Page 296 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 296

POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES.                             291


           du nom de Tchang. Les porcelaines du frère
                                                      sorti, des mains industrieuses de l’homme.
           aîné étaient extrêmement minces, et tantôt   La première tour de porcelaine fut bâtie
           de couleur pâle, tantôt de couleur foncée.   à Nankin. Elle était à trois étages, et s’éle­
           Elles offraient beaucoup de veines brisées,   vait an centre d’un couvent. Ce fut le roi
           et paraissaient avoir des fêlures cachées.   A-Yon qui la fit construire. 833 ans avant
           On estimait surtout les porcelaines qui    J.-C. La tradition ajoute que le même roi
           étaient couleur de riz et celles d’un bleu   en avait fait élever beaucoup d’autres dans
           pâle.                                      le même pays.
             Enfin la cinquième des porcelaines an­     Cette tour, ayant été détruite, fut rebâ­
           tiques les plus estimées, était celle de Ting   tie par Kien-wen-ti (375 ans après J.-C.).
           Yao. Il y en avait de plusieurs espèces,   Le couvent et la tour avaient été recons­
           savoir : 1° des porcelaines unies d’une blan­  truits pour immortaliser les vertus de l’im­
           cheur éclatante; 2° avec des fleurs en relief;   pératrice, mère de la dynastie des Ming,
           3“ avec des fleurs gravées en creux ; 4° avec   et pour témoigner la reconnaissance que le
           des fleurs moulées; 5° avec des fleurs pein­  pays lui conservait pour les bienfaits, dans
           tes . Le cachet dominant de cette dernière   dont elle l’avait comblé. On scella les murs
           était la blancheur de l’émail et l’éclat du   de la tour des reliques de Bouddha, décou­
           poli. Le corps du vase était blanc, et on le   vertes un siècle auparavant.
           recouvrait d’émail.                          Voici la description qu’a donnée un mis­
              Les cinq espèces de porcelaine que nous   sionnaire, le père Lecomte :
           venons d’énumérer, sont devenues fort rares
           en Chine même, et il n’en existe guère       « Tour de porcelaine près de Nan-King. 11 y a hors
           d’échantillons dans les collections les plus   de la ville, et non pas au dedans, comme quelques-
                                                      uns l’ont écrit, un temple que les Chinois nomment
           complètes de l’Europe. Les Chinois poussent   le Temple de la reconnaissance... La salle ne prend
           fort loin l’amour de ces porcelaines anti­  jour que par ses portes; il y en a trois à l’orient,
           ques, et ils font racheter en Europe celles   extrêmement grandes, par lesquelles on entre dans
                                                      la fameuse tour dont je veux parler, et qui fait par­
           qui, malgré toutes les précautions, ont pu
                                                      tie de ce temple. Cette tour est de figure octogone,
           franchir les frontières de l’empire. lien est   large d’environ quarante pieds, de sorte que chaque
           de même au Japon, où l’on paye aujourd’hui   face en a quinze. Elle est entourée par dehors d’un
                                                      mur de même figure, éloigné de quinze pieds, et
           7 à 8,000 francs un vase antique de porce­
                                                      portant, à une médiocre hauteur, un toit de tuiles
           laine traitée.                             vernissées qui paraît naître du corps de la tour, et
              Citons encore, pour mémoire, en négli­  qui forme au-dessous une galerie assez propre. La
            geant les noms chinois : la porcelaine de   tour a neuf étages, dont chacun est orné d’une cor­
                                                      niche de trois pieds, à la naissance des fenêtres, et
           couleur cachée, ainsi nommée parce qu’elle   distingué par des toits semblables à celui de la ga­
           était fabriquée uniquement pour l’usage    lerie, à cela près qu’ils ont beaucoup moins de sail­
            personnel de l’empereur, et qu’elle était ca­  lie, parce qu’ils ne sont pas soutenus d’un second
                                                      mur; ils deviennent même beaucoup plus petits à
           chée, pour ainsi dire, aux yeux du vulgaire;
                                                      mesure que la tour s’élève et se rétrécit.
           — les porcelaines à bleu pâle de l'oignon, —   « Le mur a au moins sur le rez-de-chaussée douze
            à couleur brune de l'encre de la Chine, — la   pieds d’épaisseur, et plus de huit et demi par le
                                                      haut. 11 est incrusté de porcelaine posée de champ ;
            porcelaine coquille d'œuf, etc., etc.
                                                      la pluie et la poussière en ont diminué la beauté ;
                                                      cependant il en reste encore assez pour juger que
              C’est ici qu’il convient de parler de la cé­  c’est en effet de la porcelaine, quoique grossière, car
            lèbre tour de porcelaine, monument cérami­  il y a apparence que la brique, depuis trois cents ans
                                                      que cet ouvrage dure, n’aurait pas conservé le même
            que que l'on a cité de tout temps comme
                                                      éclat.
            le plus extraordinaire qui soit jamais      « L’escalier qu’on a pratiqué en dedans est petit
   291   292   293   294   295   296   297   298   299   300   301