empierrement ordinaire. »      M. Mérian établit la première chaussée
                                                            asphaltique sur la route de Travers ; il prit
                   Les premières lignes de ce compte rendu   pour base du travail la route même couverte
                 nous expliquent pourquoi les réparations   de macadam et comprima au rouleau chauffé
                 faites pendant le premier hiver n’avaient pas   la poudre d’asphalte.
                 tenu jusqu’au printemps. L’influence de la   La première application de ce système
                 chaleur était nécessaire pour évaporer     se fit à Paris en 1854, dans la rue Bergère,
                 l’huile de résine qui imbibait la couche su­  sous la direction de M. Ilomberg, ingénieur
                 perficielle, et produire ainsi la dessiccation   en chef des ponts et chaussées, et de M. au-
                 de cette dernière. Pendant l’hiver, l’évapo­  drey, ingénieur ordinaire.
                 ration était considérablement ralentie, et,   Dès cette année, 700 à 800 mètres carrés de
                 par suite, il ne pouvait pas se former de   rues de Paris furent recouverts d’asphalte
                 croûte solide et résistante. La surface, au   comprimé. Bientôt, ce chiffre était décuplé.
                 contraire, restait molle ; elle était bientôt   En 1858 on comptait 8,000 mètres de rues,
                 délayée par la pluie, puis elle était entraînée   recouverts d’asphalte comprimé. Dans le
                 par les pieds des chevaux et les roues des   courant de 1865 l’extension de ce système
                 voitures.                                  prit de plus grandes proportions, car 100,000
                 » Cet essai ayant duré plus de quatre ans,   mètres carrés reçurent un revêtement d’as­
                 au bout de ce laps de temps il ne restait dans   phalte comprimé.
                 la chaussée, incessamment réparée, qu’une    La compression à chaud n’est pas le seul
                 bien faible partie des matériaux primitifs.   mode d’application de l’asphalte au pavage
                 Le système fut ainsi jugé sans appel.     public. Il en existe un second. Nous voulons
                   Cependant une nouvelle méthode pour     parler du mastic bitumineux, c’est-à-dire du
                 l’emploi de l’asphalte venait d’apparaître   mélange d’asphalte et de gravier. Le mastic
                 en' Suisse, dans ce même canton de Neu­   bitumineux est réservé aux trottoirs, tandis
                 châtel où le docteur Eirini d’Eyrinys avait   que l’asphalte comprimé s’applique sur les
                 découvert l’asphalte, cinquante ans aupara­  chaussées. Ces deux modes d’application de
                 vant. Ainsi, le pays qui avait fourni cette   l’asphalte ont historiquement la même date,
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