Page 531 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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                        11 faut ajouter, avec M. Dumas, que le   il serait peu propre à être facilement assi­
                      « sol cultivé en France a besoin, chaque   milé par les plantes. II conseilla de le trai­
                      année, d’une restitution de phosphate de   ter par l’acide sulfurique. Cet acide jouit,
                      chaux qui atteint près de deux millions de   en effet, de la propriété de rendre le phos­
                      tonnes, abstraction faite des contrées qui   phate de chaux immédiatement soluble.
                      en sont naturellement pourvues. »           Le résultat fut satisfaisant ; mais s’il était
                        Telle est, en effet, l’importance du phos­  bon seulement pour l’Angleterre, il ne l’é­
                      phate de chaux. Aujourd'hui l’efficacité de   tait pas pour la France, où le prix de re­
                      cet agent de fertilisation n’est plus nulle   vient est soumis à d’autres exigences et veut
                      part l’objet du moindre doute. Partout où   d’autres conditions.
                      le terrain n’en contient pas naturellement,   A cette époque, M. de Molon cultivait des
                      et c’est le cas du sol d’une grande partie de   terres en Bretagne, d’après des idées analo­
                      la France, c’est-à-dire de l’Ouest et du   gues à celles de Liebig. II fertilisait à grands
                      Centre, de l’Auvergne et des landes de Gas­  frais le sol avec le noir animal. Il se décida
                      cogne, etc., il suffit d’en apporter pour obte­  à substituer au noir le phosphate de chaux
                      nir des effets extraordinaires.           fossile ; mais, mal convaincu de la nécessité
                        Voici l’origine de la découverte de Faction   du système anglais, il essaya de se passer
                      du phosphate de chaux sur les cultures.   de l’acide, en traitant les nodules de phos­
                        lusqu’en 1822, le noir animal des raffine­  phates par la simple pulvérisation.
                      ries avait été jeté aux décharges publiques.   Le succès répondit à son attente, si bien
                      A cette époque, un raffineur de Nantes,   qu’il devint indispensable d’aller à la re­
                      M. Favre, maire de cette ville, s’aperçut   cherche de nouveaux gîtes minéraux. Ne
                      que la végétation était toujours très-vigou­  fallait-il pas, en effet, se préoccuper de sa­
                      reuse dans les terrains qui environnaient   tisfaire dans l’avenir aux besoins agricoles ?
                      les dépôts de noir. 11 eut alors l’idée de ré­  C’est ainsi que le phosphate de chaux,
                      pandre ces résidus sur ses propres terres, et   élément indispensable à la production du
                      il obtint de brillantes récoltes.         blé, est devenu en même temps, pour la
                        Telle fut l’origine de l’emploi du noir   France, un élément de richesse minérale qui
                      animal comme engrais.                     doit compter parmi les plus considérables.
                        La géologie avait déjà indiqué cette source   Mais combien n’a-t-il pas fallu de temps, de
                      de phosphate. Dès 1820, Berthier avait fait   fatigues et d’argent pour découvrir les gi­
                      connaître, dans les Annales des mines, la   sements, trouver le meilleur moyen de trai­
                      composition dés nodules de phosphate de   ter économiquement la matière, de l’appro­
                      chaux trouvés dans la craie chloritée près du   prier au sol pour rendre le minerai exploi­
                      Havre; et plusieurs années après, Bukland   table par la grande industrie, enfin pour en
                      et Couybeare avaient signalé la même sub­  vulgariser l’emploi, c’est-à-dire pour effa­
                      stance minérale dans le sol de la Grande-   cer tout préjugé de l’esprit du paysan, pour
                      Bretagne. Toutefois ce ne fut qu’en 1851   lui faire admettre cette vérité surprenante
                      qu’on essaya, en Angleterre, de l’utiliser   qu’il y a des sols et des cultures dans les­
                      pour la première fois comme engrais.      quels de véritables cailloux peuvent se
                        Liebig s’occupait alors de donner à l’a­  transformer en un puissant engrais?
                      griculture les bases solides qu’elle doit à   Après avoir constaté l’insuffisance du
                      la loi de restitution. Il lui sembla que le   guano et son épuisement prochain, après
                      phosphate de chaux fossile serait trop lent   avoir fait remarquer que l’agriculture avait
                      à se désagréger, et que, par cela même,   déjà été forcée d’en consommer pour près
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