Page 117 - Les merveilles de l'industrie T1
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112                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                Les roses qui sont placées dans le transept   premiers vitraux peints par le procédé que
              du parvis de l’église Notre-Dame de Paris,   nous venons de décrire, et que nous possé­
              du côté du midi, ainsi que la verrière qui fait   dions en France, remontent au milieu du
              face au parvis de la place, sont exécutées par ce   xne siècle. C’était précisément le temps où
              moyen, c’est-à-dire résultent du simpleassem-   écrivait le moine Théophile ; et c’est à cet
              blage de morceaux de vitre de couleur, reliés   auteur que nous devons à la fois et la men­
              par des tiges de plomb.                   tion de ce produit de l’art et la description
                A l’époque où fut bâtie Notre-Dame de   des procédés qui servaient, de son temps, à le
              Paris, des verrières semblables existaient en   mettre en pratique (1).
              Grèce, en Italie et en Allemagne.
                                                          Nous jetterons un coup d’œil sur l’exécu­
                Cependant, nous n’avons pas besoin de le   tion des vitraux depuis le xne siècle jusqu’à
              dire, de simples fragments de verre de cou­  nos jours, en essayant de préciser le carac­
              leur assemblés, n’exigeaient pas la main d’un   tère propre aux verrières de chaque époque.
              artiste, mais seulement celle d’un ouvrier   Les vitraux les plus anciens qui existent en
              patient et adroit. La peinture sur verre pro­  France, appartiennent, avons-nous dit, au
              prement dite ne doit pas être confondue avec   xne siècle. L’exemple le plus authentique,
              ce procédé enfantin. L’art de la peinture sur   celui dont la date est certaine, se voit en­
              verre consiste à exécuter des sujets sur une   core dans la belle église abbatiale de Saint-
              lame de vitre, d’après les dessins d’un peintre.   Denis près Paris. Ces verrières furent exé­
              Les couleurs sont composées de matières vi-   cutées par les soins de l’abbé Suger. La
              trifiables, d’émaux, substances moins fusibles   cathédrale de Reims renferme des verrières
              que le verre. Le peintre verrier peint des   que l’on rapporte à la même époque, et qui,
              fragments de verre, et compose ainsi tout   d’après plusieurs archéologues , remonte­
              son sujet. Puis ces fragments de verre sont   raient même au xi' siècle.
              portés dans un four, enfermés dans une caisse   Les vitraux appartenant au xii' siècle, se
              de fer ou de brique, et chauffés, de manière   reconnaissent facilement à la petite dimen­
              à déterminer la fusion des couleurs et leur   sion des personnages et à l’incorrection du
              adhérence au verre. Le dessin se compose   dessin. Les sujets sont contenus dans des
              donc de matières colorantes minérales, fon­
                                                          (1) On a voulu attribuer à l’Allemagne l’invention de la
              dues et faisant corps avec la substance du   peinture sur verre, et l’on a cité comme preuve les vitraux
              verre. On peut nettoyer ces vitraux peints   peints de l’abbaye de Tegernsee, en Bavière, au sujet des­
                                                         quels l’abbé Cosbert écrivait, en 1091, au comte Arnold,
              sans les endommager aucunement. Voilà la
                                                         qui en avait fait don à cette abbaye : « Jusqu’à présent les
              véritable peinture sur verre, celle dont nous   fenêtres de notre église n’étaient fermées qu’avec de vieilles
                                                         toiles ; mais, grâce à vous, pour la première fois, le soleil
              avons à nous occuper ici.
                                                         promène ses rayons dorés sur le pavé de notre basilique,
                 La peinture sur verre naquit tout natu­  en pénétrant à travers des peintures qui s’étalent sur des
                                                         verres de diverses couleurs. »
              rellement, pour ainsi dire, de ces vitraux co­
                                                          Nous ferons remarquer que ces vitraux pouvaient résul­
              lorés résultant de l’assemblage de fragments   ter, comme ceux de la rosace de Notre-Dame de Paris et
              de verre de couleur, dont la connaissance   ceux de Saint Paul hors les murs, à Rome, de la réunion
                                                         des fragments de verre teints. Il faudrait, pour marquer
              s’était introduite en France, comme nous
                                                         l’époque réelle de la découverte de la peinture sur verre
              venons de le dire, vers le v* siècle. Mais à   proprement dite, que l’on fît mention du procédé d’exé­
                                                         cution, et que l’on dît que les couleurs étaient appliquées
              quelle époque et chez quelle nation se fit ce
                                                         sur le verre et fondues au four du potier. Rien de semblable
               pas de géant dans l’art de la décoration du   n’est dit dans ce document, de sorte que le livre du moine
              verre ? C’est ce que l’on ignore entièrement.  Théophile, dans lequel sont décrits les procédés de cet art,
                                                         reste toujours le seul authentique, pour fixer l’époque de
                 Tout ce que l’on peut dire, c’est que les   cette découverte en Europe.
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