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                  d’une végétation nouvelle, et ainsi se maintient le   Dans ce but on les a répandues, en manière
                  cycle de la vie.
                                                            d’engrais, sur des terrains cultivés.
                    « Partout où la nature n’est pas entravée, la terre
                  reçoit, absorbe et consomme les déjections de la vie   On possède les données suivantes sur la
                  animale et les emploie au profit de la vie végétale.   composition chimique des eaux des égouts
                  C’est donc dans le sol, et non dans nos fleuves et nos
                                                            de Paris.
                  rivières qu’il faut enfouir ces résidus de la vie ani­  Un mètre cube de l’eau de ces égouts, qui
                  male, qui, dans les eaux, deviennent une source
                  de putréfaction et de mort, aux dépens du sol qui   l’on nomme communément eaux vannes,
                  les réclame, tandis que dans la terre ils sont une   renferme environ 3 kilogrammes de subs­
                  source de fécondité et de vie.            tances diverses, tenues en suspension ou en
                    « Répandre sur les terres cultivées les immondices,
                  les déjections des égouts et de l’industrie, tel est   dissolution. Ces matières sont des produits
                  le système nouveau qu’il faut substituera celui qui   azotés, de l’acide phosphorique, des alcalis
                  est en vigueur aujourd’hui. »
                                                            et des matières organiques et terreuses. Le
                                                            dépôt qui se forme naturellement dans ces
                    Dans les dernières lignes de son Rapport,   eaux conserve la moitié de l’azote, tout l’a­
                  M. Félix Boudet fait allusion à la méthode   cide phosphorique, ainsi que la presque to­
                  nouvelle qui est expérimentée depuis plu­  talité des matières organiques et terreuses.
                  sieurs années dans les plaines d’Asnières et   L’eau, séparée du dépôt, a une couleur
                  de Gennevilliers, pour tirer parti des eaux   blonde; elle retient la moitié de l’azote et la
                  d’égouts et les consacrer aux irrigations fer­  moitié des alcalis. Sur 1000 parties de dépôt,
                  tilisantes. On nous saura gré de donner ici   il y en a 7 d’azote, 7 d’acide phosphorique,
                  quelques explications sur cette importante   227 à 259 de matières organiques, et 759 à
                  entreprise.                                727 de terre. La valeur de ces eaux brutes
                    L’égout est sans doute le réservoir com­  est évaluée à 10 centimes le mètre cube, et
                  mun, indispénsable à l’assainissement d’une
                                                            l’engrais qu’elles donnent à 18 francs la
                  ville; il déverse dans la rivière tous les dé­  tonne. Ainsi, les 200 millions de litres qui
                  tritus, toutes les matières dissoutes ou en   se rendent tous les jours dans la Seine, re­
                  suspension qu’entraînent les eaux ; mais l’é­
                                                            présentent une valeur de 7 millions et demi
                  gout a deux graves inconvénients : des quan­  par année.
                  tités considérables de matières, qui fourni­  Deux moyens se présentent pour utiliser
                  raient un excellent engrais, sont perdues   les eaux d’égouts. Le plus simple est l’em­
                  pour le sol, et les pays situés en aval de   ploi de ces eaux en nature, l’irrigation ordi­
                  l’embouchure sont plus ou moins incom­    naire. Le second moyen rentre dans la
                  modés ou infectés par une eau impure, qui   fabrication des engrais : il consiste à préci­
                  exhale quelquefois des miasmes pestilentiels.
                                                            piter les matières étrangères à l’eau, et à se
                  Ainsi l’eau et l’air, ces deux agents essentiels   servir de ce précipité sec comme engrais.
                  à la vie, sont altérés par des matières
                  dont l’agriculture pourrait tirer un utile   « Les deux procédés n’en font qu’un, dit M. Mille,
                  profit.                                   ingénieur de la ville de Paris; ils ne diffèrent que
                                                            parle temps employé. La voie naturelle est lente,
                    Ce système est en usage dans les deux plus
                                                            mais elle utilise tout ; la voie industrielle est ra­
                  grandes villes de l’Europe : Londres etParis.   pide, mais elle exige des sacrifices d’argent, qui ne
                  Dans ces deux villes on a donc tous les incon­  seront pas moindres qu’un centime par mètre cube.
                  vénients des égouts. On s’est récemment   La séparation d’ailleurs est impossible, et le succès
                                                            est un régime qui développerait la distribution en
                  occupé de remédier à ce fâcheux état de   s’appuyant sur l’épuration. »
                  choses. A Paris et à Londres on a cherché à
                  utiliser les eaux d’égouts pour l’agriculture.   Un premierchamp d’expériences fut établi
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