Page 25 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                 19

             xie et xiie siècles, l’usage des vitres était gé­  invention. M. Peligot, dans son rapport sur
             néral dans les églises.                   les produits des verreries à Y Exposition uni­
               C’est, en effet, au xne siècle que l’on voit   verselle de 1855, donne à ce sujet les rensei­
             apparaître en Europe les premiers produits   gnements suivants :
             de la peinture sur verre.
               A la même époque, on commença à se
                                                         « Il est impossible de fixer d’une manière précise
             servir du verre blanc pour garnir les fenêtres   l’époque à laquelle l’usage des vitres blanches se ré­
             des maisons.                              pandit parmi nous : il paraît que cet usage n’est pas
                                                       encore fréquent, même pour les églises, dans les
               11 est extrêmement difficile de fixer l’é­
                                                       premières années du xive siècle. Berneton de Perin,
             poque où, pour la première fois, fut inventé   dans sa Dissertation sur l’art de la verrerie, insérée
             l’art de garnir les fenêtres des maisons de   dans le Journal de Trévoux, avance que, dès le xme siè­
             carreaux de vitres. Ecoutons à ce sujet quel­  cle, cet emploi existait en France ; mais c’est là une
                                                       simple conjecture. Les premières fabriques de verre
             ques auteurs. « Les Anglais , dit le P. Le-
                                                       à vitres ne datent queduxiv® siècle, sous Philippe IV
             vieil, dans Y Art de la peinture sur verre, ne   et le roi Jean. A la vérité, il s’en établit neuf en moins
             savaient pas encore ce que c’était que ver­  d’un demi-siècle. « Mais on ne doit pas s’imaginer,
                                                       « dit encore Levieil, que l’usage des vitres blanches
             rerie ni vitrerie, jusqu’à ce que saint Wil-
                                                       « fût déjà accrédité pour en être la seule cause : car,
             frid eût fait venir de France des vitres et des   j « quoiqu’il paraisse qu’on n’v fabriquait que du verre
             vitriers pour fermer les fenêtres de sa cathé­  « en plats, il est certain que tous les plats de verre
             drale d’York, que saint Paulin avait fait   « qu’on y ouvrait n’étaient pas de vitres blanches.
                                                       « Les vitriers, dans les démolitions qu’ils font jour-
             bâtir.» «Chose nouvelle en ce pays, dit
                                                       « nellement des vitres peintes de ce temps-là, trou-
             M. l’abbé Fleury, et nécessaire contre la   « vent souvent des boudins de verre de couleur qui
             pluie et les oiseaux. »                   « avait été ouvert en plats. »
                                                         « Au xvie siècle, les fenêtres des bâtiments, jus­
               Le même historien nous apprend, d’après
                                                       qu’alors fort étroites, devinrent plus grandes. Fran­
             Bède et les actes des évêques d’York, que   çois Ier donna l’exemple de cette innovation, en
             saint Benoît Biscop, ayant passé en France   faisant agrandir celles du Louvre pour la réception
             cinq ans après saint Wilfrjgl, en emmena des   de l’empereur Charles-Quint. La consommation du
                                                       verre peint en blanc devint alors beaucoup plus
             maçons pour construire l’église et les bâti­
                                                       considérable ; néanmoins l’usage exclusif des vitres
             ments de son monastère de Viremouth, dans   blanches d’un seul morceau ne prévalut qu’au siècle
             la Grande-Bretagne; que, peu de temps après,   de Louis XIV.
                                                         «Plusieurs faits curieux, mentionnés dans le Traité
             il fit également venir de France des verriers
                                                       sur l’Art de la verrerie, qui fait partie du Cabinet
             et des vitriers, qui y firent les premières vi­  Cyclopœdia, prouvent combien le verre à vitres était
             tres qu’on ait vues dans ce royaume, et en-   rare et précieux en Angleterre, il y a quelques
             garnirent les fenêtres de l’église et du mo­  siècles. Dans la seconde moitié du xvie siècle,
                                                       en 1567, il fut recommandé, lors d’une inspection
              nastère.
                                                       faite dans les domaines du duc de Northumberland,
                Ce fut donc des Français que les Anglais   d’enlever les carreaux de vitres des fenêtres pendant
              apprirent l’art de la verrerie et de la vitrerie.   l’absence du duc et de sa famille, et de les déposer
                                                      | en lieu sûr, pour les remettre en place lors de son
              Ils ne tardèrent pas, d’ailleurs, ajoute l’abbé
                                                        retour. En Écosse, même après 1661, les fenêtres des
              Fleury, à s’y rendre habiles; car les saints   habitations particulières n’étaient pas garnies de
              évêques Villebrod, Ouinfrid et Villehade,   vitres ; on n’en voyait qu’aux fenêtres des princi­
              Anglais d’origine, en portèrent, dans leurs   pales chambres des palais du roi. Je rappellerai que,
                                                        vers la fin du xvne siècle, il existait encore à Paris
              missions, la connaissance pratique chez les
                                                        des ouvriers spéciaux, les chàssissiers, qui garnis­
              Allemands.                                saient les fenêtres de carreaux de papier. Cet art
                S’il est démontré que la France a, la pre­  est décrit avec détail dans l’ancienne Encyclopédie
                                                        méthodique.
              mière, fabriqué des carreaux de vitres, il est
                                                         « Un vieux proverbe français disait : « L’abbaye est
              plus difficile de fixer la date exacte de cette  | « pauvre, les vitres ne sont que de papier. »
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