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INDUSTRIE DE L’EAU.                                 43


         électrique, et projetez l’image de ce bloc sur   beauté est encore bien loin de l’effet réel. Voici
                                                   une étoile; en voilà une autre; et, à mesure que
         un écran, le rayon lumineux, par sa cha­
                                                   l’action continue, la glace paraît se résoudre de
         leur. provoquera la fusion d’une partie de   plus en plus en étoiles, toutes de six rayons, et
         la glace; comme un anatomiste habile, il   ressemblant chacune à une belle fleur à six pétales.
                                                   En faisant aller et venir ma lentille, je mets en vue
         disséquera cette masse compacte et mettra
                                                   de nouvelles étoiles; et, à mesure que Faction con­
         à nu sa véritable structure intérieure.   tinue, les bords de pétales se couvrent de dentelures
           C’est au physicien anglais J. Tyndall   et dessinent sur l’écran comme des feuilles de fou­
         que l’on doit cette belle expérience. Dans   gères. Très-peu, probablement, des personnes ici
                                                   présentes étaient initiées aux beautés cachées dans
         sou ouvrage intitulé : La chaleur, mode de
                                                   un bloc de glace ordinaire ; et pensez que la prodi­
         mouvement (1), M. Tyndall explique ainsi   gue nature opère ainsi dans le monde tout entier.
         la manière dont il est parvenu à rendre   Chaque atome de la croûte solide qui couvre les
                                                   lacs glacés du Nord a été fixé suivant cette même
         apparents les cristaux au sein d’un bloc de
                                                   loi. La nature dispose ses rayons avec harmonie, et
         glace :                                   la mission de la science est de purifier assez nos
                                                   organes pour que nous puissions saisir ses accords. »
           « Ce bloc de glace ne semble pas présenter plus
         d’intérêt et de beauté qu’un bloc de verre ; mais,
         pour l’esprit éclairé du savant, la glace est au verre   La figure 25 (page 45) représente l’expé­
         ce qu’un oratorio de Hændel est aux cris de la rue ou   rience faite par M. J. Tyndall. A travers un
         du marché. La glace est une musique, le verre est   bloc de glace posésur un support, on fait pas­
         un bruit; la glace est l’ordre, le verre est la con­
         fusion. Dans le verre, les forces moléculaires ont   ser un faisceau de lumière solaire au moyen
         abouti à un écheveau embrouillé, inextricable;   d’un trou percé dans le volet d’une chambre
         dans la glace, elles ont su tisser une broderie régu­  tenue dans l’obscurité. Par sa chaleur, ce
         lière dont je veux vous révéler les miraculeux des­
         sins.                                     faisceau de lumière solaire provoque la fu­
           « Comment m’y prendrai-je pour disséquer cette   sion partielle de la glace, et en met à nu les
         glace? Un faisceau de lumière solaire, ou, à son   cristaux. L’image de ces cristaux traverse
         défaut, un faisceau de lumière électrique sera l’ana­
                                                   une lentille de verre grossissante, et vient se
         tomiste habile auquel je confierai cette opération.
         J'écarte l’agent qui, dans la dernière expérience,   projeter sur un écran, après avoir été consi­
         purifiait ou dépouillait de chaleur notre faisceau   dérablement agrandie par le jeu de la len ­
         lumineux, et je lance ce faisceau directement de la
                                                   tille, de sorte que tous les spectateurs peu­
         lampe à travers cette plaque de glace transparente.
         Il mettra en pièces l’édifice de glace, en renver­  vent voir l’image agrandie de ces cristaux.
         sant exactement l’ordre de son architecture. La   La tendance remarquable de l’eau à pren­
         force cristallisante avait silencieusement et symétri­  dre une forme cristalline nous est révélée
         quement élevé atome sur atome ; le faisceau élec­
         trique les fera tomber silencieusement et symétri­  par le phénomène, bien connu, du dépôt de
         quement. Je dresse celte plaque de glace en face   givre qui s’opère sur les carreaux de vitre,
         de la lampe, et la lumière passe maintenant à travers   par les grands froids. Quand la température
         sa masse. Comparez le faisceau lumineux entrant
         avec le faisceau lumineux sortant de la glace ; pour   à l’extérieur est àquelques degrés au-dessous
         l’œil, il n’y a pas de différence sensible ; l’intensité   de zéro, et qu’il existe de la vapeur d’eau à
         de la lumière est à peine diminuée. Il n’en est pas   l’intérieur d’un appartement, on voit se
         ainsi de la chaleur. En tant qu’agent thermique,   produire sur les vitres de magnifiques ar­
         le faisceau, avant son entrée, est bien plus puissant
         qu’après son émergence. Une portion du faisceau   borisations : c’est l’eau qui cristallise sous
         s’est arrêtée dans la glace, et cette portion est l’ana­  nos yeux.
         tomiste que nous voulions mettre en jeu ; quje fait-
         il ? Je place une lentille en avant de la glace, et   Le carreau de vitre,, exposé au froid du
         je projette une image agrandie de la plaque de   dehors par sa face extérieure, provoque la
         glace sur l’écran. Observez cette image dont la   condensation, à l’état liquide, contre sa face
         «0'-10«V01 iU'18’ édition fiançaise. Paris, 1874, pages   extérieure, de la vapeur d’eau contenue dans
                                                   l’appartement. De l’état liquide l’eau passe
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