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292 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
et incommode, parce que les degrés en sont extrê i attester, pendant dix mille ans, la recon
mement hauts; chaque étage est formé par de gros
ses poutres mises en travers, qui portent un plan naissance de son fondateur. »
cher et qui forment une chambre dont le lambris Les vœux de l’auteur impérial de cette
est enrichi de diverses peintures... I.es murailles des inscription ne seront pas remplis. Dans la
étages supérieurs sont percées d’une infinité de pe grande insurrection chinoise, lorsque les
tites niches qu’on a remplies d’idoles en bas-relief,
ce qui fait une espèce de marquetage très-propre : Tœppmcjs se sont approchés de Nankin,
tout l’ouvrage est doré et parait de marbre ou de comme il arrive souvent dans les guerres
pierre ciselée. Mais je crois que ce n’est en effet civiles, où les monuments publics ne sont
qu’une brique moulée et posée de champ, car les
Chinois ont une adresse merveilleuse pour impri pas même respectés, non contents de jeter
mer toutes sortes d’ornements dans leurs briques, la tour par terre, ils l’ont mise en morceaux
dont la terre, extrêmement fine et bien passée, est 11 en reste aujourd’hui à peine quelques dé
plus propre que la nôtre à prendre les figures du
moule. bris gisants sur le sol.
« Le premier étage est le plus élevé; mais les au
tres ont la même hauteur entre eux; j’y ai compté
cent quatre-vingt-dix marches, presque tontes de Nous allons arriver à l’introduction com
dix bons pouces, que je mesurai exactement, ce qui merciale de la porcelaine de la Chine en
fait cent cinquante-huit pieds. Si on y joint la hau Europe; mais nous devons auparavant nous
teur du massif, celle du neuvième étage qui n’a arrêter sur une particularité qui a son im
point de degrés et le couronnement, on trouvera que
la tour est élevée sur le rez-de-chaussée de plus de portance pour les amateurs-et les simples cu
deux cents pieds. rieux. Dans la plupart des manufactures de
<> Le comble n’est pas'une des moindres beautés la Chine, on se livre encore aujourd’hui à
de cette tour ; c’est un gros mât, qui prend au plan
deux industries différentes : la fabrication
cher du huitième étage, et qui s’élève plus de trente
pieds en dehors. 11 paraît engagé dans une large de porcelaines nouvelles et la contrefaçon
bande de fer de la même hauteur, tournée en vo que, par euphémisme, on nomme imitation
lute et éloignée de plusieurs pieds de l’arbre, de des porcelaines anciennes.
sorte qu’elle forme en l’air une espèce de cône vide
et percé à jour, sur la pointe duquel on a posé un L’art de la contrefaçon a acquis, dans le
globe doré d’une grosseur extraordinaire. Voilà ce Céleste Empire, une perfection inouïe, et
que les Chinois appellent la « Tour de porcelaine ». cela depuis plusieurs siècles. Les amateurs
Quoi qu’il en soit, c’est assurément l’ouvrage le
mieux entendu, le plus solide et le plus magnifique chinois payent au poids de l’or des vases, des
qui soit dans l’Orient. Du haut de la tour on décou tasses, prétendus antiques, et qu’ils savent
vre presque toute la ville, et surtout la grande col
parfaitement être de fabrication récente ;
line de l’observatoire qui est aune bonne lieue
de là. » mais elles sont une reproduction si exacte du
modèle, qu’on croit devoir rémunérer l’artiste
pour le talent d’imitation qu’il a déployé.
Nous représentons ici (fig. 217) ce mo
M. Stanislas Julien, dans la préface de son
nument curieux.
Histoire et fabrication de la porcelaine chi
La tour de Nankin, qui avait été recon
noise, rapporte plusieurs exemples curieux
struite, comme nous l’avons dit, par un des
du talent d’imitation des potiers chinois.
empereurs de la dynastie des Ming, portait
le nom de Poa-en-ssi (couvent de la recon « Dans les périodes, Long king (1567-1572) et
Wanli (1573-1619), un homme de Ou-men, dont le
naissance). Sa construction avait duré dix-
nom était Tcheou-tm-ts’ionen vint se fixer, dit M. Sta
neuf ans. Les plaques de porcelaine émail nislas Julien, à King-le-tching, et se mit à y fabri
lée dont elle était revêtue étaient de cinq quer de la porcelaine. C’était un des artistes les
couleurs : blanche, rouge, bleue, verte et plus renommés de son temps. Il excellait surtout
dans l’imitation des vases antiques. Dès qu’un vase
brune. Sur une plaque incrustée dans les était sorti de ses mains, tous les amateurs d’ob
trous de la façade de la tour, on lisait : «Pour jets d’art se le disputaient à l’envi, et voulaient