Page 591 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 591

592                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     quent, il est emprunté au sol. En consumant   tiennent bon pour les allumettes au phos­
                     le phosphore, on prive donc l’agriculture   phore rouge étalé sur un frottoir séparé (al­
                    de l’un de ses principes les plus utiles. A ce   lumettes suédoises). 11 n’en entre pas d’au­
                    titre, on ne saurait trop éviter de faire entrer   tres chez moi. Cela ne fait peut-être pas le
                    le phosphore dans la composition des allu­  bonheur de mon cordon-bleu ; mais je suis
                     mettes.                                   assuré qu’une poignée d’allumettes peut
                       Malheureusement, la faveur publique n’a   tomber accidentellement dans ma fontaine
                     pas sanctionné les allumettes sans phos­  ou dans ma cafetière, sans m’empoisonner;
                     phore. Les allumettes sans phosphore ni poi­  je sais que le feu ne prendra pas à ma mai­
                    son, de M. Canouil, n’ont obtenu aucun suc­  son, par le fait d’une allumette vagabonde,
                     cès. Les allumettes de Saxe sont inconnues   et cela me console des doléances de ma cui­
                    en France. Seules de toutes les allumettes   sinière, qui gémit « des manies de Mon­
                    hygiéniques, les allumettes suédoises exis­  sieur. »
                    tent sur nos marchés. Comme nous l’avons     Cependant ma philosophie est tolérante.
                     dit, elles sont expédiées de Suède, et se ven­  Je suis loin de blâmer l’immense majorité
                     dent sous l’égide et l’étiquette de la com­  du public qui n’admet et ne comprend que
                     pagnie qui monopolise la fabrication des allu­  l’allumette chimique ordinaire. Les avanta­
                     mettes chimiques, en France, aux termes de   ges de cette allumette sont si évidents, elle
                     la loi de 1871.                           répond à tant de besoins de la vie qu’il est
                       Cependant l’allumette suédoise ne figure   tout naturel que l’on ferme les yeux sur ses
                     que pour une infime proportion dans l’in­  défauts. Rien n’est parfait dans l’ordre mo­
                     dustrie générale des allumettes. L’allumette   ral ni dans l’ordre matériel ; l’industrie ne
                     à base de phosphore blanc, celle que tous les   saurait prétendre, non plus, à la perfection.
                     hygiénistes ont condamnée d’une voix una­  Il faut donc remercier l’allumette chimique
                     nime, pour ses triples vices d’empoisonneuse,   des services qu’elle nous rend, en acceptant
                     d’incendiaire et de meurtrière à la santé des   les quelques fâcheuses conséquences qu’elle
                     ouvriers, brille à peu près seule sur le mar­  entraîne. Admirons la médaille, sans regar­
                     ché public.                               der à son triste revers !
                       Il n’y a guère que les grands logiciens qui










                                  FIN DE L’INDUSTRIE DU PHOSPHORE ET DES ALLUMETTES CHIMIQUES
   586   587   588   589   590   591   592   593   594   595   596