Page 124 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                119

           plus grande quantité, on a le jaune d’or. Les tubes   taille, on entame plus ou moins la couche aurifère,
           de verre, qui, filés à la lampe d’émailleur, donnent   et on obtient ainsi des cristaux blancs avec dessins
           les fils servant à tisser des étoffes de soie et de verre   rouges ou roses.
           qui ressemblent aux brocarts d’or, sont colorés par   « On produit également la couleur pourpre en ap •
           ce mélange.                                pliquant au pinceau sur des verres très-siliceux, sans
             « Le sesquioxyde d’uranium donne au verre une   plomb, du bioxyde de cuivre très-divisé. Le carbo­
           belle couleur jaune avec reflets verdâtres (verre   nate de cuivre ou l’oxyde bleu hydraté, dont j’ai fait
           dichroïte) ; cette couleur est la même que celle de   connaître récemment la préparation, conviennent
           l’azotate cristallisé formé par cet oxyde. Pour la pro­  très-bien pour cet usage. On ajoute quelquefois du
           duire, on ajoute au verre (exempt de plomb) 2 à 5   fer métallique ou des battitures porphyrisées.
           pour 100 d’uranate de soude ou d’ammoniaque.  « Ces verres sont chauffés dans un moufle, au mi­
             « L’oxyde d’uranium, qu’on emploie beaucoup en   lieu d’une atmosphère réductrice. Il se développe, à
           verrerie, sert à colorer le verre transparen t et le verre   la surface des pièces, une belle couleur pourpre qui
            d’albâtre ; avec l’oxyde de cuivre, la teinte devient   rappelle celle des vitraux.
           jaune-verdâtre.                              « Cette même coloration peut être produite égale­
             «Le jaune plus ou moins orafigé, en tirant au brun,   ment avec du verre à deux couches, travaillé comme
            est fourni par le charbon très-divisé ou la fumée qui   le verre à vi t re pourpre dont j ’ai parlé p récédemment.
           résulte de l’introduction de l’écorce de bouleau ou   « Verre noir. — Cette couleur résulte d’un mé­
            de la corne dans la matière en fusion ; celle-ci est,   lange d’oxydes de cuivre, de cobalt et de fer.
            bien entendu, du verre nonplombeux.         « On l’obtient aussi au moyen du soufre introduit
             «L’argent donne, à la température du moufle, une   en nature dans la composition. Le verre hyalite
            belle coloration jaune-orangé. On l’applique au pin­  qu’on fait en Bohême est ainsi coloré. On ne peut
            ceau sous forme d’une bouillie claire formée de   pas dire exactement le rôle que joue le soufre pour
            chlorure ou d’oxyde d’argent, de colcotar ou d’argile   produire cette coloration; elle est peut-être due à la
            délayés dans l’essence. Quand la pièce a été cuite au   formation d’un sulfure. »
            moufle, on enlève à la brosse la poudre d’oxyde de
            fer ou d’argile qui reste sur le verre. Les verres les   La préparation des verres colorés exige
            plus siliceux, les moins fusibles, notamment les   beaucoup de soins, de la part des verriers.
            verres de Bohême, sont ceux qui prennent le mieux
                                                      Certains oxydes métalliques que l’on emploie
            cette couleur.
                                                      pour teindre le verre, obligent à modifier
             « Rouge et rose. — On fond dans un petit creuset du
            cristal ordinaire avec addition de 1 millième d’or à   la composition du mélange. L’oxyde d’ura­
            l’état de chlorure. Le cristal présente l’aspect du   nium, par exemple, ne peut être ajouté
            cristal ordinaire ; il a seulement une teinte un peu   au cristal, car l’oxyde de plomb du cristal
            bleuâtre. On le coule en plaques.
                                                      altérerait sa teinte. Il faut,’ quand on fait
              « On fait, d’autre part, une paraison de cristal or­
            dinaire à laquelle on fait adhérer un petit fragment   usage d’oxyde d’uranium, n’employer que
            de cristal aurifère ; en ramollissant ce verre à l’ou­  des verres à base de chaux et de potasse, avec
            vreau, sa couleur rouge se développe ; on le rabat
            avec les fers, on l’étend et on l’égalise surla paraison.  une forte prédominance d’alcali.
              « On a cueilli, avec une autre canne, du cristal   Le rouge est une des couleurs les plus dif­
            ordinaire dont on fait une paraison sur laquelle on   ficiles à produire. Les anciens obtenaient
            fait adhérer celle à deux couches qu’on vient de   cette couleur avec un éclat extraordinaire.
            faire, après qu’elle a été convenablement ramollie.
                                                      C’est le cuivre qui servait aux peintres-verriers
            On étend cette dernière sur la nouvelle paraison, et
            on la rabat comme un champignon, avec les pinces.   du Moyen âge, comme aux nôtres, à produire
            On a ainsi une pièce composée de trois couches de   le rouge; mais un préjugé populaire attri­
            verre ; la couche centrale est aurifère. Cette pièce
            est alors terminée par les procédés ordinaires.  buait cette coloration à l’or.
              « En opérant ainsi, la couche d’or se trouve garan­  Pendant notre première révolution, ce
            tie d’une fusion qui amènerait l’or à l’état de petits   préjugé manqua de devenir fatal à tous les
            globules offrant l’aspect métallique.     vitraux peints de nos églises. Le peuple s'i­
              « Dans le but d’obtenir le même retrait, on se sert
            de cristal ayant la même composition.     maginait, disons-nous, que le rouge des
              « La pièce est d’une belle couleur rouge-groseille   anciens vitraux contenait de l’or. Les révo­
            ou rose, selon que la quantité de cristal aurifère est   lutionnaires de 1792, dignes précurseurs de
            plus ou moins considérable. L’or s’y trouve, dans
                                                      ceux de la commune de Paris, en 1871, enle­
            tous les cas, en quantité extrêmement petite. Par la
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