Page 593 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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594                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     très applications qui trouveront place dans   tirait encore un revenu de vingt mille francs
                     cette Notice. Ce sont là des résultats acquis,   d’un amas de neige qu’il faisait recueillir
                     patents, et l'on ne saurait se tromper en as­  sur une partie de la montagne de l’Etna,
                     surant que les applications du froid artifi­  qui formait son domaine.
                     ciel à l’industrie, au commerce, qui seront   L’eaw de neige, c’est-à-dire l’eau prove­
                     faites dans l’avenir, dépasseront de beaucoup   nant de la fusion de la neige, était la bois­
                     en importance celles que nous voyons réali­  son froide la plus estimée des Romains.
                     sées de nos jours.                        Par un goût qui nous paraît étrange, mais
                       L’art de produire artificiellement le froid   que partagent les Chinois et beaucoup de
                     et d’appliquer les basses températures aux   peuples de l’Orient, ils parfumaient la neige
                     opérations de l’industrie, est tout moderne,   avec Passa fetida, et en composaient des sor­
                     lia eu pour point de départ la célèbre expé­  bets, qui leur semblaient délicieux.
                     rience de Leslie faite en 1811, pour la     L’art de fabriquer les glaces sucrées fut
                     congélation de l’eau dans le vide de la ma­  introduit en France en 1660, pardes Italiens,
                     chine pneumatique, et de celle de Faraday,   mais il est probable que cet art existait en
                     faite en 1823, du froid produit parla vapo­  Italie depuis un temps très-reculé. On lit,
                     risation de l’ammoniaque liquéfiée. Cepen­  en effet, dans l’ouvrage du P. Kircher publié
                     dant les tentatives que le succès a couron­  au xvne siècle, Mundus subterraneus (1), que
                     nées de nos jours avaient été précédées d’un   c’était l’usage à Rome de rafraîchir les bois­
                     certain nombre d’essais d’une certaine va­  sons en plaçant le vase qui les contenait dans
                     leur. Il importe de consigner, dans un ra­  de l’eau où l’on avait fait dissoudre du sal­
                     pide, historique, ces travaux préliminaires.  pêtre. Comme cette pratique n’était pas
                                                               nouvelle au temps de Kircher, il est à
                       C’est le désir de se procurer pendant   croire qu’elle remontait à une date fort an­
                     l’été des boissons fraîches, qui a conduit à   cienne.
                     chercher les moyens de produire le froid    Quoi qu’il en soit, ce fut le Florentin Pro-
                     artificiel. Les peuples qui vivaient dans les   copio Cultelli qui fit, le premier, goûter à
                     climats chauds furent les promoteurs de ces   Louis XIV les douceurs attrayantes de la
                     premiers efforts. Les Romains, grands ama­  glace parfumée et sucrée. Procopio Cultelli
                     teurs de boissons glacées, construisaient des   fonda à Paris, en 1660, un café, qui prit
                     glacières souterraines, dans lesquelles ils   son nom, et tout ce que Paris renfermait
                     conservaient la neige tirée des Apennins.   d’élégants se donna rendez-vous au café
                     Des convois voyageant la nuit, portaient à   Procope, qui conserva pendant deux cents
                     Rome, dans des chariots enveloppésde paille,   ans sa renommée et sa clientèle.
                     la neige des Apennins. On recherchait par­  En Orient, particulièrement au Bengale,
                     ticulièrement la neige ramassée sur les   on a produit, de temps immémorial, de la
                     montagnes de la Sicile, autour de l’Etna.   glace, en utilisant le rayonnement nocturne,
                     Les raffinés de Rome attachaient une idée   qui est très-considérable dans ce pays, en
                     superstitieuse à la neige recueillie non loin   raison de l’extrême pureté de l’air, et de la
                     du cratère où bouillonnait la lave du vol­  promptitude excessive de l’évaporation de
                     can.                                      l’eau, due à une sécheresse constante. Les
                       La neige était débitée à Rome par les   habitants du Bengale mettent la nuit, dans
                     prêtres du temple de Vulcain. Les prélats   des vases plats, enveloppés à l’extérieur de
                     chrétiens héritèrent de cet apanage. A la
                     fin du siècle dernier, l’évêque de Catane   (1) Liber VI, De niDo.
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