Page 119 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 119

114                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                personnages sont de grandeur naturelle ou   cle, qui porte à son apogée l’art des vitraux
                de proportions colossales, mais le dessin est   peints. C’est alors qu’apparaissent Jean Cou­
                raide; les draperies sont à plis serrés à la   sin, Nicolas Pinaigrier et beaucoup d’autres,
                manière byzantine.                        qui sont experts dans l’art d’appliquer les
                  L’église cathédrale de Chartres, celle de  ! émaux sur le verre et dans une infinité de
                Strasbourg et celle de Noyon, ainsi que l’é­  procédés ou de tours de main ingénieux. Les
                glise Saint-Séverin, à Paris, nous présentent   peintres-verriers de ce temps, vivement épe-
                des verreries appartenant au xiv8 siècle.  ronnés par la découverte de la peinture à
                  A cette époque, on remarque un progrès   l’huile, veulent imiter leur puissante rivale;
                notable dans l’exécution des sujets. Le des­  mais cette tendance les amène dans une
                sin a beaucoup gagné en correction. On com­  mauvaise voie, et la peinture sur verre com­
                mence à copier la nature ; on fait usage du   mence à perdre son caractère original.
                clair-obscur, des ombres et des reflets, mais   Bernard Palissy fut un des derniers et des
                l’aspect général du tableau est moins harmo­  plus habiles peintres-verriers de la Renais­
                nieux. Les personnages sont entourés d’une   sance.
                architecture en grisaille, surmontée de dais   Nous citerons, comme spécimen des ver­
                ornés de clochetons et d’arcs-boutants. Les   rières du xvi8 siècle, celles qui se voient au­
                fonds en mosaïque, qui caractérisaient les  jourd’hui dans les églises Saint-Gervais et
                premiers vitraux, sont remplacés par des   Saint-Etienne du Mont, à Paris, à la Sainte-
                fonds unis, rouges ou bleus, quelquefois da­  Chapelle de Vic-le-Comte, en Auvergne, à la
                massés. Les pièces de verre qui portent les  । chapelle du château de Vincennes, à l’église
                dessins colorés sont plus grandes et les  | Notre-Dame, à Brou, et à la cathédrale
                plombs moins prodigués.                   d’Auch.
                  C’est au xiv8 siècle que le luxe des vitraux   La figure 89 représente une verrière du
                peints passa des églises dans les châteaux et   xvi8 siècle.
                les maisons princières. Les seigneurs en or­  Après le xvi8 siècle, la peinture sur verre
                nent leurs manoirs et les rois leurs palais.   tombe en décadence. La mode abandonne ce
                En France les rois Charles V et Charles Vil   genre difficile et compliqué, la peinture à
                accordent de grands privilèges aux gentils­  l’huile triomphe partout.
                hommes peintres-verriers.                   Au xviie siècle, on n’en parle plus. Les
                  La cathédrale de Clermont-Ferrand, la   peintres du temps de Louis XIV n’exercent
                Sainte-Chapelle de Reims (aujourd’hui Pa­  pas une seule fois leur talent dans ce genre
                lais de justice) contiennent des spécimens des   devenu suranné. Dans les pays étrangers,
                magnifiques verrières du xve siècle. A cette   où cet art se conserve encore, les procédés
                époque, apparaît dans tout son éclat le style   se détériorent. La décadence est si générale,
               flamboyant. Le fond du tableau est un émail   que des peintures sur verre qui furent exé­
                d’or et d’argent. Les draperies sont d’une   cutées pendant le xvne siècle à l’église Sainte-
               grande richesse,les encadrements ont disparu.   Gudule, à Bruxelles, par Diepennbecker, et
               L’usage de peindre en grisaille devient très-   celles qu’Abraham Van-Linge peignit dans la
               commun. On fait usage de verres doubles,   chapelle d’Oxford, ne tardèrent pas à s’alté­
               c’est-à-dire à deux couches, l’une incolore et   rer, et sont aujourd’hui complètement dé­
               l’autre colorée. Les plus habiles peintres du   truites. Deux cents ans ont suffi pour faire
               temps, Albert Durer et Jules Romain, four­  disparaître les œuvres de cette époque, tandis
               nissent des cartons aux verriers de leur temps.  que les verrières du xne siècle subsistent
                  Arrive enfin la Renaissance, ou le xvie siè­  encore et brillent du même éclat qu’autrefois.
   114   115   116   117   118   119   120   121   122   123   124