Page 24 - Les merveilles de l'industrie T1
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18                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                     Pendant le Moyen Age, l’industrie verrière   de l’argent en feuilles. On recouvrait ensuite
                   fut donc exploitée surtout dans les pays de   le tout d’un enduit de verre fusible analogue
                   l’Orient. Elle livrait d’admirables œuvres où   au précédent, et, en faisant fondre au feu cette
                   la fantaisie byzantine se donnait libre car­  couche extérieure, on composait un vernis
                   rière: «C’étaient, dit M. Labarte, des vases en   propre à préserver la dorure.
                   verre coloré, rehaussés d’applications d’or,   Dans le troisième mode de décoration, dit
                   de peintures en émaux de couleur et d’orne­  M. Labarte (1), les peintures étaient expri­
                   ments en filigrane de verre. »            mées au moyen d’émaux dont on se servait
                     Le traité du moine Théophile (1), dont la   pour les incrustations. Les différentes cou­
                   date précisede publication est inconnue, mais   leurs d’émail étaient pulvérisées séparément,
                   qui paraît appartenir au xne ou au xnie siècle,   appliquées au pinceau et rendues adhérentes
                   nous apprend de quelle manière ces vases   par l’action d’une température élevée.
                   étaient fabriqués.                          Les ouvriers byzantins étaient d’une ha­
                                                             bileté remarquable. Outre les procédés anti­
                     « On trouve, dit Théophile, dans les mosaïques des   ques, originaires de l’Égypte et de la Phénicie,
                   édifices antiques des païens diverses espèces de
                                                             ils faisaient usage de moyens nouveaux et
                   verre, à savoir du blanc, du noir, du vert, du jaune,
                   du bleu, du rouge, du pourpre; il n’est pas transpa­  ingénieux, qui avaient été inconnus à l’An-
                   rent, mais opaque comme du marbre. Ces verres res-   tiquité. De tous les produits de l’art de la
                   semblènt à ces petites pierres carrées dont sont faits
                                                             verrerie byzantine, les plus utiles furent les
                   les émaux sur or, sur argent et sur cuivre. »
                                                             vitres, ou plutôt les vitraux, dont les Ro­
                                                             mains avaient les premiers inauguré la fabri­
                     Ces petites pierres sont évidemment des
                                                             cation et l’usage.
                   cubes de verre coloré par divers oxydes mé­
                                                                Au ive siècle, deux auteurs chrétiens, Lac-
                   talliques, auxquels on a ajouté de l’oxyde
                                                             tance et saint Jérôme, parlent de vitres pla­
                   d’étain, pour les rendre opaques. Ce verre
                                                             cées aux fenêtres des églises. Ce fut, en effet,
                   opaque et coloré servait à fabriquer les
                                                             dans les églises que l’on vit d’abord reparaître
                   émaux que l’on incrustait sur métal.
                                                             les vitres, dont l’usage s’était perdu depuis
                      Le moine Théophile nous apprend com­
                                                             les Romains.
                   ment les Grecs du Bas-Empire décoraient
                                                                Fortunat de Poitiers, contemporain de
                   les vases de verre opaque de couleur bleu-
                                                              Grégoire de Tours, dans ses poésies latines,
                    saphir. Il y avait trois manières. La pre­
                                                              fait honneur aux saints évêques de son temps
                    mière consistait à découper des figures quel­
                                                              (vie siècle) du soin qu’ils prenaient d’éclai­
                    conques dans une épaisse feuille de verre, à
                                                              rer leurs églises avec de grandes fenêtres
                    fixer cette feuille découpée sur le vase, à la
                                                              garnies de verre.
                    couvrir d’un verre très-fusible préalable­
                    ment mis en poudre et appliqué en couche    Jusqu’au vne siècle, on n’employa le verre
                    très-mince sur la feuille de verre. On portait   pour les vitres que sous forme de petites
                    ensuite ce vase dans un fourneau, où la couche   pièces rondes que l’on désignait sous le nom
                    de poudre vitreuse entrait en fusion.     de cives. On voyait alors aux fenêtres des
                      La seconde manière consistait à enrichir   églises des vitres de différentes dimensions.
                    les vases de sujets ou d’ornements dorés ou   L’usage des vitres pénétra en Angleterre
                    argentés, qu’on dessinait sur le vase avec  I auvne siècle; et au vme siècle il s’introduisit
                    un pinceau mouillé d’eau et portant de l’or ou l en Italie, ainsi qu’en Allemagne. Pendant les


                     (1) Diversarum artium Schedula.         ।   (I) Description de la collection Debrugc-Duménil.
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