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INDUSTRIE DE L’EAU.                                383


          C’est en amenant à Marseille les eaux de   une prise d’eau de 660 litres (deux tiers de mètre cube)
        la Durance, par un canal de 92 kilomètres   par seconde. On estime à 6,000 hectares au moins
                                                  les terrains des environs de Marseille qu’il convient
        de longueur, que Montricher résolut le
                                                 d’arroser; ce serait donc 3 mètres cubes et demi par
        grand problème des eaux publiques de     seconde qu’exigerait le territoire marseillais. D’a­
        cette ville.                             près les évaluations admises par le conseil général
                                                 des ponts et chaussées,la Durance n’en aurait jamais
          Un assez grand nombre de projets avaient
                                                 moins’de 74. En outre, les eaux potables et domesti­
        etc mis en avant, à Marseille, pendant tout   ques sont très-rares à Marseille. En 183.4, le maire
        le xvme siècle, pour amener les eaux de la   se vit obligé d’employer deux compagnies de grena­
        Durance. La création du canal de Craponne   diers pour garder le filet d’eau que la rivière de
                                                 l’Huveaune fournissait encore ; à diverses reprises,
        avait été l'origine de ces projets de déri­  la disette d’eau y a causé des épidémies et des
        vation de la Durance. Mais on avait sur­  émeutes. La prise d’eau totale devrait être de 8 à 9
        tout en vue, à cette époque, un canal d’irri­  mètres cubes par seconde, c’est-à-dire au plus du
                                                 huitième de ce que débite la Durance aux plus bas­
        gation pour tout le parcours du canal de
                                                 ses eaux. Pour compenser les pertes d’eau causées
        la Durance à Marseille. Montricher ré­   par les filtrations et l’évaporation, la canal devrait
        duisit le rôle du canal projeté à l’alimenta­  emprunter à la Durance 1 mètre cube de plus par
                                                 seconde. A ce compte la prise d’eau eût été de 10
        tion en eaux potables de Marseille et de ses
                                                 mètres cubes par seconde.
        environs.                                  Malheureusement la requête de la ville de Mar­
         C’est en 1836 que Montricher proposa    seille avait soulevé beaucoup d’opposition. Il a fallu
        d’amener à Marseille les eaux de la Durance,   respecter les droits acquis des propriétaires des ca­
                                                 naux d’irrigation dont les prises d’eau se trouvent
        par un canal dont il estimait les dépenses   en dessous de Saint-Paul, point de départ adopté par
        de construction à 10 millions de francs. La   M. de Montricher. 11 a été reconnu nécessaire de
        ville de Marseille acceptait ce projet avec !  laisser à la Durance une certaine quantité d’eau
                                                 pour la branche septentrionale du canal Boisgelin,
        reconnaissance, et était prête à faire les dé- ■
                                                 appelé canal des Alpines. Par ces motifs, la ville de
        penses de ce canal.                     ; Marseille n’a été autorisée à puiser dans la Durance
          Le projet de Montricher fut soumis pendant   que 5 mètres cubes 3/4 qui, en raison des pertes,
                                                  n’en produiront effectivement que 5. Cette réduc­
        trois ans à diverses discussions. La ville d’Aix
                                                  tion est vraiment exagérée. Le conseil général des
        résistait; elle voulait que le canal eût une   ponts et chaussées admet que la quantité d’eau rou­
        direction qui la desservît. A la suite de ces   lée par la Durance est de 74 mètres cubes, et qu’il
        discussions Montricher amenda son tracé,   •suffit qu’elle en conserve 12 à son embouchure dans
                                                 le Rhône. Or les concessions actuelles ne s’élèvent
        en réduisit la longueur, et obtint, en 1839,
                                                  qu’à 32 mètres cubes, il en restait donc 30 à concé­
        une' décision définitive. L’aqtieduc, de 83   der. Quoi qu’il en soit, de guerre lasse, les Mar­
        kilomètres de développement, devait, pour   seillais ont accédé à ces conditions. Ils renoncent
                                                 au projet qu’ils avaient formé de distribuer de l’eau
        une somme de 14 millions, apporter à Mar­
                                                 sur tout le parcours de leur canal, et ils garderont
        seille l'eau nécessaire à l’usage de la ville et   pour leur clocher tout ce qui leur a été attribué.
        de ses environs.                          Frappés de ce que le canal débouchait du souterrain
                                                  de Notre-Dame (hameau situé à 2 lieues de Mar­
          Nous trouvons dans un ouvrage mo­
                                                 seille) à une hauteur de 150 mètres au-dessus du
        derne (1) des notes prises pendant l exé- |
                                                1 niveau de la mer, ils avaient pensé qu’avec 5 mè­
        cution du canal de la Durance, qui ren­   tres cubes tombant de cette hauteur, ils auraient
        ferment des renseignements intéressants sur   une force motrice suffisante pour un nombre con­
                                                 sidérable de fabriques. En effet, la puissance ainsi
        les conditions du problème d’hydraulique
                                                  créée eut été équivalente à 3,000 chevaux. Ils aban­
        qu’il s’agissait de résoudre.             donnent cette espérance. Mais leur cité sera ad­
                                                 mirablement arrosée et parfaitement approvision­
         « Pour l’irrigation de 1000 hectares de terre sous   née, même pour le service courant des fabriques;
        le ciel de la Provence,dit M.Grimaud de Gaux,il faut  le port cessera d’être un cloaque infect. D’ailleurs
                                                  le canal sera creusé de manière à recevoir 10 mètres
         (I) Les eaux publiques, par M. Grimaud, de Caux, in-8.
        Paris, 1863, pages 312-344.               cubes, et il pourra les emprunter à la Durance
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