Page 109 - Les merveilles de l'industrie T1
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104                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE


              traits, des paysages, des inscriptions, des   Son aspect est tout différent après l’action
              légendes. Ce sont ces dessins qui font sur­  de l’acide fluorhydrique; il est plus clair, car
              tout le mérite des verres de Bohème, et les   il a perdu de sa substance.
              ouvriers de ce pays font sortir de leurs mains   L’équation chimique suivante représente
              de véritables objets d’art. Mais la gravure   la réaction exercée sur la silice du verre par
              ajouterait peu à l’éclat du cristal, et la taille   l’acide fluorhydrique.
              est, pour cette substance, mille fois plus pré­
                                                           3 F1H + SiO3 = IPO3 + Fl’Si
              cieuse. Aussi la gravure n’a-t-elle jamais été,
                                                             Acide    Silice.   Eau.      Acide
              en France ni en Angleterre, un sujet de bien   fluorhydrique.            fluosilicique.
              grande préoccupation pour nos verriers, si ce
                                                           Aussi, dès l’année 1783,un chimiste alle­
              n’est pour l’usine de Baccarat, où elle joue
                                                        mand, Wentzel, annonçait-il qu’il était facile
              un certain rôle dans la décoration des cris­
                                                        de graver le verre en faisant un mélange
              taux destinés aux lustres et aux appareils d’é­
                                                        d’acide sulfurique et de spath fluor (minéral
              clairage. La gravure des vitres a pris seule de
                                                        naturel composé de fluorure de calcium).
              nos jours une grande extension. Mais la gra­
                                                        L’acide sulfurique décompose le fluorure de
              vure des vitres s’exécute par de tout autres
                                                        calcium, pour faire de l’eau et de l’acide
              moyens, que nous avons maintenant à décrire.
                                                        fluorhydrique. C’est ce que représente cette
                                                        équation chimique :
                Quand il s’agit de graver de larges surfaces,
              comme celle des vitres ou des glaces, on rem­  CaFl + SO3,IIO = S03,Ca0 + FUI
              place la roue d’acier par l’action d’un acide   Fluorure Acide sulfurique Sulfate   Acide fluor*
                                                        de calcium. hydraté.   de chaux.   hydrique.
              capable d’attaquer le verre, et qui permet de
              graver sur le verre comme on grave sur les   Si l’on reçoit les vapeurs de ce gaz sur une
              métaux. En recouvrant le verre d’un enduit   lame de verre, le verre est corrodé et décom­
              gras ou résineux, traçant à la pointe un dessin   posé en vertu de la réaction précédemment
              sur ce verre, puis plongeant le verre ainsi pré­  analysée. Si on reçoit ces mêmes vapeurs
              paré, dans un liquide acide capable de l’atta­  dans de l’eau, elles s’y dissolvent, et forment
              quer chimiquement, on peut creuser le verre  i une liqueur propre à attaquer et à graver le
              aux points où l’acide est en contact avec lui. > verre.
                Cette manière de graver le verre comme    Avant que Schèele et Marggraff eussent
              le métal, fut tentée dès le jour où l’on connut  | analysé l’action de l'acide fluorhydrique sur
              un acide ayant la puissance d’attaquer, de  ■ le verre, et découvert l’acide fluorhydrique, on
              creuser, de dissoudre le verre. Cet acide   avait été conduit par le hasard à mettre en pra­
              puissant et précieux fut découvert, au siècle   tique la gravure du verre par cet agent éner­
              dernier, par le chimiste prussien Marg-   gique. Nous trouvons dans le Dictionnaire
              graff et par le Suédois Scheele : nous avons   de chimie de M. Würtz, qu’en 1670, un négo­
              nommé X acide fluorhydrique.              ciant de Nuremberg, nommé Schwankhard,
                Quand on met l’acide fluorhydrique en   gravait le verre au moyen du spath fluor et
              contact avec le verre, cet acide est décom­  de l’acide sulfurique ; et qu’en 1735 Pauli, à
              posé: il se fait de l’eau et un corps gazeux,   Dresde, faisait usage du même moyen. Nous
              nommé acide fluosilicique, qui se dégage,   venons de dire que le chimiste Wentzel ap­
             emportant une partie de la silice du verre, et   pela l’attention sur ce fait important en 1783.
             par conséquent laissant le verre corrodé et   C’est en France que se fit l’application à
             gravé en clair. Le verre est décomposé, dé-  l’industrie du phénomène chimique que
             truit, puisqu’il perd une partie de sa silice, nous venons de signaler. Un chimiste de ce
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