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534 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
et donnent déjà lieu à une importante in On voit par là combien M. de Molon avait
dustrie. Ces exploitations livrent à l’agricul raison d’insister sur la richesse prodigieuse
ture 70,000 tonnes de phosphates par an, et que le sol de la France possédait en phos
occupent déjà 30,000 ouvriers gagnant de phates calcaires, sur la plus-value que cette
bonnes journées, dans une contrée sans in substance donnerait aux terrains dans les
dustrie qui était visitée, tous les hivers, par quels on la rencontre, et sur celle, bien plus
la misère. grande encore, qu’ils doivent donner aux
Ces nodules phosphatés, qui sont d’un terres sur lesquelles cette matière fertili
gris vert se trouvent dans deux couches dis sante peut être employée.
tinctes de terrain, les sables verts du gault L’exploitation des nodules phosphatés de
et la gaize, sorte de roche siliceuse. La ces trois départements est faite, en majeure
profondeur des premiers est de 1 mètre 50 partie, par quinze maisons du pays ; d’autres
à 2 mètres ; celle des seconds est quelquefois personnes viennent aussi, de divers points
de 4 mètres. Ce sont de petits rognons assez de la France, se livrer à cette extraction ;
durs, lourds, qui sont disséminés dans une car c’est une industrie de petite exploitation,
couche de peu d’épaisseur, laquelle en four qui peut être exercée par tout le monde. En
nit, en moyenne, 5 tonnes (de 3 à 8 mètres général, on traite avec des tâcherons, au prix
cubes) par are. L’exploitation se fait, en gé de 15 à 18 francs la tonne, en leur fournissant
néral, à ciel ouvert, par un travail métho les voitures et les attelages, et ils gagnent, à
dique qui, marchant pas à pas, laisse le ter ce taux, des journées de 3 francs à 3 fr. 50.
rain profondément défoncé, en conser Les nodules phosphatés sont triés avec
vant la couche de terre végétale à la sur soin après l’extraction, et lavés sur une
face. Les terrains ainsi travaillés ont, après grille, qui laisse passer la terre et le sable.
l’exploitation, une fertilité bien supérieure Ils sont ensuite portés au moulin, où ils sont
à celle qu’ils avaient auparavant. réduits en farine. Dans cet état, le phos
Les propriétaires traitent avec les exploi phate des nodules est assimilable par les
tants, en leur vendant le droit d’extraction végétaux, et se trouve sous la forme la plus
à un prix déterminé par hectare, à condi favorable pour l’agriculture.
tion que le terrain sera remis ensuite dans Les moulins à blé, qui étaient à peu près
l’état primitif. Ce prix n’était d’abord que de en ruine dans les trois départements dont
500 francs par hectare, mais il s’est élevé nous parlons, se sont ranimés et ont servi
successivement à 2,000 et 3,000 francs. La à cette nouvelle industrie. Ils réduisent en
valeur des propriétés ainsi fouillées était farine 40,000 tonnes de phosphates par an.
primitivement de 1,000 francs environ par Ils emploient, pour cela, leurs meules ordi
hectare ; la nouvelle industrie a donc triplé naires; mais comme il faut environ deux
leur valeur. fois plus de force pour les nodules que pour
On se rendra compte, plus exactement, le blé, une seule meule marche, au lieu
de l’importance de cette transformation , de deux. Le rhabillage se fait comme pour
quand on saura que ces couches de nodules la mouture ordinaire; seulement l’usure des
s’étendent sur une superficie de 200,000 meules est beaucoup plus considérable. Dans
hectares. C’est donc une plus-value de 400 quelques moulins on concasse préalable
millions que la propriété de ces terrains a ment les nodules à la grosseur d’une noi
acquise tout à coup, prospérité inouïe dont sette ; d’autres sont pourvus d’un blutoir,
il serait difficile de trouver un autre exem pour rendre la farine plus fine et plus égale.
ple en France. Les moulins ordinaires fournissent de 40