Page 26 - Les merveilles de l'industrie T1
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20                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     A la fin du xvie siècle, il n’y avait encore   Imitant en cela la conduite des premiers
                   en Angleterre que les palais et châteaux   empereurs de Byzance, le gouvernement vé­
                   royaux qui fussent garnis de vitres. Encore   nitien protégea l’industrie verrière. Il aimait
                   les soins qu’on apportait à leur conservation   cette industrie, dit Carlo Marin, « comme la
                   étaient-ils excessifs, comme le lecteur va en   prunelle de ses yeux. » Grâce à cette protec-
                   juger par l’extrait qui va suivre de la minute
                   d’un plan du château d’Alaweik, qui porte la
                   date de 1557 :

                     « Et parce que, dans les grands vents, les vitres
                   de ce château et des autres châteaux et maisons de
                   Monseigneur se détériorent et se perdent, il serait
                   bon que toutes les vitres de chaque fenêtre, lorsque
                   Sa Seigneurie part,après avoir séjourné à aucun des­
                   dits châteaux et maisons, et pendant son absence ou
                   celle des autres personnes y demeurant, fussent dé­
                   montées et mises en sûreté ; et si, à quelque mo­
                   ment, Sa Seigneurie ou d’autres séjournaient à
                   aucun desdits endroits, on pourrait les remettre
                   sans qu’il en coûtât beaucoup à Sa Seigneurie, tan­
                   dis qu’à présent le dégât sera très-coûteux et deman­
                   dera de grandes réparations. »


                     L’usage de vitres faites d’un seul morceau
                   ne fut adopté en France que sous le règne de
                   Louis XIV, alors que Colbert avait fait venir
                   en France d’habiles ouvriers de Venise. C’est
                   en effet la ville industrieuse et commerçante
                   de Venise qui, au Moyen âge, eut le bonheur
                   d’enlever à l’Orient le monopole important
                   de la fabrication des verres artistiques.
                     Pendant les xic et xne siècles, Venise était
                   devenue la reine de la Méditerranée. Sa
                   puissance était formidable, sa flotte nom­ I
                                                                      Fig. 10. — Verrerie vénitienne.
                   breuse, son commerce très-étendu. Au com­
                   merce elle ne tarda pas à joindre l’indus­  tion qui ne se démentit jamais, Venise
                   trie. Aussi, après la prise de Constantinople   éclipsa toutes les autres villes où l’on fabri­
                   par les Latins en 1203, l’un des grands   quait du verre. Pendant plusieurs siècles elle
                   événements du xine siècle, Venise eut-elle   fit porter par ses nombreux vaisseaux, dans
                   l’idée d’attirer dans ses murs les verriers   toutes les parties de l’Europe et de l’Orient,
                   byzantins et grecs. Le gouvernement véni­  les productions variées de ses célèbres fa­
                   tien appela dans la cité des lagunes les ou­  briques. Elle s’enrichit considérablement à
                   vriers et les fabricants échappés de Constan­  cette exportation.
                   tinople. Elle les déclara citoyens de l’Etat, et   Vers la fin du xme siècle, le Conseil des
                   leur accorda tous les privilèges attachés, dans   Dix ordonna que les verreries seraient re­
                   celte ville, à la profession de verrier. De   léguées dans la petite île de Murano, qui
                   cette époque date l’importance des verreries   touche Venise. Le prétexte de cette mesure
                   vénitiennes.                              était le danger des incendies, mais son vé­
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