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                   les villes situées en aval de Paris ne man­  produits de matières fécales, etc., etc.
                   queront pas, à un moment donné, d’accen­    On voit par ce document irrécusable que
                   tuer plus énergiquement leurs justes récla­  l’eau de la Seine, en 1875, n’est plus celle
                   mations. Si les poissonseux-mêmes pouvaient   dont on vantait au siècle dernier la par­
                  se plaindre, ils le feraient, caron trouve sur   faite pureté. Ce n’est donc pas sans raison
                   les rives du fleuve de nombreux poissons as­  que l’on a substitué à cette eau devenue
                   phyxiés.                                  impure et fétide (au moins à sa sortie de
                    M. le docteur Gérardin, inspecteur des   Paris) les eaux pures et salubres des sources
                  établissements insalubres du département   de la Dhuis et de la Vanne, que l’admi­
                  de la Seine, a publié un travail sur \'al-   nistration municipale a fait dériver à grands
                  tération des cours d'eau qui a obtenu, en   frais, des coteaux de la Champagne, ainsi
                  1874, un des prix annuels de F Académie   que nous le raconterons, avec les détails né­
                  des sciences de Paris. M. le docteur Gérardin   cessaires, dans le chapitre qui sera consacré
                  a plusieurs fois examiné au microscope    à l’histoire et à la description des eaux pu­
                  l’eau de la Seine prise après le débouché   bliques de Paris.
                  des égouts, et il a fait des observations très-   La présence de matières putrides dans
                  curieuses sur le dépôt de ces matières dans   l’eau de Seine peut être décelée d’une ma­
                  le lit du fleuve et sur ses berges. 11 a remar­  nière indirecte, pour ainsi dire, en consta­
                  qué, par exemple, que les objets entraînés   tant que cette eau, dans son parcours de
                  par l’égout se déposent dans un ordre mé­  Paris, est privée de ce gaz oxygène qui est
                  thodique sur une grande longueur. Les sa­  l’indice de la pureté des eaux courantes.
                  bles, les poils, les lambeaux d’épidermes,   L’absence de l’oxygène d’une eau prouve,
                  les trachées végétales isolées par la diges­  indirectement mais sûrement, la présence
                  tion, ont tous des points particuliers où ils   de matières en décomposition dans sa
                  se rassemblent presque exclusivement. Il est   masse. Or, cette preuve a été donnée par
                  un point des rives de la Seine, près de   l’analyse chimique.
                  Saint-Ouen, qui pourrait s’appeler, selon   M. Félix Boudet a exécuté avec M. Gérar­
                  M. Gérardin, l’z/e des poils, car il s’est   din, en 1874,une séried’analyses chimiques
                  formé là un véritable banc, par l’agglomé­  des gaz recueillis dans l’eau de la Seine,
                  ration des poils d’animaux de toute pro­  en s’attachant particulièrement à doser la
                  venance entraînés par les égouts, et qui,   quantité de gaz oxygène. MM. Boudet et
                  par une sorte d'affinité élective, se sont   Gérardin ont trouvé que le gaz oxygène, qui
                  réunis tous en ce lieu. Les sables s’accu­  existe en amont de Paris en quantité nor­
                  mulent dans d’autres points de la rive.   male, diminue graduellement de Corbeil à
                    M. Gérardin a bien voulu dessiner, pour   Asnières, Saint-Denis, etc., pour reprendre
                  les Merveilles de l'industrie, une vue mi­  son chiffre normal à Rouen seulement.
                  croscopique exacte des corps étrangers qui   Voici les chiffres fournis par l’analyse :
                  se voient dans l’eau de la Seine puisée entre   En amont de Corbeil, on a trouvé 9 centi­
                  Asnières et Saint-Ouen. Ce dessin (fig. 67)   litres d’oxygène par litre ; à 1,500 mètres en
                  fait le 15 février 1875, à un grossissement   aval, 8,7 ; àChoisy-le-Roi, 7 1/12 ; à Ivry, 8;
                  de 600 diamètres, montre quelles sont les   au pont de la Tournelle, 8 ; au viaduc d’Au-
                  matières organiques et minérales que l’eau   teuil, 6; à Billancourt, 5; à Sèvres, 5,4; à
                  de la Seine roule en aval de Paris : des   Saint-Cloud, 5,3 ; à Asnières, 4,6 ; au pont
                  fragments de cellules végétales, des poils   de Saint-Ouen, 4; à Saint-Denis, 2; à la
                  et des cheveux, des animalcules divers, des   Briche, 1; à Epinay, 1; à Argenteuil, t,4;
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