Page 112 - Les merveilles de l'industrie T1

LE VERRE ET LE CRISTAL. 107

« Pendant cette opération, est-il dit dans le la glace. Le liquide condensé et qui n’est
« brevet de M. Kessler, un phénomène d’en- autre chose que l’acide fluorhydrique pur,
« dosmose, intervenant, attire l’eau dans l’in- est conservé dans des flacons de plomb. On
« térieur du papier. Mais, attendu que celle-ci ajoute cet acide à l’eau, au moment de s’en
« ne peut y arriver qu’en expulsant du côté servir, dans la proportion de quelques cen­
« opposé une légère couche de l’acide faible tièmes seulement.
« qui en remplit tous les pores, qu’en ce Tout le monde sait que l’acide fluorhy­
« moment même l’encre est ramollie par la drique est une des matières les plus dange­
« fusion, cette couche légère d’eau acidulée reuses que l’on connaisse. C’est un réactif
« s’interpose entre le papier et l’encre, dont d’un effet terrible, puisqu’il attaque et détruit
« l’adhérence se trouve ainsi détruite. » presque tous les corps, simples ou composés.
Pour décalquer ou faire le report de l’en­ Ausfi faut-il s’entourer des plus grandes
cre, on applique l’épreuve sur le verre à gra­ précautions quand on le manie, soit dans le
ver, en la posant du côté de l’encre. On presse laboratoire de l’usine pour le préparer, soit
légèrement, à l’aide d’une roulette garnie de dans l’atelier des bains à graver.
laine; on mouille au besoin un peu le papier, M. Kessler, qui s’est beaucoup inquiété de
et on le tire vivement. L’encre seule reste prévenir ce genre d’accidents chez les ou­
sur le verre. vriers, a trouvé que l’ammoniaque est le
Cet enduit gras et résineux qui demeure meilleur moyen de combattre les brûlures
adhérent au verre, est le vernis préservateur faites par ce redoutable corrosif.
qui défendra de l’action de l’acide fluorhy­ L’avantage immense de la gravure du verre
drique les parties protégées, et qui repré­ par le décalquage d’une lithographie, c’est
sentent le dessin à tracer. Quand on porte que cette méthode permet de remplacer, dans
la plaque ainsi préparée dans le bain d’acide le travail courant, la main des artistes, autre­
fluorhydrique, cet acide n’attaque que les fois employés à la gravure du verre, par de
parties non recouvertes d’encre. simples ouvriers. Le talent du dessinateur
Après que la gravure a été faite par la n’est, en effet, nécessaire que pour la compo­
morsure de l’acide, on enlève le vernis protec­ sition du premier dessin sur la pierre litho­
teur, à l’aide d’un rouleau ou avec une es­ graphique.
sence. C’est grâce à la généralisation du procédé
Si l’on veut obtenir des dessins plus ache­ que nous venons de décrire que l’on voit
vés, au lieu d’une pierre lithographique, on aujourd’hui, en France et en Angleterre, tant
emploie une planche d’acier pour décalquer de glaces admirablement gravées, qui ser­
les gravures. vent à la décoration des maisons, des hôtels
L’acide fluorhydrique étendu d’eau est et des magasins. Le clair de la gravure fai­
placé dans de vastes cuvettes en gutta-percha sant opposition à la demi-transparence du
(la seule matière qui ne soit pas attaquée par verre est d’un admirable effet. Ce mode
l’acide fluorhydrique), et on plonge, seule­ d’ornement est déjà extrêmement répandu,
ment pendant quelques minutes, dans ce pour la décoration des intérieurs, car il réu­
bain, les verres à graver. nit ce que l’on recherche aujourd'hui : l’é­
L’acide fluorhydrique a été obtenu, dans clat, le goût et l’élégance.
l’usine même, en distillant dans des vases de
fonte un mélange d’acide sulfurique et de
spath fluor, et faisant condenser les vapeurs
dans un récipient de plomb refroidi par de