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290 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
passé dieu et patron des potiers chinois. la craquelure sur telle partie de la porce
Cette légende recueillie par nos mission laine qui leur avait été désignée d’avance.
naires n’a pas de fondement réel. Les Chi Nous ne suivrons pas M. Stanislas Julien
nois révèrent, en effet, un dieu qu’ils nom dans la description qu’il fait des manufac
ment Poussah ou Pou-téa ; mais ils n’enten tures qui furent successivement établies
dent pas adorer en lui un simple potier qui dans les dix-huit provinces de l’empire chi
se serait jeté dans un four pour activer la nois. Contentons-nous de dire que le nombre
cuisson de sa porcelaine. Ce dieu de la reli de ces manufactures s’éleva à soixante-dix.
gion chinoise est celui du contentement et Nous ne croyonspas davantage devoir indi
du bonheur. On le représente (figure 213, quer les différentes espèces de porcelaines,
page 288) sous la forme d’un vieillard obèse. au nombre de trente-quatre, que produi
Sa bouche est largement ouverte par un saient ces manufactures (1). Nous nous bor
rire perpétuel ; sa robe qui enveloppe seule nerons à indiquer les cinq espèces de porce
ment les membres inférieurs, laisse le torse laine antique qui étaient les plus recher
à découvert. Il y a loin de cette image ré chées, en dehors de celles de Kinq-te-
jouie et plantureuse à celle d’un homme tchin.
que le désespoir pousse au martyre. La plus estiméede ces cinq espèces de por
En parlant de la porcelaine bleu de ciel celaine, est le l'ch'aï-Yao, dont nous avons
après la pluie, nous avons employé le mot déjà parlé (couleur du ciel après la pluie}.
craquelure; ce mot doit être expliqué.Voici Le secret de sa fabrication est perdu de
ce que nous apprend à ce sujet Alexandre puis longtemps ; mais elle est tellement
Brongniart. prisée que si l’on est assez heureux pour
en trouver, même les plus petits fragments,
« Quand il n’y a pas accord parfait entre la pâte on les porte dans les cheveux, dans les
et la couverte, si cette dernière est trop dure, elle
parait grenue; si elle est trop fusible, elle pénètre coiffures de cérémonie, ou autour du cou,
dans la pâte ou coule vers la partie inférieure des en guise de collier.
pièces; sa surface est, ou picotée comme la coquille La seconde espèce est la porcelaine de
d’un œuf, ou couverte de petits bouillons, ce qui
la rend impropre à recevoir aucune dorure écla Youeï-Yao, faite sous la dynastie des Song
tante. Si la couverte n’est pas en rapport de di (900-1279). Elle est d’un très-beau bleu.
latation avec la pâte, elle se fendille : on dit alors La porcelaine truilée de cette provenance
qu’elle est tressaillée, craquelée ou truilée. Mais lors est à tressaillures très-régulières et très-
que par hasard cette tressaillure acquiert une sorte
serrées.
de régularité, qu’elle couvre la pièce de fissures
croisées, à peu près également espacées, ce défaut La troisième espèce, dite porcelaine des
difficile à faire naître devient une curiosité, une magistrats, était d’un bleu foncé ou clair,
rareté, et est alors recherché comme une qualité.
avec une légère teinte rosée. Quelques-
De là le prix qu’on met aux porcelaines truitées de la
Chine, » unes avaient des veines colorées comme
les pattes d’une écrevisse. Les couleurs
De tout temps, et pour toutes les pro les plus estimées sont le blanc de lune,
ductions céramiques, les Chinois ont atta le bleu pâle et le vert foncé ; plus tard le
ché le plus grand prix à la craquelure. Ils bleu foncé. •
étaient parvenus à produire régulièrement, La porcelaine antique qui occupe le qua
méthodiquement, par un coup de main trième rang, est celle dite Ko-Yao, ou du
hardi, cet accident ou ce défaut. Ils obte frère aîné. 11 y avait deux frères céramistes
naient ainsi des porcelaines craquelées ou
(1 Livbe 1", Examen des anciennes porcelaines, pages
truitées à volonté, et faisaient même porter 1-Î8.