Page 10 - Les merveilles de l'industrie T1
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IV                                 PRÉFACE.

                          révivification, le professeur de Montpellier ne voulut rien autre chose que le plaisir de
                          consigner sa découverte dans une page du Journal de pharmacie de Paris.
                            Si nous rappelons ce fait en passant, c’est que, dans les ouvrages modernes, dans les
                          cours publics, dans les mémoires scientifiques, on oublie trop souvent l’auteur de la
                          découverte de la propriété décolorante du charbon animal. En visitant un jour une
                          raffinerie de Bordeaux, nous y trouvâmes le buste de Pierre Figuier. C’est un hom­
                          mage qui vaut mieux que des millions. Mais revenons à notre sujet.
                            Les résultats de l’invention du métier Jacquart sont tellement connus, que nous ne les
                          rappelons ici que pour mettre en opposition les prodigieuses richesses qu’a retirées de ce
                          métier l’industrie des deux mondes, avec le peu d’attention qu’il excita au moment de ses
                          débuts. Qu’était-ce que le métier Jacquart? un simple perfectionnement de l’appareil
                          primitif de Vaucanson : des cartons percés de trous et enlacés bout à bout, pour rem­
                          placer le cylindre unique, également percé de trous, que Vaucanson avait inventé. C’est ce
                          que l’on objectait à l’immortel tisserand lyonnais, pour rabaisser sa gloire. Le métier Jac­
                          quart, que les journaux de l’époque ont à peine mentionné à ses débuts, et qui mérita si
                          peu de reconnaissance à l’inventeur que les ouvriers lyonnais menacèrent un jourfe le
                          jeter dans le Rhône, ce perfectionnement, si modeste en apparence, d’un métier déjà cornu,
                          a partout révolutionné l’industrie textile. Après avoir fait disparaître la fabrication i la
                          main pour les étoffes de soie façonnées, il s’est peu à peu introduit dans les ateliers, pjur
                          le tissage des étoffes façonnées de fil, de coton et de laine. Il a, en un mot, réalisé la ?é-
                          volution industrielle la plus profonde que l’on connaisse, sans en excepter même la filature
                          mécanique par l’appareil de Richard Arkwright, qui avait précédemment transformé l'in­
                          dustrie de la filature en Angleterre, comme le métier Jacquart a transformé l’industrie du
                          tissage dans le monde entier.
                            Avant l’année 1801, on savait imprimer, c’est-à-dire teindre superficiellement, à l’aide
                          d’un cylindre, les étoffes de coton. A cette époque Oberkampf, de Jouy, eut une idée, qui
                          parut d’abord insignifiante. Il remplaça la pièce de bois portant en relief le dessin ;i
                          colorier sur les étoffes, et la planche de cuivre gravée dont on faisait usage de son temps,
                          par des cylindres de cuivre portant en creux, sur toute leur surface, le dessin à imprimer.
                          On fit d’abord peu attention aux cylindres gravés du jeune fabricant; mais trente années
                          après, la grande industrie française des toiles peintes prenait un développement prodi­
                          gieux. Elle enrichit aujourd’hui les fabriques de la Normandie et de l’Alsace.
                            Autrefois les marais salants ne donnaient qu’un seul produit, le sel marin. Les eaux au
                          sein desquelles il avait pris naissance, celles que les chimistes appellent les eaux mères,
                          étaient rejetées. Elles sont aujourd’hui conservées avec soin, et par des réactions que le
                          froid de l’hiver peut seul provoquer, elles livrent abondamment au commerce des produits
                          très-divers : du sulfate de soude, qui sert à la fabrication du verre, — du chlorure de ma­
                          gnésium d’où l’on tire,presquepour rien, l’acide chlorhydrique,— de la magnésie, substance
                          indispensable en médecine, et qui, ajoutée aux ciments, leur donne la propriété de résister à
                          l’action des eaux de la mer,— enfin des sels de potasse, qui, transformés en salpêtre, servent
                          à la fabrication de la poudre à canon. C’est une simple réaction chimique de laboratoire,
                          c’est-à-dire la double décomposition entre le sulfate de magnésie et le chlorure de so­
                          dium, dans une eau refroidie à 0°, qui, appliquée en grand, nar M. Balard,aux eaux mères
                          des marais salants de la Méditerranée, a opéré cette merveille.
                             L’industrie sait produire de la chaleur artificielle, et les moyens de chauffage ne man­
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