Page 116 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL. 111
substances métalliques, qu’ils tiraient principalement par assemblage de verres colorés ? C’est ce qu’il
de l’Inde, de sc vitrifier sous des couleurs différentes,
ils ont conçu et exécuté le projet d’imiter toutes les est impossible de dire exactement. Ce fut
espèces de pierres précieuses colorées, transparentes sans doute chez les verriers de Byzance,
ou opaques que leur fournissait le commerce du après la chute de l’Empire romain, que cet
même pays.
art prit naissance. Les Phéniciens avaient
« Strabon et tous les historiens ne se réunissent-
ils pas pour apprendre qu’on fabriquait de temps l’habitude de décorer les murailles et les
immémorial en Égypte, et par des procédés secrets, toits de leurs édifices avec des plaques de
des verres très-beaux, très-transparents, des verres verre diversement colorées (1). L’emploi du
dont les couleurs étaient celles de l’hyacinthe, du
verre pour la décoration des édifices passa
saphir, du rubis, etc., qu’un des souverains de ce
pays était parvenu à contrefaire la pierre précieuse des Phéniciens aux Grecs et aux Romains.
nommée C y an us; que Sésostris avait fait couler Dans le temple de Diane, à Ephèse, on a
ou sculpter en verre de couleur d’émeraude une sta trouvé plusieurs plaques dorées qui étaient
tue qu’on voyait encore à Constantinople sous le
règne de Théodose; qu’il existait aussi du temps couvertes d’une lame de verre, pour conserver
d'Apion Plistonique, dans le labyrinthe d’Égypte, la dorure.
un colosse en verre ; qu’on faisait enfin avec la sco Chez les Romains, l’emploi des lames de
rie des métaux un verre noir qui ressemblait au
verre coloré, doré, émaillé, était devenu
jaïet, substance, dit Pline, qu’on a mise en œuvre
avant d’avoir imaginé de la remplacer par le verre. extrêmement fréquent pendant les premiers
« En faut-il davantage pour prouver que les Égyp temps de l’Empire. Nous renvoyons, pour
tiens sont les plus anciens fabricants de verre, et
que, puisqu’ils imitaient les pierres précieuses, ils l’éclaircissement de ce fait général, à la sa
savaient préparer les oxydes sans lesquels ils n’au vante dissertation qui se trouve à la fin du
raient pas réussi à faire des verres colorés, de fausses remarquable ouvrage de M. Batissier, His
pierres précieuses et des émaux (1). » toire de l’art monumental, au chapitre inti
tulé : Histoire du verre chez les anciens (2).
Avec des cubes de verre de différentes
Dans l’impossibilité de fixer exactement
couleurs, les anciens composaient des mo
l’époque de l’invention des vitraux colorés
saïques, c’est-à-dire de véritables tableaux,
résultant de l’assemblage de verres de cou
résultant de l’assemblage et de la juxtaposi
leur, il faut se contenter de dire que les
tion de petits fragments de verre colorés,
premiers vitraux peints qui nous soient con
convenablement choisis. Les mosaïques de
nus appartiennent au ve siècle après Jésus-
Florence, que l’on fabrique encore de nos
Christ.
jours comme on les fabriquait au temps de
Saint Jean Chrysostome est le premier qui
Vitruve, et les magnifiques tableaux en mo
ait fait mention de ce genre de décor des
saïque que l’on admire dans l’église Saint-
églises. Après lui Lactance et saint Jérôme
Pierre de Rome, donnent une idée fidèle de
en disent quelques mots (3).
ce genre de travail. Les mosaïques de pierre
Aurélius Prudence, décrivant les mer
et de marbre ont dû conduire aux vitraux
veilles de l’église de Saint-Paul hors les
colorés. C’est, en effet, en assemblant des
murs, à Rome, écrivait au ve siècle : « Dans
fragments de verre teints, et en réunissant
les fenêtres cintrées se déploient des verres
avec de petites tiges de plomb ces différents
de diverses couleurs. Ainsi brillent les prai
morceaux, que l’on composa les premiers
ries ornées des fleurs du printemps (4). »
vitraux peints.
A quelle époque et chez quel peuple a-t-on (1) Hamberger et Michaelis, Commentarii societatis
composé, pour la première fois, ces vitraux Gottingœ, t. IV, Heeren, Idées, lib. I, cap. n, p. 94 (cités par
M. Batissier, Histoire de l’art monumental, p. 681).
(2) Batissier, p. 672-681.
(1) Description de l’Egypte, 2e édit. Panckoucke, 1829, (3) Ibid., p. 683.
t. IX, p. 213. (4) Id., ibid.