Page 34 - Les merveilles de l'industrie T1
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28                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                      mide n’est appréciable qu’après bien des an- j  se changeait en terre, et qu’ainsi un élément
                      nées, sur les produits bien fabriqués. Mais, à   pouvait se transformer en un autre. Pour ré­
                      la longue, on voit les vitres, même les meil­  futer cette opinion, Lavoisier fit une expé­
                      leures, perdre leur transparence, certaines   rience qui fut remarquable par sa durée, car
                      glaces se couvrir d’une buée, et des plaques   elle n’exigea pas moins de cent et un jours.
                      de verre prendre une teinte irisée. Les vitres   Lavoisier soumit à des distillations et à des
                      des très-vieilles maisons présentent souvent   condensations répétées, la même quantité
                      une surface terne et dépolie. Lorsque l’eau   d’eau. 11 se servait d’un alambic en verre,
                      que contient l’atmosphère a attaqué la surface   nommé pélican qui est disposé de manière à
                      d’une vitre, les moindres changements de   reporter dans la cucurbite le produit condensé
                      température la font éclater, et elle s’écaille   de la distillation. L’expérience étant enfin
                      lorsqu’on la frotte. On remarque surtout ce   terminée, Lavoisier trouva que le poids total
                      fait sur les vitres des étables et des écuries.   du vase et celui de l’eau étaient demeurés les
                      Elles offrent, par suite de cet écaillement, un   mêmes; seulement l’eau ayant été séparée
                      aspect irisé, et tous les phénomènes de dé­  du sédiment terreux qu’elle renfermait, le
                      composition de la lumière produits par les   pélican se trouva avoir diminué sensiblement
                      iames minces, se montrent à leur surface.  de poids. Cette eau évaporée donna un ré­
                        La même altération se manifeste avec une   sidu : c’était le silicate alcalin qu’elle avait
                      grande évidence dans les vases, dans les lacry-   enlevé au verre, et le poids de ce résidu
                      matoires, fioles, urnes, etc., recueillis dans   ajouté à celui du premier sédiment représen­
                      les tombeaux antiques. Tout objet de verre   tait à peu près le poids que le pélican avait
                      que l’on trouve dans les fouilles et qui pro­  perdu, et qui était de près d’un gramme.
                      vient des Romains, des Gaulois, des Égyp­    La même expérience répétée aujourd’hui
                      tiens , etc., est recouvert d’une foule de   donnerait certainement le même résultat,
                       petites écailles très-minces et très-brillantes,   même avec le verre le mieux fabriqué.
                      qui le rendent opaque. On dirait que le      Si le verre n’est que très-faiblement altéra­
                      verre a été enduit extérieurement d’un vernis   ble par l’eau bouillante, quand il est pris en
                       irisé, chatoyant et nacré. Les écailles, qu’on   masse, il est, au contraire, fort altérable quand
                       peut en détacher par un léger frottement,   on l’a préalablement réduit en poudre. C’est
                      sont un mélange de silice pure et de sili­  un fait que M. Pelouze a mis en parfaite évi­
                       cates terreux ; quant au silicate alcalin, il   dence.
                       a disparu, ayant été dissous par l’eau de l’at­  Une fiole d’un demi-litre de capacité envi­
                       mosphère qui s’est condensée à la surface de   ron, perd à peine un décigramme de son
                      l’objet de verre.                          poids après qu’on y a fait bouillir de l’eau
                         Cette dévitri/ication du verre se produit   pendant cinq jours entiers ; mais si l’on vient
                      également par l’action de l’eau bouillante. Les   à couper le col de cette même fiole, qu’on le
                       mafias en verre dont on se sert dans les la­  pulvérise et quon en fasse bouillir la poudre
                       boratoires de chimie, et dans lesquels on fait   dans le même vase et pendant le même temps,
                       bouillir les liquides, se dépolissent assez ra­  cette poudre subit une altération, une dé­
                       pidement; on voit une poudre blanche se ras­  composition telle que le tiers de la poudre
                      sembler au fond du vase. Cette altération pro- '  de verre est dissous par l’eau.
                      vient de la dissolution du silicate alcalin par   Les faits suivants sont rapportés dans le
                       l’eau bouillante.                         mémoire de M. Pelouze sur les propriétés
                         Les alchimistes, qui avaient observé ce fait,   chimiques du verre :
                       prétendaient que, dans cette expérience, l’eau   « Toutes les sortes de verre qu’on trouve dans le
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