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28 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
mide n’est appréciable qu’après bien des an- j se changeait en terre, et qu’ainsi un élément
nées, sur les produits bien fabriqués. Mais, à pouvait se transformer en un autre. Pour ré
la longue, on voit les vitres, même les meil futer cette opinion, Lavoisier fit une expé
leures, perdre leur transparence, certaines rience qui fut remarquable par sa durée, car
glaces se couvrir d’une buée, et des plaques elle n’exigea pas moins de cent et un jours.
de verre prendre une teinte irisée. Les vitres Lavoisier soumit à des distillations et à des
des très-vieilles maisons présentent souvent condensations répétées, la même quantité
une surface terne et dépolie. Lorsque l’eau d’eau. 11 se servait d’un alambic en verre,
que contient l’atmosphère a attaqué la surface nommé pélican qui est disposé de manière à
d’une vitre, les moindres changements de reporter dans la cucurbite le produit condensé
température la font éclater, et elle s’écaille de la distillation. L’expérience étant enfin
lorsqu’on la frotte. On remarque surtout ce terminée, Lavoisier trouva que le poids total
fait sur les vitres des étables et des écuries. du vase et celui de l’eau étaient demeurés les
Elles offrent, par suite de cet écaillement, un mêmes; seulement l’eau ayant été séparée
aspect irisé, et tous les phénomènes de dé du sédiment terreux qu’elle renfermait, le
composition de la lumière produits par les pélican se trouva avoir diminué sensiblement
iames minces, se montrent à leur surface. de poids. Cette eau évaporée donna un ré
La même altération se manifeste avec une sidu : c’était le silicate alcalin qu’elle avait
grande évidence dans les vases, dans les lacry- enlevé au verre, et le poids de ce résidu
matoires, fioles, urnes, etc., recueillis dans ajouté à celui du premier sédiment représen
les tombeaux antiques. Tout objet de verre tait à peu près le poids que le pélican avait
que l’on trouve dans les fouilles et qui pro perdu, et qui était de près d’un gramme.
vient des Romains, des Gaulois, des Égyp La même expérience répétée aujourd’hui
tiens , etc., est recouvert d’une foule de donnerait certainement le même résultat,
petites écailles très-minces et très-brillantes, même avec le verre le mieux fabriqué.
qui le rendent opaque. On dirait que le Si le verre n’est que très-faiblement altéra
verre a été enduit extérieurement d’un vernis ble par l’eau bouillante, quand il est pris en
irisé, chatoyant et nacré. Les écailles, qu’on masse, il est, au contraire, fort altérable quand
peut en détacher par un léger frottement, on l’a préalablement réduit en poudre. C’est
sont un mélange de silice pure et de sili un fait que M. Pelouze a mis en parfaite évi
cates terreux ; quant au silicate alcalin, il dence.
a disparu, ayant été dissous par l’eau de l’at Une fiole d’un demi-litre de capacité envi
mosphère qui s’est condensée à la surface de ron, perd à peine un décigramme de son
l’objet de verre. poids après qu’on y a fait bouillir de l’eau
Cette dévitri/ication du verre se produit pendant cinq jours entiers ; mais si l’on vient
également par l’action de l’eau bouillante. Les à couper le col de cette même fiole, qu’on le
mafias en verre dont on se sert dans les la pulvérise et quon en fasse bouillir la poudre
boratoires de chimie, et dans lesquels on fait dans le même vase et pendant le même temps,
bouillir les liquides, se dépolissent assez ra cette poudre subit une altération, une dé
pidement; on voit une poudre blanche se ras composition telle que le tiers de la poudre
sembler au fond du vase. Cette altération pro- ' de verre est dissous par l’eau.
vient de la dissolution du silicate alcalin par Les faits suivants sont rapportés dans le
l’eau bouillante. mémoire de M. Pelouze sur les propriétés
Les alchimistes, qui avaient observé ce fait, chimiques du verre :
prétendaient que, dans cette expérience, l’eau « Toutes les sortes de verre qu’on trouve dans le