Page 113 - Les merveilles de l'industrie T1
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108 . MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
CHAPITRE XV verre n’ont jamais pu être et n’ont jamais été
perdues. Ce qui s’est perdu, c’est la mode, le
LA PEINTURE SUR VERRE, SON HISTOIRE DEPUIS LE Ve SIÈCLE
goût des vitraux colorés. A partir du xvne
APRÈS J.-C. JUSQU’A NOS JOURS.
siècle on renonça à décorer les églises de ces
magnifiques vitraux qui embellissaient les
Un des préjugés les plus répandus et les
plus tenaces, est celui de la prétendue perte nefs du Moyen Age et récréaient les yeux
des fidèles réunis dans les églises. A cette
des secrets de la peinture sur verre. On dit
et on répète tous les jours, en France, en époque les grands artistes, abandonnant les
verrières, se consacrèrent uniquement à la
Angleterre, en Italie, en Suisse, que l’art de la
peinture sur verre, ainsique les procédés pour peinture à l’huile. Des nombreux ateliers
la préparation et l’application des couleurs qui avaient été consacrés à la fabrication
sur le verre et le cristal, ont été entièrement des vitraux d’église, pendant le Moyen Age et
perdus en Europe, depuis le Moyen âge. Le la Renaissance, il n’en restait pas un seul en
public, obligé de donner croyance à une as Europe, au temps de Louis XIV. Toutefois,
sertion qui a été cent fois reproduite dans les les livres dans lesquels étaient décrits les pro
livres et les journaux, est donc aujourd’hui cédés de préparation des couleurs et la ma
bien persuadé que l’art de la peinture sur nière de préparer les verrières, existaient tou
verre est un des mystérieux arcanes du Moyen jours et étaient à la disposition de tout le
Age, et que ce n’est qu’au prix de mille efforts monde. La peinture sur porcelaine, qui, au
fond, diffère très-peu de la peinture sur verre,
et sacrifices que l’on est arrivé à reconstituer
de nos jours une partie de cet art évanoui. maintenait, d’ailleurs, dans les ateliers les tra
L’opinion qui fait de la peinture sur verre ditions pratiques de cet art, alors négligé, mais
un secret perdu et retrouvé de nos jours, doit qui avait fait la grande préoccupation des
être mise au rang de celle qui attribue la siècles précédents. Aussi lorsque, au com
découverte de la vapeur à Salomon de Caus ; mencement de notre siècle, le goût des vitraux
elle n’a plus de fondement ni de raison d’être. peints vint à reprendre faveur en France, il
ne fut pas difficile de le faire revivre, et nos
Les procédés pour la préparation des cou
leurs vitrifiables, et les moyens de mettre en peintres verriers purent, du premier coup,
pratique l’art de la peinture sur verre, ont atteindre aux résultats que l’on admire le
été minutieusement décrits dans l’ouvrage plus dans les œuvres du Moyen Age et de la
Renaissance.
du moine Théophile, que nous ayons cité
plus d’une fois. Cet ouvrage, qui remonte au Le fait suivant donnera la preuve suffisante
xne siècle, c’est-à-dire à l’époque où la pein de ce que nous avançons.
ture sur verre commença à être pratiquée en Quand on voulut, sous le gouvernement
de Louis-Philippe, restaurer les vitraux de
France, n’a jamais cessé d’être réimprimé et
consulté (1). Depuis ce livre fondamental, la Sainte-Chapelle, à Paris, le ministre des
bien des auteurs tels que Haudiquier de Rlan- travaux publics, M. Dumon, institua un con
quoust, en 1667, Kunckel, en 1679, et le cours d’essai. Vingt-deux peintres verriers
pèreLevieil, en 1774 (2), ont décrit avec un répondirent à cet appel, et sur ce nombre,
soin rigoureux les procédés de cet art. douze furent admis à concourir. Pour s’as
Ainsi, les pratiques de la peinture sur surer que le futur restaurateur des vitraux de
la Sainte-Chapelle saurait parfaitement re
(1) Essais sur divers arts, par Théophile, traduit par produire le travail des peintres verriers du
Ch. de Lescalopier. Paris, in 8", 1843.
(2) L’Art de la peinture sur verre et de la vitrerie, 1 vol. Moyen Age, on remit à chacun des concur
grand in-folio, avec planches. Paris, 1774. rents, pour l’imiter, un ancien vitrail de la

