Page 108 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                103


            le verre blanc qui était placé sous le rouge, et   manivelle. Au bout de quatre à cinq heures, on cesse
            l’on produit un dessin blanc sur un fond   le mouvement, on déballe, débouche et vide les
                                                      boules, qui se trouvent dépolies intérieurement, d’un
            rouge. '                                  grain très-fin et très-égal. Ces boules n’ont qu’un
              C’est par ce moyen que nos tailleurs de cris-   trou, elles sont telles qu’elles ont été tranchées par
          . taux produisent ces dessins, ces inscriptions,   le verrier. Pour faire les trous convenables pour le
                                                      passage des cheminées de lampe, on monte sur le
            ces lettres, ces légendes, qui font le mérite
                                                      tour un mandrin cylindrique en tôle, dont le bord
            particulier des pièces qui ont reçu ce genre   est découpé en scie et du diamètre du trou qu’on
            de décor.                                 veut percer, et l’ouvrier ayant marqué les deux
                                                      places où doivent être percés les trous, prend la
              En usant la surface rouge un peu plus à
                                                      boule de la main droite et la présente contre le man­
            une place qu’à une autre, on produit des tons   drin, sur lequel il jette de l’eau et du sable avec la
            variables qui, distribués avec intelligence,   main gauche ; peu à peu le mandrin pénètre dans
                                                      le verre et y détache un disque de son diamètre (t). »
            font naître les plus heureux effets.
              On produit aussi des ornements sur le cris­
                                                        Passons à la gravure du verre et du cristal.
            tal en dépolissant en partie sa surface. On
                                                        On grave le verre et le cristal par le même
            donne aux parties du cristal ainsi traité un
                                                      moyen qui sert à les tailler ; seulement les
            aspect mat et opaque qui, sur des points bien
                                                      disques tournants, qui servent de burins, sont
            déterminés, forme des dessins réguliers, des
                                                      de dimensions extrêmement faibles. Ce sont
            étoiles, des fleurs, etc.
                                                      de très-petites roues de fer ou d’acier. On
              Pour dépolir le cristal on attache la pièce à
                                                      présente l’objet façonné à ces burins tour­
            un tour, et l’ouvrier présente aux points qu’il
                                                      nants, et leur contact superficiel use légère­
            veut dépolir une tige de fer qui est arrosée de
                                                      ment le verre, de façon à y produire les
            sable mouillé.
                                                      dessins, d’après un type que l’ouvrier a
                                                      sous les yeux, ou qu’il crée suivant son ima­
              On donne aux globes des lampes l’aspect
                                                      gination. Une boue liquide d’émeri ou de
            mat et dépoli que la mode leur assigne, par
                                                      grès pulvérisé tombe, d’un réservoir supé­
            un procédé assez curieux. Pendant long­
                                                      rieur, sur la roue, et accroît la puissance
            temps on s’était contenté de fermer avec deux
                                                      d’usure du métal.
            bouchons de liège le globe, à ses deux extré­
                                                        Quelquefois, au lieu d’une roue, l’ouvrier
            mités ouvertes, et de placer à l’intérieur de
                                                      fait usage d’une broche tranchante, fixée con­
            ce globe de petits graviers de sable, avec une
                                                      tre le tour. Il opère alors en présentant la
            certaine quantité d’eau. Ensuite, un ouvrier
                                                      pièce à graver au-devant de la broche. C’est,
            agitait pendant longtemps le sable à l’inté­
                                                      on le voit, tout le contraire du travail du gra­
            rieur du globe. Le verre finissait par se
                                                      veur sur bois ou sur métal. Le graveur sur
            dépolir, étant usé à sa surface intérieure par
                                                      bois ou en taille-douce tient le burin à la
            l’action prolongée des corps durs. Mais ce
                                                      main, et le fait agir sur la plaque de bois ou
            moyen était dispendieux, en raison du temps
                                                      de métal, qui est fixe; ici, c’est le burin qui
            qu’il exigeait. Aujourd’hui, on accomplit ce
                                                      est fixe, et c’est l’objet à graver que l’on pré­
            travail mécaniquement.
                                                      sente, que l’on tourne et retourne, pour le
              « On a imaginé, dit M. Bontemps, de faire de   faire entamer par l’outil.
            grandes caisses de 4 à 5 mètres de long, montées   La gravure est le travail le plus important
            horizontalement sur deux axes. On remplit du mé­  pour les verriers de Bohême, qui tracent sur
            lange d’eau, d’émeri et de cailloux, trente, quarante
            ou cinquante boules, suivant leur diamètre, aux­  leurs coupes, sur leurs vases à fleurs, sur
            quelles on adapte des bouchons, on emballe ces   leurs services de table, des dessins, des por-
            boules avec du foin dans la caisse, puis on fait tour­
            ner la caisse sur ses deux axes au moyen d’une   (1) Guide du verrier, p. 619.
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