Page 27 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                 21


             ritable motif, c’était la surveillance à exercer   princes et aux seigneurs ces vases richement
             sur les ouvriers et les fabricants.       ornementés dont on lit la description dans
               La bijouterie de verre (perles, pierres   les inventaires des rois. Mais au xv' siècle,
             fausses et autres objets d’ornement) trou­  après la prise de Constantinople par les
             vait à l’étranger des débouchés immenses.   Turcs (1453), beaucoup d’artistes quittèrent
             Venise expédiait en Egypte, en Éthiopie, en   l’Orient, et se réfugièrent en Italie. Venise
             Abyssinie-, sur le littoral septentrional de   inaugura alors la période nouvelle, et la re­
             l’Afrique, dans l’Asie centrale, aux Indes, et   naissance du goût produisit des chefs-d’œu­
             même en Chine !                           vre qui ne le cédaient en rien à ceux des temps
               Venise avait dû cette dernière extension   antérieurs.
             de son commerce à l’un de ses enfants, le cé­  « Les produits que livra Venise se distinguèrent
             lèbre voyageur Marco-Polo. Celui-ci, après   dès lors, dit M. Jules Magny, par une élégance et une
            avoir passé vingt ans (1275-1295) à la cour   délicatesse extrêmes. Les échantillons recueillis au
                                                      Musée du Louvre peuvent en donner une idée. C’é­
             d’un roi d’Asie, et parcouru l’Asie centrale,
                                                      taient des coupes, des plateaux, des verres de forme
             fit connaître, à son retour dans sa ville natale,   carrée, évasée, à pans ; des bouteilles à col droit et
             les mœurs des habitants des régions qu’il
            avait explorées, leur avidité pour le clin­
            quant et le voyant. 11 indiqua avec la plus
            grande exactitude les routes à suivre pour
             répandre dans cette partie de l’Orient les pro­
            duits de l’industrie vénitienne. Sur les indi­
            cations de Marco-Polo, deux verriers véni­
            tiens, Cristoforo Briani et Dominico Miotti,
            imitèrent avec du verre coloré les agates, les
            grenats et les différentes pierres précieuses.
            Cofnme ces produits eurenCbeaucoup de suc­
            cès en Asie, Briani et Miotti formèrent des
            élèves dans l’art du margaritaire,qu’ils avaient
            créé. Cet art nouveau fut ainsi appelé parce
            qu’on désignait à cette époque les perles et
            les pierres précieuses sous le nom de mar-
            garita. On fit, avec ces perles fausses, des
            chapelets et des rosaires, qu’on expédia en
            Terre Sainte, et que les pèlerins qui reve­
            naient du Saint Sépulcre, répandaient ensuite
            dans toute l’Europe (1).
               Pendant le xive siècle la fabrication de
            la verroterie nuisit à celle des vases de
            verre décorés avec luxe. A cette époque, c’é­
            taient encore les fabriques de Constantino­
            ple, celles de Phénicie et d’Égypte (ces der­
                                                               Fig. 11. — Vidrecome allemand.
            nières désignées sous le nom collectif de
            verreries de Damas), qui fournissaient aux  long, à panses décorées d’e figurines ; des vases en
                                                       verre incolore, cannelé, à pâte sablée d’or ; des ai­
              (1) Turgan, les Grandes Usines, Verreries de Murano,   guières à anses denticulées, à tiges creuses, dorées,
            in-4». Paris, 1870.                        enguirlandées; des bouteilles d’échanson, des pots
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