Page 14 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 14

8                     MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                           poser en principe que la. découverte du verre   La traduction suivante, du passage de VHis-
                           a dû être la conséquence naturelle, néces­  toire naturelle de Pline auquel nous faisons
                           saire, de la fabrication du fer, fabrication   allusion, a été donnée par M. Bontimps, dans
                           qui a commencé à l’époque de l’histoire de   un excellent ouvrage, le Guide iu verrier,
                           l’humanité primitive qui porte le nom     auquel nous aurons à faire beaucoup d’em­
                           à'Époque du fer.                          prunts dans la suite de cette Notice.
                             Dans la métallurgie du fer, comme dans
                           celle du bronze, les gangues des minerais   « Il est, dit Pline, une partie de la Syrii, limitro­
                                                                     phe de la Judée,qu’on appelle Phénicie, oùse trouve,
                           qui servent à la fabrication du fer ou du
                                                                     au pied du Carmel, un lac nommé Candeiœa qu’on
                           bronze, produisent, sous l’influence de la   croit être la source du fleuve Bélos, qui, iprès un
                           chaleur, de véritables verres. Les scories   cours de trois mille pas seulement, se jette dans la
                           qui accompagnent toujours la préparation   mer près de Ptolémaïs. Ce fleuve est proton! et peu
                                                                     rapide; ses eaux sont bourbeuses et insalubres, et
                           du fer ou du bronze, et qui portent dans les
                                                                     toutefois honorées d’un culte. Il ne dépose ce sable
                           usines le nom de laitiers, ne sont autre   sur ses bords que lorsqu’il a été refoulé par lis eaux
                           chose qu'un verre très-fusible. Les laitiers   de la mer. Ce sable qui, avant d’avoir été agité par
                                                                     les vagues, n’eût pu être d’aucun usage, cevient
                           sont des mélanges de silicates alcalins ou
                                                                     pur et blanc, et doit à ce lavage la propriété d’être
                           terreux, colorés en vert ou en noir, par le   employé pour la fabrication du verre. Le rivige où
                           fer, le cuivre ou le manganèse. Ils n’ont pas   il se dépose n’a que cinq cents pas de longueur,
                           la-transparence du verre, car ils contien­  et cependant depuis bien des siècles, il n’t pas
                                                                     cessé d’être la féconde mine qui a alimenté les ver­
                           nent beaucoup d’impuretés, mais ils n’en
                                                                     reries.
                           sont pas moins des verres. La seule inspec­  La tradition rapporte que des marchands de nitron
                           tion des scories qui accompagnent les débris   qui prirent terre sur cette plage, voulant cuire leurs
                                                                     aliments, et ne trouvant pas dé pierre sur le ri'age
                           trouvés dans les anciennes fonderies de fer
                                                                     pour servir de trépied à leur chaudière, y suppléè­
                           du Jura bernois par M. Quiquerez (1), montre   rent avec des blocs de natron, qu’ils tirèrent de leur
                           que ces matières sont de véritables verres   vaisseau qui en était chargé. Le natron entrant en fu­
                           noirâtres et très-fusibles.               sion par l’ardeur du feu, et s’étant mêlé au sable de
                                                                     la plage, on vit couler un liquide nouveau et trars-
                             Dès qu’il exista des fonderies de fer, le   parent formé de ce mélange : d’où vient, dit-on, To-
                           verre dut être connu. Ce produit remonte   rigine du verre. »
                           donc jusqu’aux temps primitifs de l’huma­
                           nité ; sa connaissance fut l’œuvre de l’indus­  L’historien Flavius Josèphe rapporte h
                           trie rudimentaire des peuples antérieurs à   même aventure, qu’il attribue à des pirates.
                           la civilisation et à l’histoire.          Son récit diffère peu de celui de Pline.
                             La mise en lumière de cette vérité réduit   Cette anecdote a été certainement inventée
                           à néant les fables accréditées par les histo­  à plaisir, et recueillie, avec leur crédulité or­
                           riens de l’Antiquité grecque et romaine, con­  dinaire, par les historiens de l’Antiquité.
                           cernant la découverte accidentelle du verre   11 est, en effet, impossible que dans les con­
                           par des marchands phéniciens.             ditions que l’on rapporte, la chaleur du foyer
                             Pline et l'historien Flavius Josèphe sont   ait été suffisante pour déterminer la forma­
                           les écrivains qui ont les premiers rapporté   tion du verre, qui n’entre en fusion que vers
                           cette légende apocryphe.                  1000°.
                            (1) Voyez Quiquerez : Recherches sur les anciennes forges
                           du Jura bernois, Berne, 1866. On trouvera dans notre ou­  D’après l’origine si reculée que nous ac­
                           vrage l'Homme primitif (2' édit., p. 409-411),la description   cordons à la découverte du verre par l’indus­
                           des forges et fonderies de fer propres à l'époque de l'huma­  trie humaine, on ne sera pas surpris d’ap­
                           nité primitive connue sous le nom A’Age du fer. Voyez aussi
                           Morlot, Mémoire sur l'archéologie de la Suisse.  prendre que le verre ait été parfaitement
   9   10   11   12   13   14   15   16   17   18   19