Page 152 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 152

150                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                  ont dépassé toutes les espérances (I). M. Du-  j grand de cette manière d’employer l’eau dcs
                  rand-CIaye, dans un mémoire sur les cul­ I égouts.
                  tures obtenues à Gennevilliers par l’emploi   11 y aurait d’autant plus d’urgence à adop.
                  des eaux des égouts de Paris, présente     ter ce parti, que l’eau de la Seine, en aval de
                  des chiffres tout à fait éloquents. La     Paris, devient de jour en jour de plus eu
                  dernière récolte a donné 100,000 kilo­     plus fétide, ainsi que cela a été surabondam­
                  grammes de betteraves, 27 hectolitres de   ment établi par le rapport de M. Félix Bou­
                  blé, 18,000 kilogrammes de foin sec à l'hec­  det, dont nous avons cité divers passages.
                  tare. Aujourd’hui, les produits des curages   Que faire dans de pareilles conjonctures?
                  des rigoles, des bassins, ou même des      On a proposé de construire un aqueduc qui
                  draguages de la Seine, sont emportés par un   suivrait la rive droite de la Seine, sous le
                  grand nombre de cultivateurs industriels.  | chemin de halage, et qui recevrait les eaux
                  On a expédié près de 4,000 tonnes de ces   d’égouts, à leur sortie du grand collecteur
                  matières, aux frais des intéressés, dans la   à Asnières. Cette conduite ne se terminerait
                  partie de la plaine non irriguée, à Chatou,   que près de l’embouchure de la Seine, dans
                  au Vésinet, à Saint-Germain, à Argen-  I le point où la marée commence à se faire
                  teuil, etc. Ces matières sont ensuite reven­  sentir. Les travaux à exécuter ne seraient pas
                  dues comme terreau ou comme gadoue. A      trop dispendieux, et les dépenses seraient
                  mesure que la surface arrosée par les eaux   atténuées si l’on recueillait une partie de ces
                  d’égout augmente, la culture par les procé­  eaux sur le parcours de la conduite, pour les
                  dés ordinaires disparaît du pays.          faire servir à la culture, d’après les procédés
                    Une Commission nommée parle ministre     si heureusement expérimentés à Genne­
                  de l’agriculture et du commerce a été char­  villiers.
                  gée de constater, au point de vue agricole,   Nous avons fait connaître les excellents
                  les résultats des cultures de Gennevilliers.   résultats obtenus dans la plaine de Genne­
                  M. Hardy, directeur du potager de Ver­     villiers où l’on élève ces eaux au moyen
                  sailles, a rédigé le rapport, qui vise les ré­  d’une machine à vapeur, pour les utiliser
                  compenses à décerner.                      comme engrais, soit à l’état iïea.ux vannes,
                    Ainsi, les eaux des égouts de Paris consa­  c’est-à-dire tellesqu’elles arrivent de l’égout,
                  crées à la culture agricole ont donné      soit à l’état de matière sèche obtenue par
                  des résultats vraiment extraordinaires au   précipitation au moyen d’un sel d’alumine.
                  point de vue du rendement et des béné­     Les récoltes faites de cette manière sont tel­
                  fices, et l’expérience poursuivie pendant   lement abondantes qu’elles font vivement
                  sept ans ne pouvait parler avec plus d’élo­  regretter la perte de l’énorme quantité de
                  quence.                                    produits utiles à l’agriculture qui se perdent
                    Mais l’application des eaux des égouts n’a   dans la Seine.
                  encore été faite que dans un but d’expé­     C’est là, du reste, le grand vice des villes
                  rience ; ce n’était qu’un essai, pour appré­  modernes. Les eaux de leurs égouts y sont
                  cier la valeur pratique et les avantages de la   toutes perdues. De riches engrais, qui se­
                  méthode. Maintenant que l’expérience a parlé   raient utiles à la culture, sont chaque jour
                  et que les résultats sont d’une évidence qui   jetés à la mer. Cet inconvénient n’existe pas
                  frappe tous les yeux, le moment serait venu,   dans les campagnes, où tout retourne à la
                  il nous semble, de faire l’application en  terre, sans aucune perte. La mer englou­
                                                             tit journellement une partie considérable
                    (1) Ces expériences, interrompues par la guerre, furent
                  reprises en 1871.                          de la source des productions agricoles, et
   147   148   149   150   151   152   153   154   155   156   157