Page 292 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES.                             287

           colonie partit de la presqu’île de Corée, et   brillantes comme le jade. Ce potier fut
           alla fonder au Japon une fabrique de por­  chargé de fabriquer des vases pour l’empe­
           celaine de Chine. Nous raconterons, dans un   reur.
           chapitre spécial, les développements que    Vers 960, apparaissent les premières por­
           reçut au Japon la fabrication de la por­  celaines nommées bleu du ciel après la pluie
           celaine. Nous continuons ici notre sujet   (Yu-Kouo-Thien-Tsing). Voici l’origine de
           principal.                                la singulière dénomination donnée à ce genre
             Pendant un grand nombre d’années, au­   de porcelaines, qui sont d’ailleurs très-re­
           cun progrès n’est signalé en Chine dans la   marquables, et qui ont été souvent contre­
           fabrication de la porcelaine. De l’an 220 à   faites.
           l’an 419 après J.-C., elle prend un certain   Un fabricant ayant demandé, par une pé­
           développement, bien qu’on ne cite encore   tition, à l’empereur, de lui indiquer un
           aucun ouvrier distingué, aucune pièce remar­  modèle pour des vases qu’il désirait lui
           quable, sous le rapport de la matière, de   offrir, l’empereur fit répondre qu’il voulait
           la forme ni de l’exécution. Tout ce que    que cette porcelaine eût la couleur bleu
           l’on sait, c’est que la porcelaine chinoise de  ! de ciel qu'on aperçoit après la pluie dans l’in­
           cette époque était de couleur bleue et s’ap­  tervalle des nuages.
           pelait Lieou-li.                             L’artiste remplit ce programme avec le
             Entre les années 581 et 618 après J.-C.,   plus grand bonheur. « Ces porcelaines
           apparaît la porcelaine verte, Lou-tse, qui   étaient, dit un auteur, bleues comme le ciel,
           remplace le Lieou-li; c’était une sorte de   brillantes comme un miroir, minces comme
           pâte de verre dont la composition était    du papier, sonores comme un Khing (ins­
           perdue.                                    trument de musique), polies et luisantes ; et
              En 583, un décret spécial ordonne aux   elles se distinguaient autant par la finesse des
            fabricants du pays appelé aujourd’hui King-   veines ou de la craquelure, que par la beauté
            te-chin, de faire de la porcelaine pour l’u­  de la couleur (1). »
           sage de l’empereur, et de la lui apporter    Ce désir bizarre de l’empereur, deman­
           dans une de ses capitales.                 dant pour la porcelaine la couleur bleu de ciel
              La ville de King-te-chin était devenue le   après la pluie, n’était pas la manifestation
           centre le plus important des manufactures   d’un fait isolé. Tous les empereurs, ou du
            de porcelaine de la Chine, et nous donne­  moins beaucoup d’entre eux, désiraient
            rons plus loin des détails intéressants sur   avoir leur porcelaine spéciale, et lorsqu’ils
           cette localité (1).                        avaient épuisé la gamme des couleurs na­
              Presque simultanément, c’est-à-dire à la   turelles, ils voulaient en créer de nouvelles,
            fin du vie siècle, des fabriques s’établirent   d’après le caprice de leur fantaisie.
            à Tchang-nan. Les porcelaines qu’on y       Quelquefois ils commandaient des objets
           produisait acquirent promptement une       d’une forme ou d’une nature telles que les
            grande réputation. Cette ville est encore   fabricants ne pouvaient parvenir à les exé­
            aujourd’hui le siège d’une manufacture    cuter. Un empereur ordonna, par exemple,
           impériale.                                 qu’on fît pour le portique d’une galerie de
              En 621, on signale un potier habile, Thao-   son palais, des plaques de porcelaine hautes
            Yu, dont les porcelaines à fond blanc étaient  d’un mètre, larges de 80 centimètres et
                                                      d’une épaisseur de 15 centimètres. La fabri-
             (1) Dans la dernière des grandes insurrections dont la
            Chine a été le théâtre, les insurgés ont complètement dé­  (I) Stanislas Julien, Histoire et fabrication de la porce-
            vasté les manufactures de King-te-chin.   laine chinoise) page xxviu. (Préface du traducteur )
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