Page 29 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 29
LE VERRE ET LE CRISTAL. 23
la route des Indes par le cap de Bonne-Espé l rapide, fut créée en 1691 par Abraham
rance lui avait enlevé une grande partie de Tewart. Cette manufacture n’a jamais cessé
ses relations commerciales avec l’Orient ; les I de prospérer, et elle se livre encore aujour-
Turcs avaient anéanti sa flotte ; enfin l’illus ' d’hui à cette fabrication, dans laquelle on ne
tre Génois Christophe Colomb avait décou I lui connaît point d’égale.
vert le Nouveau Monde.
C’est après cette suite de revers que l’in Vers la fin du xvme siècle, une nouvelle
dustrie verrière passa en Allemagne, et de là espèce de verre fut découverte : c’est cette
en Bohème, où elle acquit une renommée substance lourde, brillante et sonore, que
qu’elle a, d’ailleurs, conservée jusqu’à nos l’on nomme cristal. Cette découverte se fit
jours. en Angleterre, où l’on comptait des verre
Les verreries de Bohème inaugurèrent un ries presque aussi anciennes que les nôtres.
système nouveau d’ornementation : la gra La fabrication du cristal passa bientôt en
vure. Cette nouveauté séduisit, et elle eut France. Dès 1784, un four à cristal fut éta
l’avantage de faire produire un verre épais, bli à Saint-Cloud, par un verrier français
très-blanc et très-pur. D’habiles artistes fu nommé Lambert.
rent employés à graver sur cette fragile sub Dans notre siècle, l’industrie du verre et
stance, des arabesques, des ornements, des du cristal a fait des progrès immenses.
portraits, des paysages. L’usage de la verrerie s’étend aujourd’hui à
Comme on l’a vu, par le passage que nous toute les classes, et fournit les ustensiles les
avons cité du livre du moine Théophile, la plus précieux, car à une propreté extrême, à
France possédait, vers le xii' siècle, et dans un entretien très-facile, le verre joint l’avan
les siècles suivants, des fabriques de vitraux tage d’un prix modique. Le verre est une sub
d’église. Mais elle ne fabriquait pour ainsi stance dont personne ne saurait se passer
dire que cette verrerie religieuse. dans la vie domestique, et dans la science
Vers le milieu du xvne siècle, Colbert, c’est la matière indispensable.
l’éminent ministre de Louïs XIV, songea à
doter la France d’une fabrique de glaces
qui pût faire concurrence à celles de Venise.
11 séduisit à prix d’or des ouvriers de Mu CHAPITRE III
rano, et une importante fabrique de glaces fut
PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DU VERRE.
fondée à Tour-la-Ville, près de Cherbourg,
sous la direction du sieur Poquelin, de Beau Qu’est-ce que le verre? D’après M. Du
vais, qui était, selon la tradition, le propre mas, le verre est un véritable sel : un silicate,
cousin de l’auteur du Misanthrope. On y pro à bases de potasse, de soude, de chaux, d’oxyde
duisait des glaces par le procédé du soufflage de fer, d’alumine ou d’oxyde de plomb, dans
employé à Venise. lequel on peut remplacer l’une de ces bases
Vingt ans après la création de cet établis par l’autre, pourvu qu’il reste toujours dans
sement, Lucas de Nehou inventa un procédé le composé uue base alcaline (1).
nouveau pour la fabrication des glaces. Au Cette définition est trop absolue. L’analyse
procédé du soufflage, il substitua celui du chimique et la pratique montrent que ce sel
coulage. On put obtenir, par ce moyen nou multiple qui, d’après M. Dumas, constitue
veau, des pièces d’une plus grande dimension.
La manufacture de Saint-Gobain, où fut mis (1) On désigne, en chimie, sous le nom général de base,
tout corps susceptible de se combiner aux acides. Les bases
pour la première fois en œuvre ce procédé principales sont les oxydes métalliques.