Page 16 - Les merveilles de l'industrie T1
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10                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                        fleuve, le Belos, auprès duquel on voit le tombeau   vrage sur les Mœurs et les Coutumes des
                        de Memnon.Dans son voisinage on observe une chose   anciens Egyptiens (1), prouve que la fabri­
                        bien extraordinaire : c’est une fosse circulaire de cent
                        coudées, remplie de sable vitrifiable. Des navires en   cation du verre existait en Egypte, plus de
                        grand nombre viennent en prendre leur charge et   2000 ans avant notre ère, bien avant que
                        ne l’épuisent pas, car les vents, comme s’ils étaient   le peuple hébreu fût sorti d’Égypte. L’au­
                        d'intelligence avec les navigateurs, y en rapportent   teur donne plusieurs peintures trouvées dans
                        à mesure qu’on en enlève ; et dès que le sable est
                        dans cette fosse, il se change en verre. Mais ce qui   des sarcophages des plus anciennes dynas­
                        me paraît vraiment étonnant, c’est que ce verre,   ties des rois d’Égypte, et qui représentent, à
                        hors de la fosse, se résout aussitôt et redevient sable.
                                                                   n’en pas douter, le travail du verre. Ces des­
                        Telle est la nature de ce lieu. »
                                                                   sins trouvés dans des tombes de Beni-Has-
                           M. Bontemps, dans son Guide du verrier,   san, et qui remontent au règne du premier
                         explique très-bien cette prétendue transfor­  Ousertasen, prouvent que le procédé du
                         mation du sable en verre. Il suppose que   soufflage du verre était connu dès cette
                         ce sable venait à se recouvrir, par l’évapora­  époque.
                         tion de l’eau de la mer, de cristaux de sel,   Le premier dessin reproduit par sir Gard­
                         lesquels disparaissaient dans la masse quand   ner Wilkinson, représente un ouvrier prenant
                         on retirait le sable de la fosse. Un voyageur du   du verre dans un four, à l’aide d’un tube qui
                         xvme siècle, l’abbé Mariti, dit avoir observé   ressemble à la canne dont se servent les ver­
                         ce même phénomène à l’embouchure de       riers de nos jours. Le deuxième nous montre
                         l’antique Bélos, qui se nomme aujourd’hui   deux ouvriers assis l’un en face de l’autre,
                         Nahr-Halou.                               et un fourneau allumé placé entre eux. Ils
                           Le sable du Bélos était donc très-recher­  soufflent chacun un objet de verre, au moyen
                         ché des verriers de l’Antiquité. Il était pur,   de leur tube. Le troisième dessin représente
                         brillant, et devait peut-être au sel marin qu’il   deux verriers soufflant tous deux une même
                         contenait quelques-unes des qualités qui le   pièce (une bouteille) reposant à terre. Un
                         faisaient tant estimer.                   ouvrier placé à droite, se livre à la même
                                                                   opération que ceux du second dessin.
                           Le verre a été connu des Hébreux, car il   Sir Gardner Wilkinson décrit également
                         est parlé de celte substance dans le Livre de   un grain de collier en pâte de verre trouvé à
                         Job et dans les Proverbes de Salomon. A ceux   Thèbes, et qui porte, pour ainsi dire, avec lui,
                         qui ont contesté ce fait, en repoussant la tra­  son acte de naissance. En effet, une légende
                         duction du mot hébreu qui signifierait verre,   hiéroglyphique moulée circulairement et en
                         M. Bâtissier fait remarquer que « le verre a   creux, sur ce grain de verre, offre au traduc­
                         bien pu être connu des Hébreux, à la suite   teur le sens suivant : « La bonne déesse (c’est-
                         de leur captivité en Egypte et de leurs rap­  à-dire la reine) Râ-mâ-kâ aimée d’Athor,
                         ports avec les Phéniciens (1). »          protectrice de Thèbes. » Or Râ-mâ-kâ est le
                                                                   prénom de la reine Hatasou, régente de
                           Les premières verreries dont nous ayons   Thoutmosis III, qui régnait quinze siècles
                         conservé des monuments industriels irrécu­  avant l’ère chrétienne (2).
                         sables, sont celles de l’Egypte, et particulière­  D’après l’auteur que nous venons de citer,
                         ment celles qui étaient établies à Thèbes.  cette date correspond à 3367 ans avant J.-G.
                           Sir J. Gardner Wilkinson, dans un ou-     Sur des momies provenant des catacombes


                          (l) Histoire de l'art monumental dans l’Antiquité et au   . (1) The Manners and Customs of the ancien Egyptians.
                         Moyen âgp, p. G70.                          (2) La Verrerie, par Sauzay, in-18. Paris, 1869, p. 7.
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