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14                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                      Nous venons de représenter l’appareil   de sa légèreté spécifique, et arrive au con­
                    qui servit à Lavoisier et à Meusnier pour   tact de l’eau, qu’il décompose, en formant
                    décomposer l’eau par le fer. Nous mettrons   du gaz hydrogène. Ce gaz se rassemble au-
                    sous les yeux du lecteur (fig. 9) l’appareil qui   dessus de l’eau, et l’oxyde de sodium, ou
                    sert aujourd’hui, dans les cours publics de   soude, se dissout dans l’eau. Il est facile, en
                    chimie, à faire cette expérience, devenue   enflammant le gaz, de montrer que c’est du
                    classique. Le fourneau dans lequel on place   gaz hydrogène, et en. mettant l’eau de la
                    le tube de porcelaine AB, plein de frag­  petite cloche en contact avec du papier de
                    ments de tournure de fer, est un fourneau   tournesol rouge, de montrer qu’il s’est
                    dit à réverbère, recouvert de son dôme, ou   formé un alcali ou un oxyde métallique ;
                    réverbère, F. L’eau est contenue dans une   c’est à-dire de l’oxyde de sodium ou soude,
                    cornue de verre, C, et le gaz hydrogène est   qui a la propriété, comme tous les alcalis, de
                    recueilli, par le tube D, dans une éprouvette,   ramener au bleu le papier de tournesol rougi.
                    placée elle-même sur un petit support de    Mais revenons à Lavoisier.
                    terre, percé d’un trou. Une terrine conte­  On pourrait croire que les démonstrations
                    nant de l’eau remplace la cuve hydropneu­  rigoureuses, les preuves mathématiques,
                    matique. Comme il ne s’agit pas de mesurer   pour ainsi dire, que Lavoisier venait de
                    le gaz hydrogène provenant de la décompo­  donner par les expériences que nous ve­
                    sition de l’eau, mais seulement de recueillir   nons de rapporter, durent entraîner la
                    ce gaz, pour l’enflammer, et démontrer ainsi   conviction unanime des savants. 11 n’en fut
                    aux auditeurs que c’est bien du gaz hydro­  pas ainsi. Le vieux fantôme du phlo-
                    gène, il suffit de pouvoir recueillir com­  gistique était toujours là, et les objec­
                    modément ce gaz (1).                      tions se succédaient contre une vérité en­
                      Ajoutons que dans les cours de chimie on   core trop récente pour triompher de préju­
                    démontre souvent, sans avoir besoin de re­  gés séculaires. Dans tous les laboratoires de
                   courir à la chaleur, la décomposition de   l’Europe, on avait répété l’expérience de
                   l’eau par les métaux, et la production du   1784 de Lavoisier et Meusnier, et on ob­
                   gaz hydrogène et d’un oxyde, en se servant   tenait toujours à peu près les mêmes résul­
                   d’un métal qui décompose l’eau à froid,    tats quantitatifs, et pourtant on refusait de
                   c’est-à-dire du potassium ou du sodium. Dans   se rendre à l’opinion des chimistes français
                   une cloche pleine de mercure, A (fig. 10), on   concernant la composition de l’eau.
                   fait passer une petite quantité d’eau, B; en­  Pour mettre fin à toute discussion, les
                   suite on y introduit, enveloppé dans un peu   élèves de Lavoisier voulurent procéder à
                   de papier, pour qu’il ne s’amalgame pas    la synthèse chimique de l’eau, en opérant
                   avec le mercure, C, qu'il doit traverser, un   sur une échelle assez grande pour que l’on
                    fragment de sodium. Ce fragment de so­    pût recueillir une quantité d’eau relative­
                   dium s’élève à travers le mercure, en raison  ment considérable.
                                                                En 1790, Fourcroy, Seguin et Vauquelin
                     (1) C’est cette opération que les élèves de l’École poly­
                   technique ont mise en chanson. On nous permettra de pla­  procédèrent à cette grande et belle opéra­
                   cer, en note, au bas de la page, cette poésie de laboratoire:
                                                              tion. Ils firent usage de l’appareil de Lavoi­
                           Voulez-vous faire de l’hydrogène,   sier que nous avons représenté plus haut
                           Prenez un tube de porcelaine ;
                           Mettez-y du fer et de l’eau,       (fig. 7, page 9). Les gaz hydrogène et oxy­
                           Placez le tout sur un fourneau.
                           L’eau par le feu vaporisée,        gène ayant été préparés avec tous les soins
                           Et par le fer décomposée,          imaginables, on procéda à l’expérience, qui
                           L’oxygène s’unit au fer,
                           Et l’hydrogène s’en va dans l’air {Lis},   ne dura pas moins de dix jours : du 13 mai
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