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INDUSTRIE DE L’EAU.


          de la synthèse, c’est-à-dire en formant de  i se dégageait de la dissolution du fer ou du zinc dans
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          l’eau au moyen des éléments gazeux qui la
                                                   : fût dû à la décomposition de l’eau, il se fondait sur
          composent. Mais pour achever la démons­    les raisons suivantes,dont il me fit part dans le mois
          tration, il restait à procéder à l’analyse de   de septembre 1783; je vais transcrire ses propres
          l’eau, c’est-à-dire à séparer ses deux élé­  expressions.
                                                      « Par l’action de l’acide, le métal se dissout sous
          ments, l’hydrogène et l’oxygène. C est ce   forme de chaux (on dirait aujourd’hui sous forme
          qu’entreprit, en 1784,Lavoisier, avec le se­  d’oxyde), c’est-à-dire uni à l’air vital (à l’oxygène).
          cours de Meusnier.                        Relativement au fer, cette quantité d’air vital forme
                                                    le quart ou le tiers de son poids. Cette dissolution du
                                                     fer dans de l’acide vitriolique étendu d’eau ayant
            « Cette seule expérience de la combustion des   également lieu dans les vaisseaux fermés, il est vi­
          deux gaz et leur conversion en eau, poids pour   sible que l’air vital n’est pas fourni par l’atmosphère.
          poids, ne permettait guère, dit Lavoisier, de douter   « 11 n’est pas fourni non plus par l’acide. Car on
          que cette substance, regardée jusqu’ici comme un   sait, par les expériences de M. Lavoisier, que l’acide
          élément, ne fût un corps composé. Mais, pour cons­  vitriolique (ou sulfurique), privé d’une partie de
          tater une vérité de cette importance, un seul fait ne   son air vital, donne de l’acide sulfureux ou du sou­
          suffisait pas; il fallait multiplier les preuves, et après   fre : or, l’on n’a ni l’un ni l’autre de ces résultats
          avoir composé artificiellement de l’eau, il fallait la   quand on dissout le fer dans de l’acide vitriolique
          décomposer. Je m’en suis occupé, pendant les va­  étendu d’eau. D’ailleurs, ce qui prouve que l’acide
          cances de 1783; je rendis compte du succès de mes   n’est point altéré et ne perd point de son air vital
          tentatives à la rentrée publique de l’Académie à la   par son action sur le fer, c’est qu’après cette action
          Saint-Martin.                             il faut, pour le saturer, la même quantité de potasse
            « Je fis alors observer que si véritablement l’eau   qu’auparavant.
          était composée (comme l’annonçait la combustion   « Il ne reste donc que l’eau à laquelle on puisse
          des deux gaz) de l’union du principe oxygène avec   attribuer l’air vital qui s'unit au fer dans cette disso­
          je principe inflammable, on ne pouvait la décom­  lution. L’eau se décompose donc et son principe in­
          poser et obtenir séparément l’un de ces principes,   flammable se développe sous forme d’air (ou de gaz).
          sans présenter à l’autre une substance avec laquelle   11 suivait de là que si, par la combustion, l’on com­
          il eût plus d’affinité. Le principe inflammable ayant   binait de nouveau ce principe inflammable avec
          plus d’affinité avec le principe oxygène qu’avec   l’air vital, on reproduirait l’eau qui s’est décom­
          aucun autre corps, ce n’était pas par ce côté que   posée. — Cette conséquence étant confirmée par
          pouvait être tentée la décomposition. C’était donc le   plusieurs expériences incontestables, elle fournit une
          principe oxygène qu’il fallait attaquer.  nouvelle preuve de la décomposition de l’eau par
           « Je savais à cet égard, par des expériences déjà   l’action des acides sur le métal, quand il en résulte
         connues, que le fer, le zinc et le charbon avaient   de l’air inflammable.
          une grande affinité pour lui; en effet, M. Bergman   « La considération de cet air inflammable nous
          nous avait appris, dans son analyse du fer, que la   conduit d’ailleurs au même résultat ; car il est aisé
          limaille de ce métal se convertissait dans l’eau   de prouver qu’il n’est dû ni à l’acide ni au métal.
          distillée seule, en éthiops martial (oxyde noir de fer),   « Toutes ces considérations réunies, poursuit La­
          et qu’en môme temps il se dégageait une grande   voisier, ne me permettaient pas de douter que les
          quantité d’air inflammable.               métaux n’exerçassent une action marquée sur l’ac­
           « D’un autre côté, M. l’abbé Fontana, ayant éteint   tion, et, pour la constater, je commençai mes expé­
         des charbons ardents dans de l’eau sous une cloche   riences sur le fer. »
         remplie d’eau, en avait retiré une quantité notable
          d’air inflammable.
                                                      On avait reconnu depuis peu de temps, en
           « M. Sage m’avait, en outre, communiqué une
         observation qui lui avait été envoyée d’Allemagne   Allemagne, qu’il se produit du gaz inflam­
         par MM. Hassenfratz, Stoultz et d’tlellancourt, élèves   mable (gaz hydrogène), quand on plonge su­
         de l’École des mines; il en résultait que du fer
                                                    bitement du fer rougi au feu, sous une cloche
          rouge éteint dans l’eau sous une cloche remplie
          d eau, comme M. l’abbé Fontana l’avait fait pour   pleine d’eau ; et Lavoisier, d’autre part, avait
          le charbon, donnait également de l’air inflammable.  déjà constaté qu'en abandonnant du fer mé­
           « Enfin, M. de Laplace, qui était au courant de
                                                    tallique à l’action de l’eau dans une cloche
         mes expériences, qui les avait partagées souvent et
          qui m aidait de ses conseils, m’avait répété bien des   reposant sur le mercure, il se dégage de
          fois quil ne doutait pas que l’air inflammable qui   l’hydrogène,- tandis que le fer se convertit
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