Page 533 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 533

534                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     et donnent déjà lieu à une importante in­    On voit par là combien M. de Molon avait
                     dustrie. Ces exploitations livrent à l’agricul­  raison d’insister sur la richesse prodigieuse
                     ture 70,000 tonnes de phosphates par an, et   que le sol de la France possédait en phos­
                     occupent déjà 30,000 ouvriers gagnant de   phates calcaires, sur la plus-value que cette
                     bonnes journées, dans une contrée sans in­  substance donnerait aux terrains dans les­
                     dustrie qui était visitée, tous les hivers, par   quels on la rencontre, et sur celle, bien plus
                     la misère.                                grande encore, qu’ils doivent donner aux
                       Ces nodules phosphatés, qui sont d’un   terres sur lesquelles cette matière fertili­
                     gris vert se trouvent dans deux couches dis­  sante peut être employée.
                     tinctes de terrain, les sables verts du gault   L’exploitation des nodules phosphatés de
                     et la gaize, sorte de roche siliceuse. La   ces trois départements est faite, en majeure
                     profondeur des premiers est de 1 mètre 50   partie, par quinze maisons du pays ; d’autres
                     à 2 mètres ; celle des seconds est quelquefois   personnes viennent aussi, de divers points
                     de 4 mètres. Ce sont de petits rognons assez   de la France, se livrer à cette extraction ;
                     durs, lourds, qui sont disséminés dans une   car c’est une industrie de petite exploitation,
                     couche de peu d’épaisseur, laquelle en four­  qui peut être exercée par tout le monde. En
                     nit, en moyenne, 5 tonnes (de 3 à 8 mètres   général, on traite avec des tâcherons, au prix
                     cubes) par are. L’exploitation se fait, en gé­  de 15 à 18 francs la tonne, en leur fournissant
                     néral, à ciel ouvert, par un travail métho­  les voitures et les attelages, et ils gagnent, à
                     dique qui, marchant pas à pas, laisse le ter­  ce taux, des journées de 3 francs à 3 fr. 50.
                     rain profondément défoncé, en conser­        Les nodules phosphatés sont triés avec
                     vant la couche de terre végétale à la sur­  soin après l’extraction, et lavés sur une
                     face. Les terrains ainsi travaillés ont, après   grille, qui laisse passer la terre et le sable.
                     l’exploitation, une fertilité bien supérieure   Ils sont ensuite portés au moulin, où ils sont
                     à celle qu’ils avaient auparavant.        réduits en farine. Dans cet état, le phos­
                       Les propriétaires traitent avec les exploi­  phate des nodules est assimilable par les
                     tants, en leur vendant le droit d’extraction   végétaux, et se trouve sous la forme la plus
                     à un prix déterminé par hectare, à condi­  favorable pour l’agriculture.
                     tion que le terrain sera remis ensuite dans   Les moulins à blé, qui étaient à peu près
                     l’état primitif. Ce prix n’était d’abord que de   en ruine dans les trois départements dont
                     500 francs par hectare, mais il s’est élevé   nous parlons, se sont ranimés et ont servi
                     successivement à 2,000 et 3,000 francs. La   à cette nouvelle industrie. Ils réduisent en
                     valeur des propriétés ainsi fouillées était   farine 40,000 tonnes de phosphates par an.
                     primitivement de 1,000 francs environ par   Ils emploient, pour cela, leurs meules ordi­
                     hectare ; la nouvelle industrie a donc triplé   naires; mais comme il faut environ deux
                     leur valeur.                              fois plus de force pour les nodules que pour
                       On se rendra compte, plus exactement,   le blé, une seule meule marche, au lieu
                     de l’importance de cette transformation ,   de deux. Le rhabillage se fait comme pour
                     quand on saura que ces couches de nodules   la mouture ordinaire; seulement l’usure des
                     s’étendent sur une superficie de 200,000   meules est beaucoup plus considérable. Dans
                     hectares. C’est donc une plus-value de 400   quelques moulins on concasse préalable­
                     millions que la propriété de ces terrains a   ment les nodules à la grosseur d’une noi­
                     acquise tout à coup, prospérité inouïe dont   sette ; d’autres sont pourvus d’un blutoir,
                     il serait difficile de trouver un autre exem­  pour rendre la farine plus fine et plus égale.
                     ple en France.                               Les moulins ordinaires fournissent de 40
   528   529   530   531   532   533   534   535   536   537   538