Page 21 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL. 15
M. Bontemps, qui a soumis à un minu exécuter telle ou telle pièce qu’il désignait.
tieux examen quelques fragments de ces vi Ce fait prouve suffisamment que l’art de la
tres, a reconnu qu’elles avaient été, non pas verrerie était singulièrement perfectionné
soufflées, mais coulées. « Il est vraisembla chez les Romains.
ble, dit cet auteur, qu’on versait dans l’inté Le musée de Londres possède un des chefs-
rieur d’un cadre métallique de la grandeur d’œuvre de cet art ancien : c’est ce vase célè
de la vitre que l’on voulait obtenir, le verre bre connu sous la double désignation de vase
que l’on avait extrait du creuset avec une Barberini et de vase de Portland, du nom de
cuiller. » Ainsi le coulage des vitres ou des deux de ses propriétaires successifs, le prince
glaces, qui a été réalisé seulement au xvin” Barberini et la duchesse de Portland. Cet
siècle, aurait été, à l’état rudimentaire, déjà objet précieux fut trouvé dans le sarcophage
pratiqué par les verriers romains. d’Alexandre Sévère, mort en 235 après J.-C. Il
Le verre des vitres de Pompéi est d’une est décoré de camées en émail d’un blanc
couleur vert bleuâtre. Il a donné à l’analyse laiteux, qui se dessinent en relief sur un fond
le résultat suivant, que nous mettons en re en verre bleu. C’est le plus remarquable
gard de l’analyse d’un verre moderne. échantillon antique de ce qu’on désigne au
jourd’hui sous le nom de verre double. La
Verre de vitre de Pompéi. Verre de vitre moderne.
Silice.......................... 69,43 69,6 figure 8 (page 16) représente ce spécimen
Chaux........................ 7,24 13,4 précieux de la verrerie romaine artistique.
Soude.......................... 18,24 15,2
Alumine...................... 3,55 1,8
Oxyde de fer............... 1,15
— de manganèse.. 0,39
Cuivre...........................Traces.
100 » 100 »
Les proportions de silice et de bases offrent,
on le voit, peu d’écart dans ces deux verres.
Ce qu’il y a de remarquable dans la ver
rerie romaine, ce sont les verres à plusieurs
couches, de différentes teintes. Ils présentent
des figures d’une certaine couleur qui se dé
tachent sur un fond d’une autre couleur.
Peu de pièces entières de ce genre de verrerie
romaine sont parvenues jusqu’à nous, mais
nous en possédons des fragments qui don
nent encore une haute idée de l’habileté des
verriers de l’Italie ancienne.
Pendant que je visitais, à Naples, le musée
où sont réunies les antiquités de Pompéi, j’y
rencontrai un habile connaisseur en matière
de verrerie, car il a été lui-même fabricant
de verrerie. C’était M. Gerspach, aujour
d’hui attaché à la direction des Beaux-Arts.
Fig. 7. — Vase de Strasbourg.
M. Gerspach admirait beaucoup les verreries
romaines en verre doublé, et il m’assurait que Quand les Romains eurent, sous Jules César,
les procédés modernes seraient impuissants à conquis la Gaule, ils introduisirent dans ces