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596                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     glace par la volatilisation des corps ou par   rique, pour préserver l’enceinte intérieure
                     l’expansion de l’air comprimé, n’empê-    de la chaleur du dehors. Dans cette citerne
                     chaient pas de poursuivre le même but par   étaient placées une suite de boîtes de fonte
                     un autre moyen. Les mélanges réfrigérants   contenant 14 ou 15 kilogrammes d’eau. Entre
                     dont Lahire avait eu la première idée en   ces boîtes était une rigole de fonte. On faisait
                     1685, fournissaient un moyen commode de   le vide dans la citerne, au moyen d’une puis­
                     produire de la glace sans glace. Depuis 1820   sante machine pneumatique mise en action
                     jusqu’à 1850, divers modèles de glacière   par une machine à vapeur. Quand le vide
                     artificielle, glacière des ménages, glacière   était établi, on faisait passer dans la rigole
                     des familles, glacière italienne, etc., furent   de fonte qui côtoyait l’extérieur des boîtes
                     lancés dans le commerce, avec ou sans     remplies d’eau, un courant d’éther sulfuri­
                     brevet d’invention. Tous ces appareils, fon­  que. Par la subite évaporation de l’éther
                     dés sur le même principe, c’est-à-dire sur   dans le vide, l’eau se refroidissait rapide­
                     le froid que provoquent certains sels en se   ment et se convertissait en glace. L’opéra­
                     dissolvant dans l’eau, donnaient le moyen   tion ne durait pas plus d’une heure, et le
                     de se procurer assez facilement de la glace;   thermomètre placé à l’intérieur de la ci­
                     mais leur rôle était borné: ils ne pou­   terne descendait jusqu’à —9°.
                     vaient guère servir, et ils ne servaient qu’à   La glace ainsi produite ne revenait, dit-on,
                     fournir quelques kilogrammes déglacé ou à   qu’à 15 francs la tonne, ou 15 centimes
                     frapper de glace des boissons, des crèmes ou   le kilogramme.
                     des sirops. C’étaient d’excellents ustensiles   C’est en 1856 que M. Ferdinand Carré,
                     domestiques, mais non des appareils du    physicien de Paris, construisit son premier
                     domaine de la grande industrie.           appareil réfrigérant. L’éther sulfurique était
                       En 1856, James Harrisson, de Victoria   le liquide dont la vaporisation produisait le
                     (Australie), obtint un brevet pour une ma­  froid dans le premier appareil que M. Fer­
                     chine à glace, dans laquelle le froid déter­  dinand Carré fit breveter en 1857. Deux ans
                     miné par l’évaporation de l’éther sulfurique,   après, il substitua l’ammoniaque à l’éther
                     produisait la congélation de l’eau. Cette   sulfurique. Portant rapidement ses appareils
                    ‘machine, perfectionnée par l’inventeur, en­  à un véritable degré de perfection, M. Fer­
                     suite par Siebe, figura à l’Exposition de   dinand Carré fit construire, en 1860, par
                     Londres de 1862.                          MM.MignonetRouart, sasplendide machine,
                       En 1857, les journaux américains par­   qui sera toujours un objet d’étonnement et
                     lèrent d’une fabrique de glace artificielle   d’admiration, tant parles masses énormes de
                     établie sur la rive du Coyhoga (États-Unis)   glace qu’elle peut produire, dans un espace
                     et où l’on utilisait également la volatili­  de temps très-court, que par l’économie de
                     sation de l’éther sulfurique.             l’opération.
                       Les journaux américains ne donnent pas le   M. Ferdinand Carré arriva à ce résultat,
                     nom de l’inventeur, lis décrivent seulement   paradoxal en apparence, de produire de la
                     à peu près comme il suit, cet appareil, qui   glace en faisant brûler du charbon, et de
                     n’était sans doute qu’une imitation ou une   produire d’autant plus de glace que l’on
                     contrefaçon de celui de James Harrisson.  brûle davantage de charbon.
                       On opérait dans un cylindre métallique    Outre le grand appareil pouvant produire
                     rectangulaire, nommé citerne, qui était en­  des masses de glace et destiné aux usines,
                     touré, à l’extérieur, d’une épaisse couche de   M. Ferdinand Carré construisit un appareil
                     charbon, corps mauvais conducteur du calo­  portatif, dans lequel on produit 1 kilo-
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