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130                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                    Si, dans l’origine, les eaux de sources qui,   l’eau subit une véritable dépuration, dont le
                  en se rassemblant plus tard, donneront nais­  résultat varie suivant que l’on examine cette
                  sance aux ruisseaux, n’ont traversé que des   eau près ou loin de son lieu d’émergence. Il
                  roches cristallines (granit ou mica), elles   est certain, en effet, que plus on s’éloigne des
                 sont peu chargées de matières salines; elles   petits cours d’eau, moins les eaux sont char­
                  renferment seulement de l’acide carbonique,   gées de sels solubles. Les eaux des fleuves
                  peu de chlorures et de sulfates, et sont clai­  sont moins chargées de matières salines dis­
                  res, limpides et fraîches.                soutes que celles des rivières, et les eaux des
                    Cependant les eaux des ruisseaux ne pro­  rivières sont elles-mêmes moins chargées de
                 viennent pas toutes des sources. Elles doi­  sels que celles des ruisseaux.
                 vent aussi leur origine aux eaux pluviales.
                 Ces eaux, en coulant sur des terrains meu­   Les eaux des fleuves et des rivières su­
                  bles et calcaires, se chargent de sels de   bissent dans leur trajet de graves modifica­
                 chaux et de magnésie. Il se passe là une   tions.
                 véritable réaction chimique. Une partie du   Pour se rendre compte des changements
                 gaz acide carbonique dissous dans ces eaux,   que les eaux des rivières et des fleuves su­
                 se combine aux carbonates neutres de       bissent dans leur cours, il faut considérer
                 chaux et de magnésie, et forme des bi­     l’influence qu’exerce sur elles le sol sur lequel
                 carbonates solubles. Mais plus tard le choc   elles coulent, et l’action qu’elles exercent
                 de l’eau contre les aspérités du fond produit   réciproquement sur ce même sol.
                 l’effet inverse, c’est-à-dire fait dégager le   Les eaux exercent sur les terrains à travers
                 gaz acide carbonique, et précipite les carbo­  lesquels elles se frayent un passage, une ac­
                 nates neutres à l’état insoluble.          tion destructive constante, dont l’énergie
                   Le bicarbonate de chaux est, de tous les   est augmentée par la richesse des eaux eu
                 sels dissous dans les eaux courantes, celui   carbonate et en azotate d’ammoniaque.
                 qui se précipite et disparaît le plus rapide­  Outre cette attaque par la voie chimique,
                 ment par l’action des secousses réitérées que   il y a une action mécanique des eaux, qui
                 les particules d’eau reçoivent par leur choc   amène la désagrégation des roches; surtout
                 contre le fond de leur lit. 11 se décompose   par les alternatives de chaleur et de froid.
                 alors en gaz acide carbonique, qui retourne   Les roches ainsi divisées sont en partie
                 à l’atmosphère, et en carbonate de chaux   dissoutes, en partie entraînées par le cou­
                 neutre, qui se précipite et va, avec les ma­  rant des montagnes vers les plaines.
                 tières organiques solubles et minérales      La corrosion des rives des points élevés
                 tenues en suspension, former ce que l’on   d’un cours d’eau entraînant les débris vers
                 nomme le limon des rivières.               des parties plus basses, se fait sans jamais
                    Il résulte de là que la proportion de car­  s’interrompre. Les matières ainsi enlevées se
                 bonate de chaux soluble, ou bicarbonate de   déposent plus ou moins loin, selon la pente
                 chaux, assez forte dans l’eau des ruisseaux,   de l’eau et la résistance des roches. Les par­
                 diminue dans l’eau des rivières, et d’a­   ties les plus denses des roches, qui se trou­
                 vantage encore dans l’eau des fleuves ; en   vent au fond du cours d’eau, se séparent les
                 d’autres termes; que plus une eau douce    premières, et forment les galets, les cailloux
                  parcourt un espace étendu de terrain,     roulés, le gravier et le sable. Les parties
                  moins elle contient de carbonate de chaux   plus fines et plus ténues restent en suspen­
                  dissous.                                  sion dans l’eau, et sont entraînées jusqu’à
                    En perdant ainsi un excès de sels calcaires,   l’embouchure des fleuves. Dans ces points,
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